La grippe ou influenza (1908) André/Formes thoraciques

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Formes thoraciques


 
 

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Chapitre
Formes thoraciques
Auteur
Gustave André
Extrait de
La grippe ou influenza (1908)
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Les formes cliniques de la grippe
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Symptomatologie

Cette page introduit un chapitre de l'ouvrage La grippe ou influenza, rédigé en 1908 par Gustave André.

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Formes thoraciques


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Le Professeur Litten, de Berlin (Die influenza- épidémie, Soc. méd. int. Berlin), relève la fré- quence extraordinaire de l'épistaxis. Elle fut si intense en 1890, chez certains malades, que les observateurs la désignaient comme i ne aimable. La laryngo-trachéite s'accompagnait de douleurs brûlantes et d'une sensation de cailloux le long du sternum. Litten relève encore dans ces documents des crises d'asthme avec orthopnée, des bronchites


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fibrineuses ou croupales avec coagulations en forme de grappes, enfin des bronchites putrides.

Le poumon est, en effet, le véritable champ d'action du microbe de la grippe et de ses, complices, le pneumocoque, le streptocoque, le pneumo-bacille de Friedlander, le tétragène, le micrococcus catarrhalis, etc. C'est là qu'éclatent, d'ordinaire, les déterminations les plus redouta- bles. Nous avons déjà parlé longuement de la congestion pulmonaire, des bronchites à pneumo- coque, de la bronchite capillaire, du catarrhe grimpant, accidents dont nous aurons à reparler dans le chapitre des complications. La broncho- plégie, entrevue par Graves et si bien étudiée par Huchard, appartient aux formes nerveuses.

Le Dr M. Labbé {Journal des Praticiens, mars 1902) a biqn étudié les formes thoraciques de la grippe. Nous ferons un résumé succinct de cet excellent travail.

La grippe respiratoire varie comme intensité et comme note dominante suivant les épidémies. Tandis qu'en 1803, par exemple, les troubles ner- veux se produisirent presque exclusivement, en 1837, l'appareil respiratoire fut surtout envahi. Au début de l'épidémie de 1889-1890, la forme nerveuse fut très accentuée, tandis qu'à la fin on n'avait guère à compter qu'avec les symptômes broncho-pulmonaires, notamment chez tesenfants et chez les vieillards. D'ordinaire, avec quelques


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frissons, de la fièvre et des algies diverses, on voit surgir un catarrhe nasal intense, accompa- gné d'injection conjonclivale, une toux parfois quinteuse donnant bientôt lieu à une expectora- tion muco-purulente. Plus tard, les associations microbiennes peuvent provoquer des complica- tions variées, ayant toutes pour point de départ la bronchite grippale. C'est ainsi que le catarrhe suffocant apparaît dans sa forme ordinaire ou peut revêtir l'aspect pseudo-membraneux.

Les diverses congestions, maladie de Woillez, congestion pulmonaire à forme pleurétique de Potàin, fluxion de poitrine de Dieulafoy, Dupré et Grasset, sont le plus souvent des manifestations grippales. On peut constater alors des points de côté, des crachats ocreux, de la submatité, du souffle, un peu de crépitation, etc. Nous avons déjà noté la mobilité remarquable de ces foyers congestifs. La spléno-pneumonie n'est qu'un degré avancé de ce processus. Nous connaissons déjà les signes de cette maladie si bien décrite par Grancher, maladie à évolution traînante, d'une durée parfois désespérante et pouvant évo- luer en deux temps. Quelquefois, comme Huchard et Lemoine l'ont signalé, il y a des troubles car- diaques avec expectoration sanglante. Plus tard, l'affection peut aboutir à la sclérose pulmonaire et à la dilatation bronchique, affectant la forme pseudo-phymique de Teissier, Lemoine, Egger,


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Mizon et Makereel. Nous avons déjà parlé du type broncïioplégique de Graves et Huchard. Il s'agit, comme le dit très bien M. Labbô, d'une bronchite capillaire généralisée avec paralysie des petits muscles de Réissessen, comme après la section des deux pneumogastriques.

Les pneumonies vaso-paraly tiques de Huchard, apyrétiques et dues à une insuffisance nerveuse, peuvent envahir en un jour un poumon tout entier. Nous avons déjà signalé le mode congestif si spécial décrit par Ferrand.

La broncho-pneumonie, suivant Lombard, sur- vient dans le cours môme de la grippe, tandis que la pneumonie vraie est l'apanage de la con- valescence. A noter encore les formes pseudo- lobaires avec leurs grandes oscillations thermi- ques, leur expectoration aérée et striée de sang et leur tendance à l'asphyxie.

La broncho-pneumonie à cocco-bacille de Meu- nier et la pneumonie fibrineuse si bien étudiée par Ménétrier sont décrites dans certaines pages de notre travail. Ce dernier auteur, concurrem- - ment avec Cornil et Babès, a signalé un type in- téressant, la péripneumonie avec inflammation surtout interalvéolaire. Les recherches de Fin- kler et Leichtenstein sur l'infiltration embryon- naire du tissu interalvéolaire, ainsi que la péri* pleurito sèche de Morol-Lavallée, bien résumées par M. Labbé, le sont aussi par nous dans notro Ira-


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vail. Le polymorphisme de la grippe thoracique en rend le diagnostic très épineux. La grippe, d'ailleurs, est trop souvent mise en cause; c'est ainsi qu'on peut méconnaître des manifestations tuberculeuses, des pneumonies typhoïdes, des catarrhes morbilleux, etc. Le pronostic de la forme thoracique est toujours sérieux.

Les symptômes pulmonaires, les localisations de l'affection sur l'appareil respiratoire, sem- blaient, jusqu'en 1890, faire partie intégrante de la maladie, obligatoirement en quelque sorte. Dans presque toutes les épidémies connues, ces troubles avaient été mentionnés et la réalité de leur existence était classique. Chose curieuse, dans la pandémie de 1889-1890, ils manquèrent presque complètement dans les premières se- maines, et n'apparurent, avec une intensité d'ail- leurs croissante, que lorsque la grippo se fut pour ainsi dire acclimatée dans nos pays. Les premiers cas faisaient plutôt songer à la dengue qui, par ' bien des points, en effet, se rapproche de l'in- fluenza. Le vrai danger réside dans la pneumonie lobaire et dons la broncho-pneumonie. Ces deux phlegmasies du poumon peuvent se présenter, dans quelques cas, à l'état d'ébauche; il s'agit, d'après Peter, de fluxions aiguës, mais plutôt corticaksque centrales; la maladie générale, in- fectieuse, agirait sur les expansions terminales du pneumogastrique et du grand sympathique


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mélangées dons les plexus pulmonaires. On per- çoit alors des râles crépitants en foyer et du souf- fle dans les diverses régions du thorax. A un de- gré plus avancé, d'après l'éminent clinicien, on constate, outre le souffle et la matité d'un côté, de la broncho-oegpphonie, témoignage d'un léger épanchement pleural ; ce sont là des pleurésies grippales plus congestives qu'exsudatkes, Il faut noter aussi une expectoration sanglante et flufde qui n'a rien de l'expectoration de la pneumonie franche. C'est, dit encore Peter, la « fluxion de poitrine » avec toux incessante, violente, conges- tive. Ces fluxions grippales sont souvent funestes chez les très jeunes enfants et chez les vieillards. Il faut redouter cette congestion pulmonaire grippale ; elle peut être mortelle, soit par la pro- duction d'une hémorragie persistante, soit par sa généralisation.

La pneumonie grippale

On a beaucoup dis- serté sur les différences, sur les nuances qui sé- parent'la pneumonie grippale de la pneumonie ordinaire, et beaucoup do cliniciens restent scep- tiques. Il n'existe pas de symptôme pathogno- monique, mais quelques légères différences dans le tableau morbide.

Ce problème mérite pourtant d'être serré do près, et tout d'abord, il importe de s'entendre sur le sens donné à ce terme do pneumonie grippale.,


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Nous pensons qu'il faut appeler ainsi la pneumo- nie qui surgit, non point précisément après les premiers troubles grippaux, mais surtout comme une manifestation primitive et, en quelque sorte, isolée de la maladie. Dans le premier cas, la pneu- monie est venue se greffer sur une grippe persis- tante, comme elle aurait pu le faire chez un typhi- que, un varioleux, un diabétique, un brightique, un alcoolique, etc. Il serait certes excessif de ne pas la qualifier do grippale, mais cette étiquette lui convient mieux, à notre avis, lorsque, dans une épidémie, elle éclate, sans être précédée par la fièvre calarrhale et quand elle s'accompagne des $/j0mafesordinairesderinfluenza,asthénie,_algies, brisement, etc. Sous le bénéfice de ces restrictions, nous croyons qu'il existe une pneumonie lobair.e propre à la grippe. Certains cliniciens distingués ne sont pas d'accord sur ce point, et nous croyons utile do résumer quelques-uns de leurs argu- ments.

Les premières observations ayant trait à cette question sont consignées, au nombre de trente- neuf, dans la remarquable thèse déjà citée par nous, du Dr Ménétrier. Avant lui, Jaccoud avait déclaré que la grippe était un terrain favorable à l'évolution du pneumocoque. Les casde Ménétrier avaient été relevés dans une petite épidémie do grippo à Paris, en I88u-1880. On peut objector qu'il s'agissait peut-être d'une fièvre catarrhalo



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saisonnière, d'une grippe nostras, ne présentant que de lointaines analogies avec la pandémie qui devait éclater trois ou quatre ans après. Les com- plications suppuralives provoquées par le pneu- mocoque furent fréquentes et très graves ; il s'agis- sait de fausses membranes fibrino-purulentes molles, d'hépatisation grise avec abcès miliaires dans le poumon et dans le rein,d'exsudats fibrino- purulents à la surface des hémisphères cérébraux, d'arthrites suppurées, etc. ; on était en face, en somme, d'infections pneumococciques intensives. Il est diïfiçile de tirer de ces faits des conclusions nettes dans le sens d'une origine grippale.

Finkler, qui a observé quarante-cinq cas de pneumonie grippale, n'a reconnu que deux fois le type de la pneumonie franche; les autres con- cernaient des phlcgmasies bâtardes à streptoco. ques.

D'après le Professeur Duponcliel {Bullet, méd,, 1890), adoptant en cela l'opinion du Professeur Gaucher, il ne faut point se hâter de donner un nom aux déterminations pulmonaires de ia grippe, au début de leur évolution. Un jour, ce sera la pleurésie qui sera au premier plan ; quel- ques heures ou quelques jours après, le paren- chyme pulmonaire sera en cause, et inversement. La phlcgmasiédu poumon peut ressembler à la congestion pure ou bien à la broncho-pneumonie ; le plus souvent* on sera en présence d'une pneu-



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monie franche. Dans trois cas observés au Val-de- Grâce, en 1890, le regretté clinicien fut tout sur- pris de no point trouver les crachats rouilles, visqueux et adhérents classiques; il s'agissait d'un liquide muquèux, filant, aéré, médiocre- ment adhérent aux parois du vase ; en somme, c'était l'expectoration du catarrhe bronchique. Le point de côté fut violent, mais aucun des trois malades ne perçut nettement le frisson initial si caractéristique. Les courbes thermométriques, n'étaient pas celles de la pneumonie franche; elles traduisaient nettement des poussées succes- sives d'inflammation pulmonaire. La durée de l'affection dépassa trois semaines et le déclin s'accompagna de sueurs nocturnes abondantes, do troubles nerveux variés, céphalée, rachialgie, insomnie, lassitude extrême, c'est-à-dire des stig- mates ordinaires de la grippe. Enfin, particularité remarquable, l'examen bactériologique des cra- chats ne révéla à aucun moment les diplocoques capsulés de la pneumonie.

Lo Dr Laveran, dans un certain nombre de pneumonies survenues à la même époque, cons- tata les mômes anomalies, notamment au point de vue de l'expectoration; en effet, l'examen des crachats révéla le plus souvent la présence do streptocoques, plus rarement celle des pneumor coques. Plusieurs cas de pneumonie grippale se produisirent chez des hommes en traitement pour



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d'autres maladies, ce qui pouvait plaider en faveur de la contagion. La conclusion à tirer de ces deux communications intéressantes, c'est qu'il est difficile, selon nous, de ne pas relever;, des différences assez tranchées entre ces singu- lières pneumonies et la pneumonie classique. La contagion ne constitue-t-elle pas, dans tous ces cas, une nuance appréciable?

Bonncmaison, de Toulouse, a, il est vrai, signalé un certain nombre de pneumonies parti- culièrement infectantes.etcontagieusesqu'il avait déjà d'ailleurs attribuées à la grippe; mais, eii temps ordinaire, cette contagion est des moins évidentes.

D'après Kundrat, la pneumonie franche, lobaire, a été assez rare en 1890. Il signale, en revanche, comme Comby, des bronchites d'une forme spé- ciale, localisées dans les conduits moyens, avec sécrétion trèsabondantedemucopus où lemicros- cope décela le véritable pneumocoque en grande quantité.

Jaccoud affirme que c'est seulement à une pé- riode avancée de l'épidémie que surviennent les pneumonies franches et les broncho-pneumonies, après lo troisième jour au plus tôt, au bout de deux semaines au plus tard. La pneumonie flbri- neuse grippale présente d'ordinaire quelques ca- ractères insolites; le début est insidieux et lent; l'ascension thermique est graduelle, irrégulière



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et rappelle le tracé de la grippe. Le point de côté; est rare, les frissons sont légers et répétés; l'ex- pectoration est franchement sanglante et médio- crement visqueuse. La lésion est spéciale aussi; les foyers sont peu étendus, mais multiples; cette pneumonie est essentiellement mobile; elle en- vahit progressivement les différents points du, poumon, souvent des deux côtés. L'auscultation révèle une hépatisation moins compacte; le souffle a moins de rudesse et les râles crépitants vrais sont rares et ont moins de sécheresse. La défervescence est le plus souvent graduelle; la résolution des blocs hépatisés est très lente, et l'exsudat fibrineuxest tellement abondant que la mort peut survenir par asphyxie. Le cinquième jour est particulièrement dangereux, entraînant rapidement un changement radical et tout à fait imprévu dans l'état du malade.

D'après Huchard, certaines pneumonies en bloc peuvent rapidement, dans l'espace de vingt- quatre heures, arriver à la période d'hépatisation et envahir un poumon tout entier. Ce sont, pour lui, des pneumoniesvago-paraly tiques.

Duponche), dans une seconde communication à la Société médicale des Hôpitaux, pour répondre à certaines objections, cita deux nouveaux cas dans lesquels l'examen de la poitrine donnait tous les signes d'une pneumonie lobaire et point ceux de la broncho-pneumonie. Le mode d'évolution, la


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courbe thermique, l'aspect des crachats présen- taient les mêmes analogies que dans les observa- tions citées plus haut. H faut ajoufer que, dans ces pneumonies grippales où se trouvait le strep- tocoque, Netterj contrairement à l'opinion de Duponchel, persista à voir, non des hépatisations loba ires, mais des broncho-pneumonies.

PourDuflocq, la pneumonie grippale est la consé- quence d'associations microbiennes; elle est insi- dieuse, ne présentant ni le point de côté, ni l'expectoration caractéristique. Il existe de la submatité, des râles crépitants, de la broncho- phonie, de la pectoriloquie aphone, des frotte- ments pleuraux, quelquefois du soufïle tubairc dur; les crachats renferment d'ailleurs des pneu- mocoques. La température, relativement peu élevée, est de 39°, 38°,5\ puis 37°,3. Il se produit alors un relèvement à 37°,7, 38°,4; enfin, le neu- vième jour, on trouve 36°,8.

Fiessinger, qui plaide l'identité de la grippe endémique et de l'influenza, admet que la pneu- monie lobaire, relevant de cette affection, présente un soufïle moins rude et des râles plutôt sous- crépitants, avec une dyspnée violente, du délire et une terminaison souvent funeste.

F. Widal parie de début insidieux, d'absence de frisson initial et d'un tracé thermique irrêgu- lier> avec dés rémissions et des poussées fébriles. Le souffle est moins rude ; les crachats à peine



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teintés sont analogues à ceux de la bronchite sim- ple. C'est, à peu de chose près, l'opinion de Du- ponchel et Laveran.

Dans deux autopsies de pneumonie grippale faites au Vésinet, en 1890, Gaucher constata l'aspect macroscopique d'une pneumonie lobaire arrivée à l'hépatisation grise. Cependant, l'exa- men microscopique fit voir que cette lésion de- vait être, en définitive, rapportée à la broncho- pneumonie. Après des inoculations à des souris de pulpes et de sucs pulmonaires et spléniques, cet éminent observateur affirma qu'il existait des broncho-pneumonies grippales, d'aspect pneumo- nique non tributaires, soit du pneumocoque, soit •du streptocoque. « Peut-être, déclare-t-il, nous a sommes-nous trouvés (Thoinct et Gaucher) en « présence de la pneumonie grippale pure, sans m- « fection secondaire, sans pneumocoque, nistreptoco- « que? »

Le D» Litten, de Berlin {Die influenza-epi- demie, 1889-1890, Soc. médec. int., Berlin), a •consacré quelques pages remarquables à la pneu- monie grippale; nous les résumerons briève- ment.

Au point de vue en question, les données cliniques ne sont pas sans analogie avec celles précédemment énumérées, avec cette considéra- tion qu'elles présentent sans conteste des côtés nouveaux et bien personnels.


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La forme fibrineuse s'accompagnait de frissons, de tremblements, de fièvre intense, tandis que la broncho-pneumonie évoluait graduellement avec peu de frissons et une élévation plus lente de la température, avec développement excessif des symptômes bronchitiques existant déjà,

Dans certains cas manifestement! lobaires ou fibrineux, on vit le frisson initial faire défaut; la crise manquait et était remplacée par une dé- fervescence mortelle; il aurait existé des pneu* monies doubles apyrétfques. Les formes adyna- miques ot typhoïdes prédominèrent. La durée classique de cinq à sept jours fut souvent dépas- sée et graduellement se préparait un abaisse- ment mortel de la température. Les crachats caractéristiques (marmelade d'abricots) firent souvent défaut. Les complications consistèrent en hémoptysies, liépatisatiôn caséeuse, infarctus pulmonaires, hoquet, certaines formes de péri- cardite, des pleurésies sèches ou sérq-fibrineuses. Les exsudations purulentes de la plèvre se pro- duisirent de préférence pendant lié côiirs des pneumonies croUpales,

Chose surprenante, on vit, dans certaines cir- constances, la pneumonie disparaître tout àcoup- avec l'explosion d'un érysijoôledë la face.

Le même auteur signale encore dés pneumo- nies bilieuses, avec crachats vert d'herbe etappa- rittori d'un ictère.


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La phtisie floride, rinfjllratlon purulente, la gangrène, le pyo-pneumothorax vinrent terminer dans certains cas la pneumonie fibrineuse.

De toutes les considérations qui précèdent, il parait résulter, croyons-nous, quo l'hépatisation pulmonaire grippale se présente anatomique- ment et cliniquement avec certains caractères qui sortent quelque peu des données classiques. C'est une question à reviser,

Broncho-pneumonie

Primitive, la pneumonie lobulaire vient compliquer assez fréquemment la grippe. Colto variété est bien connuo aujour- d'hui pour son caractèro spasmodique, angois- sant et sa marche serpigineuse qui la rapproche du catarrhe grimpant mentionné plus haut. La broncho-pneumonie grippale, comme les fluxions, de même origine, se localise volontiers vers les sommets et donne lieu à une expectoration puru- lente déjà notéo par Graves. On conçoit aisément combien, dans ces conditions, cetto phlegmasie peut en imposor pour la tuberculose; cette con- fusion est d'autant plus facile, que l'état aigu peut aboutir à la sclérose interstitielle et à la bronchectasie, avec apparition de phénomènes pseudo-cavilaires, d'ailleurs curables. ;I1 s'agit quelquefois d'une splénisation pulmonaire s'attàr- dant dans un sommet» Ces variétés primitives ou secondaires sont bien connues aujourd'hui et leur



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pronostic est particulièrement sévôro ; elles pré- sentent d'ailleurs un haut degré de contagiosité.

Nous avons déjà noté ce qui distinguait, au point de vue anatomo-pathblogique, les nuances séparant ces broncho-pneumonies grippales de la forme ordinaire, tant au point do vue histo- logique qu'au point de vue bactériologique ; lo bacille de Pfeiffer serait au premier plan et action- nerait les agents pneumonigènes habituels, pneu- mocoques et streptocoques.

H. Meunier a étudié, comme nous l'avons déjà vu, dix cas de broncho-pneumonie infantile dus au bacille do Pfeiffer. La clinique, déclare cet observateur distingué, ne peut, en l'absence de recherches bactériologiques, formuler le diag- nostic de broncho-pneumonie grippale, surtout chez l'enfant ; la notion d'une épidémie régnante peut être pourtant d'un» grand secours. Les nuances symptomatiques invoquées par Meunier sont les suivantes : irrégularité de leur marche, prédisposition aux rechutes, degré très marqué do dépression et d'abattement se prolongeant longtemps après la défervescence. Chez une fillette de quatre ans, atteinte de broncho-pneumonie grippale, Comby constata du souffle doux à la base gauche, sans râles ni matité; la fièvro était forte, la dyspnée intense, l'abattement très mar- qué; néanmoins, l'enfant guérit.

Chez l'adulte, la broncho pneumonie grippale


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est quelquefois un phénomène ultime ; elle sur- vient parfois après une diarrhée abondante ; elle se caractérise par la fréquence du pouls et un affaiblissement extrême. L'auscultation révèle un grand nombre de râles sous-crôpitants fins, avec dos pôriodos d'amélioration et des poussées fé- briles. La flore bactérienne est assez riche,

La pneumonie catarrhale peut ôtro le primum movens d'une phtisie caséeuse (Ch. Garnier). H se- produit d'abord plusieurs foyers pneumoniques présentant des pneumocoques, des streptocoques cl des staphylocoques; plus tard, ces zones hépa- tisées sont envahies par lo bacille de Koch. L'ag- gravation d'une phtisie pulmonaire préexistante- par la grippe a été observée fréquemment, et c'est par l'intermédiaire de cette complication qu'on voit parfois la broncho-pneumonie s'accom- pagner de pleurésie purulente.

Ch, Garnier a étudié {Arch. de Méd. expé- rim., 1900) le rôle du bacille tuberculeux dans - l'étiologie et la pathogénie de la pneumonie caséeuse. Strauss, dont il discute l'opinion, attri- bue dans ce cas une place prépondérante au ba- cille do Koch.Hutinel.Mosny, Aviragriet, Mar- fan, etc., ne font intervenir l'agent spécifique do la tuberculose que d'une façon secondaire. *Les altérations pneumoniques ou broncho-pneumoni- ques seraient primitivement engendrées par les microbes habituels, streptocoque, pneUmoco-


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que, etc. ; plus tard, lo bacille tuberculeux ferait subir aux zones bépatisées la transformation ca- séeuse; il s'agirait, en somme, d'une infection mixte, Strauss, dans son beau livre, 7a Tubercu- lose et son bacille, rejette cette théorie en se basant sur des recherches pratiquées avec la collabora- tion de Gamaleia. Ce mode d'infection parait rare, en effet; la clinique, cependant, offre quel- ques faits indiscutables. Ch. Garnier rappelle, à ce sujot, une observation recueillie dans le ser- vice du Professeur Bernheim. Tout plaidait en faveur d'une pneumonie lobaire grippale, locali- sation au sommet droit, évolution spécialo, mar- che de la température, prodromes caractéristi- ques, etc. ; l'autopsie démontra nettement qu'il s'agissait d'une pneumonie grippale avec trans- formation caséeuse; d'ailleurs, le pneumocoque et le bacille de Pfeiffer figuraient dans la flore mi- crobienne. On peut supposer avec Ch. Garnier que, chez ce sujet, la grippe avait réveillé un foyer de tuberculose latente, et conclure, à moins d'invo- quer une contagion nosocomiale, qu'une pneu- monie fibrineuse peut, dans certaines conditions, se transformer en pneumonie caséeuse.

Nous avons déjà fait pressentir la difficulté do distinguer une pneumonie lobaire grippale d'une pneumonie lobulaire ; c'est que cette dernière, en effet, prend souvent la forme pseudo-lobaire. En général, dans cette variété d'hépatisation,


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le début est moins soudain et les signes stôthosco- piques indiquent des lésions moins profondes ; on peut faire la part de ce qui appartient à la bron- chite et aux Ilots d'induration, Les lésions ont moins de fixité et les zones inflammatoires sont changeantes. L'expectoration n'est pas rouillôe ; elle est aérée, quelquefois striée de sang ou puru- lente; l'asphyxie est plus vive. Voici, aussi ré- sumée que possible, une intéressante observation de Rendu concernant une broncho pneumonie grippale compliquée d'une gangrène des mem- bres inférieurs [Bull, Soc. méd. Uôp., janv. 1892). Il s'agit d'une femme de trente-sept ans, entrée à l'hôpital avec une dyspnée extrême, un point de côté très violent, symptomatique d'une pleuré- sie diaphragmatique. Il existait des râles fins de congestion aux deux bases, une respiration légè- rement soufflante à la base droite, et le pouls était de 140. Au bout de quelques jours, détente passa- gère, pourtant agitation et sueurs profuses ; aux râles fins avaient succédé de gros râle? muqueux ; l'expectoration était devenue facile, et un herpès labial avait apparu. Puis, aggravation, agitation, anxiété, tendance aux syncopes; soixante-douze respirations par minute, lèvres cyanosées et livi- des; 36°. Les bruits du coeur, sourds et mal frap^ pés, dénotaient un collapsus cardiaque imminent. Une nouvelle recrudescence survint, avec pluie de râles fins, souffle congeslif presque tubaire


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vers le lobe moyen du poumon droit, On pouvait songer à une endocardite avec coagulations intra- cardiaques,

Pourtant, une nouvelle amélioration so produis sit; mais bientôt apparurent, sur les deux mollets, des marbrures bleuâtres, des sugillalfons ressem- blant à des ecchymoses profondes; tout cela coexistant avec un peu de gonflement des jambes, des douleurs vives au moindre attouchement et une coloration cireuse des pieds. Il s'agissait pro- bablement d'une thrombose ou d'une, embolie des artères fémorales, peut-être mémo des ilia- ques avec imminence d'une gangrène des mem- bres inférieurs.

Entre temps, la pneumonie, en voie de résolu- tion, était remplacée par de la bronchite puru- lente.

Après des péripéties diverses, le sphacôlo des jambes s'accentua; chose curieuse, la respira- tion devint normale et l'appétit se réveilla ; bref, cet état général satisfaisant était peu en har- monie' avec la gangrène totale des membres inférieurs.

Après mûr examen, l'idée d'une intervention chirurgicale fut repousséo. Enfin, la phase ultime surgit avec accidents septiçômiques, et la mort survint après une hyperthermio croissante, des râles nombreux et une diarrhée fétide.

A Y autopsie, traces non douteuses de broncho-


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pneumonie, atélectasie du.lobe inférieur droit, avec quelques points encore hépatisés, bronches enflammées, tomenteuses, la plupart pleines de pus. Coeur : Végétation verruqueuso récente sur l'une des valvules sygmoïdes de l'aorte ; de plus, sur le fond du ventricule gauche, au voisinage de la pointe, caillot fibrineux ancien, ramolli et puriforme à son centre. Artères : Oblitération artérielle au-dessus de la bifurcation des deux iliaques primitives; à un centimètre au-dessous ùe cette bifurcation, caillot dur, grisâtre, fibri- neux, très solide, rattaché à la paroi artérielle, par des adhérences lâches. Ce caillot se conti- nuait avec lés mômes caractères dans l'iliaque externe des deux côtés. Au contraire, dans les fémorales, il existait des caillots cruoriques de formation récente; en outre, on trouva des coa- gulations sanguines dans la veine fémorale gau- che et dans l'artère rénale droite; le rein corres- pondant était totalement nécrobiosô, ce qui avait .passé inaperçu pendant la vie,

Recherche des agents infectieux. — Dans les crachats, présence non douteuse du pneumoco- que ; le suc retiré do fragments du parenchyme pulmonaire donna lieu à une culture presque exclusivement composée de pneumocoques. Quant aux cultures faites avec des fragments du caillot du coeur et de ses portions ramollies, elles restè- rent stériles. La conclusion de Rendu fut que le



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Voir aussi