Introduction médecine expérimentale (1865) Bernard/Partie 2/Chapitre 1

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Chapitre I : Considérations expérimentales communes aux êtres vivants et aux corps bruts

Introduction à l’étude de la médecine expérimentale


 
 

Portrait of Claude Bernard (1813-1878), French physiologist Wellcome V0026035.jpg      
Introduction à l’étude de la médecine expérimentale
Deuxième partie
De l'expérimentation sur les êtres vivants
Auteur
Claude Bernard
Chapitre 1:
Considérations expérimentales communes aux êtres vivants et aux corps bruts
=> Chapitre II - Considérations expérimentales spéciales aux êtres vivants
     
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Chapitre I : Considérations expérimentales communes aux êtres vivants et aux corps bruts


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I. - La spontanéité des corps vivants ne s’oppose pas à l’emploi de l’expérimentation

La spontanéité dont jouissent les êtres doués de la vie a été une des principales objections que l’on a élevées contre l’emploi de l’expérimentation dans les études biologiques. En effet, chaque être vivant nous apparaît comme pourvu d’une espèce de force intérieure qui préside à des manifestations vitales de plus en plus indépendantes des influences cosmiques générales, à mesure que l’être s’élève davantage dans l’échelle de l’organisation. Chez les animaux supérieurs et chez l’homme, par exemple, cette force vitale paraît avoir pour résultat de soustraire le corps vivant aux influences physico-chimiques générales et de le rendre ainsi très difficilement accessible à l’expérimentation.

Les corps bruts n’offrent rien de semblable, et, quelle que soit leur nature, ils sont tous dépourvus de spontanéité. Dès lors la manifestation de leurs propriétés étant


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enchaînée d’une manière absolue aux conditions physico-chimiques qui les environnent et leur servent de milieu, il en résulte que l’expérimentateur peut facilement les atteindre et les modifier à son gré.

D’un autre côté, tous les phénomènes d’un corps vivant sont dans une harmonie réciproque telle, qu’il paraît impossible de séparer une partie de l’organisme, sans amener immédiatement un trouble dans tout l’ensemble. Chez les animaux supérieurs en particulier, la sensibilité plus exquise amène des réactions et des perturbations encore plus considérables.

Beaucoup de médecins et de physiologistes spéculatifs, de même que des anatomistes et des naturalistes, ont exploité ces divers arguments pour s’élever contre l’expérimentation chez les êtres vivants. Ils ont admis que la force vitale était en opposition avec les forces physico-chimiques, qu’elle dominait tous les phénomènes de la vie, les assujettissait à des lois tout à fait spéciales et faisait de l’organisme un tout organisé auquel l’expérimentateur ne pouvait toucher sans détruire le caractère de la vie même. Ils ont même été jusqu’à dire que les corps bruts et les corps vivants différaient radicalement à ce point de vue, de telle sorte que l’expérimentation était applicable aux uns et ne l’était pas aux autres. Cuvier, qui partage cette opinion, et qui pense que la physiologie doit être une science d’observation et de déduction anatomique, s’exprime ainsi : « Toutes les parties d’un corps vivant sont liées ; elles ne peuvent agir qu’autant qu’elles agissent toutes ensemble : vouloir en séparer une de la masse, c’est la reporter


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dans l’ordre des substances mortes, c’est en changer entièrement l’essence.[1] »

Si les objections précédentes étaient fondées, ce serait reconnaître, ou bien qu’il n’y a pas de déterminisme possible dans les phénomènes de la vie, ce qui serait nier simplement la science biologique ; ou bien ce serait admettre que la force vitale doit être étudiée par des procédés particuliers et que la science de la vie doit reposer sur d’autres principes que la science des corps inertes. Ces idées, qui ont eu cours à d’autres époques, s’évanouissent sans doute aujourd’hui de plus en plus ; mais cependant il importe d’en extirper les derniers germes, parce que ce qu’il reste encore, dans certains esprits, de ces idées dites vitalistes constitue un véritable obstacle aux progrès de la médecine expérimentale.

Je me propose donc d’établir que la science des phénomènes de la vie ne peut pas avoir d’autres bases que la science des phénomènes des corps bruts, et qu’il n’y a sous ce rapport aucune différence entre les principes des sciences biologiques et ceux des sciences physico-chimiques. En effet, ainsi que nous l’avons dit précédemment, le but que se propose la méthode expérimentale est le même partout ; il consiste à rattacher par l’expérience les phénomènes naturels à leurs conditions d’existence ou à leurs causes prochaines. En biologie, ces conditions étant connues, le physiologiste pourra diriger la manifestation des phénomènes de la vie comme le physicien et le chimiste dirigent les phénomènes


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Voir aussi

  1. Cuvier, Lettre à J. C. Mertrud, p. 5, an VIII.