Principes de médecine expérimentale (1877) Claude Bernard/Introduction/3

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Période scientifique de la médecine

Introduction


 
 

Portrait of Claude Bernard (1813-1878), French physiologist Wellcome V0026035.jpg      
Principes de médecine expérimentale
Auteur
Claude Bernard
Chapitre
Introduction
Section


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ExtraitSiteUQACSciSocBib.png

Période scientifique de la médecine

Dans toutes les sciences, il y a deux états bien distincts à considérer. Ce sont :

l'état de science d'observation ;
l'état de science expérimentale.

Ces deux états sont nécessairement et absolument subordonnés l'un à l'autre. Jamais une science ne peut parvenir à l'état de science expérimentale sans avoir passé par l'état de science d'observation. Mais il y a des sciences auxquelles il n'est pas donné de pouvoir parvenir à l'état de science expéri¬mentale ; telle est l'astronomie, par exemple.

En effet une science d'observation, ou science naturelle, se borne à observer, à classer, à contempler les phénomènes de la nature et à déduire des observations les lois générales des phénomènes. Mais elle n'agit pas sur les phénomènes eux-mêmes pour les modifier ou en créer de nouveaux, pour agir sur la nature en un mot. La science d'observation est une science passive ; elle prévoit, se gare, évite, mais ne change rien activement. Or, les sciences qui, comme l'astronomie, s'occupent de phénomènes hors de notre portée expérimentale, restent forcément des sciences d'observation. Les sciences expérimentales, au contraire, sont plus ambitieuses ; elles veulent agir et étendre leur puissance sur la nature, modifier les phénomènes, en créer qui n'existent pas et réglementer les éléments à leur volonté. Par conséquent, les sciences d'observation ne sauraient se contenter de la connaissance générale des lois de la nature ; mais il leur faut la connaissance du déterminisme spécial des phénomènes[1] afin de pouvoir les produire à volonté et sûrement dans des circonstances données et exactement déterminées. Les sciences d'observation sont expectantes et passives ; les sciences expérimentales sont conquérantes et puissantes, actives puissamment par leur initiative. On ne saurait donc hésiter à regarder la science expérimentale comme une science plus avancée que la science d'observation, quoique l'une et l'autre soient vrai¬ment des sciences constituées, c'est-à-dire possédant la connaissance de la loi des phénomènes subis par l'une et dirigés par l'autre.


  1. Voir ce que j'ai écrit ailleurs sur la loi et le déterminisme. (Cah. Nº 2, p. 245.)