Grippe aviaire et transmission chez l'homme (2006) Delvallée/Grippe humaine/Prévention/Recherche

De Wicri Santé

Grippe humaine d'origine aviaire / Prévention

Perspectives dans la recherche et le développement de vaccins anti-grippaux


 
 

Delvallée page 2.png
Rapport
Actualités sur la grippe aviaire et sa transmission chez l’homme
Chapitre
Grippe humaine d'origine aviaire
Section
Prévention
Partie
Perspectives dans la recherche et le développement de vaccins anti-grippaux
Auteur
Thérèse Delvallée (INIST)
Date
2006
En ligne
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Perspectives dans la recherche et le développement de vaccins anti-grippaux

La génétique inverse et les cultures cellulaires

En virologie moléculaire, la génétique inverse définit la génération de virus dont le génome est produit à partir d’ADNc (ADN complémentaire). L’ARN viral est isolé et transcrit en ADNc par une transcriptase inverse. L’ADNc est amplifié par amorces spécifiques des segments viraux puis cloné (Marsh and Tannock 2005 [128]).

La préparation des virus réassortis entrant dans la composition des vaccins fait appel à la coinfection de cellules par deux souches de virus influenza et peut générer théoriquement 254 (28 ) virus recombinés. La sélection indispensable des « bons réassortis » nécessite des procédures d’analyse et de vérification longues et dispendieuses. Le développement des techniques de génétique inverse permet de réduire le nombre de virus réassortis résultants.


  • Les techniques de génétique inverse (Neumann, Whitt et al. 2002 [142])
    Les premiers systèmes de génétique inverse appliqués aux virus influenza A font appel à des virus helper (virus qui assure les fonctions manquantes d'un virus défectif). Un complexe de ribonucléoprotéines (RNP) est produit par la synthèse in vitro des segments d’ARN viral (vRNA) en présence des polymérases et de NP. Ce complexe représente l’unité de réplication minimale des virus influenza A. Des cellules eucaryotes sont ensuite transfectées avec ces RNP et infectées par un virus influenza A helper. L’infection cellulaire par le virus helper génère des virus possédant le gène correspondant à l’ADNc cloné.
    Une autre méthode, utilisant le même type de système, est basée sur la transcription in vivo des vRNA par l’ARN polymerase I (pol I) cellulaire  ; il y a production intracellulaire des complexes RNP. Dans ce système, l’ADNc codant pour les vRNA est inséré entre les séquences promoteur et terminale de pol I. Les complexes fonctionnels RNP sont générés à l’aide d’un virus helper infectant (Neumann, Watanabe et al. 1999 [141]).
    Ces systèmes utilisant des virus influenza helper nécessitent également une sélection des virus transfectants parmi la population des helper.
     
    En 1999, un système de génétique inverse a permis la génération de virus influenza A à partir d’ADN complémentaire exclusivement. Des cellules humaines embryonnaires rénales (cellules 293T) sont transfectées avec huit plasmides, chacun codant un segment d’ARN viral d’une souche H1N1, encadré par le promoteur (d’origine humaine) et la séquence de terminaison de l’ARN polymérase I, auxquels s’ajoutent quatre plasmides pour l’expression des protéines NP et le complexe polymérase (PA, PB1, PB2). Ce système à 12 plasmides permet de produire en 48 heures plus de 10 unités formatrices de plages par millilitre (ml) de supernatant (Neumann, Watanabe et al. 1999 [141]).
     
    Par la suite, des systèmes de génération de virus influenza A à partir de huit plasmides ont été développés. Chaque plasmide contient une copie d’un des huit segments de l’ARN viral  : l’ADNc est inséré entre le promoteur et le terminateur de pol I  ; cette unité de transcription est encadrée par le promoteur de pol II (ARN polymerase II) et un signal de polyadénylation (signal de fin de gène). Après transfection, l’ARN viral antisens (de polarité négative) est synthétisé par la pol I cellulaire, et la transcription par la pol II résulte en la synthèse de brins d’ARNm (ARN messager) de polarité positive traduits ensuite en protéines virales. La réplication virale est initiée dès la synthèse des protéines du complexe polymérase virale (PB1, PB, PA, NP). Ce système a montré son efficacité dans la génération de virus influenza A H1N1 et H6N1 en cultures de cellules 239T et MDCK ; il a permis également la génération de virus réassortis entre ces mêmes souches (Hoffmann, Neumann et al. 2000 [87]).
     
    D’autres systèmes de génétique inverse utilisant un nombre réduit de plasmides ont été expérimentés, en combinant plusieurs gènes viraux dans le même plasmide :
    • un plasmide pour la transcription des huit ARN viraux  ; chacune des huit unités de transcription comprend le promoteur d’origine humaine de pol I, l’ADNc de polarité négative codant un segment du génome viral, et la séquence terminator de pol I d’origine murine ;
    • un système à deux plasmides basé sur pol I  : un plasmide contenant deux unités de transcription, une pour HA, une pour NA, selon le même schéma que ci-dessus  ; un second plasmide avec six unités de transcription correspondant aux six autres segments viraux (PB1, PB2, PA, NP, NS, M) ;
    • un système à deux plasmides basé sur pol II  : un plasmide pour la transcription de PA, PB1, PB2  ; chacune des trois unités de transcription contient l’ARNm codant pour la protéine virale, intercalé entre le promoteur de pol II et une séquence de polyadénylation  ; le second plasmide est construit sur le même modèle pour la transcription de l’ARNm de la protéine NP ;
    • en combinant ces unités de transcription, la génération de virus influenza A dans des cultures de cellules Vero est plus importante 48 heures après la transfection que dans les systèmes à 12 plasmides. L’utilisation d’un ou deux plasmides pour la synthèse des vARN en combinaison avec le plasmide codant pour le complexe polymérase basé sur pol II, donne des titres de l’ordre de 2.5x106 particules virales par ml, 72 heures après la transfection. De même, la combinaison des sous-unités du complexe polymérase dans le même plasmide augmente la capacité de génération virale (Neumann, Fujii et al.2005 [140]).
      La génération de virus à partir de systèmes de transfection à huit plasmides et moins, réduit le temps nécessaire à la création de virus potentiellement candidats à l’élaboration de vaccins et globalement en diminue le coût de préparation.
  • La construction de souches vaccinales contre les virus influenza A
    Les systèmes de transfection de l’ADN à huit plasmides ont été testés pour la génération de souches vaccinales saisonnières et la construction de virus circulant en Asie du sud-est en 1997 (Hoffmann, Krauss et al. 2002 [86]) :
    • la souche A/PR/8/34 (H1N1)  : souche mère pour la production des vaccins inactivés humains, obtenue à l’aide de huit plasmides, chacune codant un segment de l’ARN viral ;
    • les virus réassortis H1N1 et H3N2, souches recommandées par l’OMS pour la fabrication des vaccins saisonniers de 2001/2002 ;
    • le virus réassorti des souches H9N2 et H6N1 circulant en Asie, présumées être les précurseurs du virus H5N1 responsable des cas de grippe aviaire à Hong Kong en 1997.
      Dans ces deux derniers cas, les virus réassortis sont générés par la transfection en culture mixte de cellules 293T et MDCK, avec six plasmides contenant les six gènes internes de la souche mère PR8 et deux plasmides codant les sous-types NA et HA choisis ;
    • les capacités de croissance de la souche recombinée PR8 sont identiques à celles de la souche sauvage  ; les caractéristiques antigéniques des virus réassortis sont identiques à celles des virus parents. Les résultats sont en faveur de l’utilisation de cette technique pour la génération rapide et reproductible de souches vaccinales.
  • Avantages des techniques de génétique inverse
    La génétique inverse utilise les cellules en culture, permettant la génération des souches vaccinales à partir de cellules approuvées pour leur utilisation dans le développement des vaccins humains (cellules qualifiées).
    Elle permet de maîtriser la virulence des souches prototypes, par manipulations au niveau du motif multibasique d’acides aminés près du site de clivage de HA.
     
    Elle ne nécessite pas de système de sélection des virus réassortis pertinents parmi tous les virus recombinés.
    Les plasmides codant les gènes de la souche mère sont disponibles par avance, seuls les gènes HA et NA nécessitent d’être clonés pour chaque vaccin (Luke and Subbarao 2006 [123]).
    Les procédures de génétique inverse doivent être adaptées au niveau de biosécurité approprié en fonction des agents biologiques manipulés. L’OMS a édité, à ce sujet, un guide de développement des souches vaccinales de référence par génétique inverse (OMS 2005 [4]).
  • Les cultures cellulaires
    Les souches vaccinales utilisées dans les vaccins inactivés sont produites sur des œufs de poules fertilisés depuis un demi siècle. Le risque de contamination des œufs par des rétrovirus aviaires n’est pas nul et peut compromettre l’innocuité des préparations vaccinales. Les techniques de génétique inverse ont permis le développement de souches vaccinales contre le virus A (H5N1) pour lesquelles on a montré l’immunogénicité et l’absence de pouvoir pathogène. Les premiers essais de transfert génétique ont utilisé des lignées cellulaires 293T, très adaptées à cette technique (Subbarao, Chen et al. 2003 [182]). Mais ces lignées ne sont pas validées actuellement par les instances qui contrôlent la production de vaccins humains, pour la raison qu’elles n’ont pas encore fait l’objet de recherche sur leur potentiel oncogène ou infectieux. Les cellules Vero quant à elles, bénéficient d’une licence d’utilisation pour la fabrication des vaccins antipoliomyélitiques et sont en cours de validation pour la fabrication des vaccins antigrippaux.
    L’utilisation des cellules Vero dans les procédures de génétique inverse a montré ses performances dans la génération de virus réassorti H5N1/PR8 non pathogène, toutes les procédures ayant fait l’objet d’une démarche de contrôle et d’assurance qualité pour des systèmes à 12 plasmides (Nicolson, Major et al.2005 [145]) et pour des systèmes à huit plasmides (Webby, Perez et al. 2004 [204]).

Les virosomes et les ISCOMs

Les virosomes sont des systèmes de transport liposomal et représentent un nouveau système de délivrance des vaccins. Ils ressemblent étroitement au virus naturel. Ce sont des pseudo particules virales, constituées de l’enveloppe virale, sans aucun matériel génétique où l’hémagglutinine et la neuraminidase du virus grippal sont intercalées entre deux couches de phospholipides. Ils sont obtenus après solubilisation à l’aide d’un détergent et reconstruction. Ils ont une morphologie et des capacités de pénétration cellulaire identiques au virus original, et conservent leurs propriétés de fixation au récepteur cellulaire et de fusion membranaire qui sont propres à l’hémagglutinine virale. En raison de l’absence de l’ARN viral, les virosomes n’infectent pas les cellules avec lesquelles ils fusionnent.

Ils fonctionnent comme un système de présentation d’antigène, avec une capacité d’induction et de stimulation des cellules dendritiques (cellules présentatrices d’antigène) (Huckriede, Bungener et al. 2005 [91])  : l’activation des lymphocytes T déclenche la production de cytokines qui activent à leur tour les lymphocytes B et la sécrétion d’anticorps. Ils ont l’avantage sur les vaccins conventionnels de stimuler l’immunité cellulaire, primordiale dans la réponse immune chez les personnes naïves de tout contact avec un agent viral, activité précisément intéressante dans le contexte d’une pandémie, et intéressante pour l’immunisation des personnes âgées (de Bruijn, Nauta et al. 2005 [50]) (Zurbriggen 2003 [215]).

Les virosomes permettent d’autre part, l’incorporation d’adjuvants immunologiques dont le but est de booster la sécrétion d’anticorps dirigés contre l’hémagglutinine (Huckriede, Bungener et al. 2005 [91]).

Les ISCOMs (immunostimulatory complex) sont constitués de Quil A, de cholestérol et de phospholipides. Quil A est un adjuvant puissant. Les ISCOMs sont utilisés comme vecteurs d’antigènes. Des formulations de vaccins antigrippaux inactivés pour administration nasale sont à l’étude.

Les adjuvants immunologiques

Un certain nombre d’adjuvants, en raison de leurs capacités à booster la réponse immune, font l’objet d’études expérimentales pour leur inclusion dans les vaccins anti-grippaux.

  • Le MF59  : a donné des taux de séroconversion plus élevés qu’un vaccin sans adjuvant, dans un essai clinique de vaccin expérimental contre une souche H5 (Stephenson, Nicholson et al. 2003 [178]).
  • Une classe potentiellement intéressante d’adjuvants est représentée par les entérotoxines bactériennes sous forme détoxifiée  : la toxine de Vibrio cholerae, la toxine thermolabile de Escherichia coli. Il a été démontré que l’adjonction d’une de ces toxines à un antigène conduit à une forte réponse immune contre cet antigène. Ces molécules ont un grand intérêt dans le cadre d’une administration locale, par voie nasale  : où elles induisent une sécrétion importante systémique et locale d’IgG et d’IgA.
    Leur utilisation par voie nasale réduit de beaucoup leur toxicité pour le tractus digestif.
    Un vaccin virosomal additionné d’une entérotoxine native non détoxifiée HLT (Heat labile toxine d’E.coli) a été homologué en Suisse, en 2001, et retiré rapidement du marché en raison d’un nombre important de cas de paralysie faciale périphérique (Huckriede, Bungener et al. 2005 [91]).
  • La stimulation de l’immunité par des cytokines spécifiques, telles l’interleukine 2 (IL-2), le facteur de croissance des granulocytes et des monocytes (GM-CSF) ou encore l’interféron gamma, encapsulées dans des liposomes, donne des résultats variables.
    L’utilisation d’antigènes complets induit une forte réponse humorale, dirigée contre les glycoprotéines de surface, l’hémagglutinine et également la neuraminidase, dans un modèle murin (Babai, Barenholz et al. 2001 [16]). La même préparation vaccinale a été évaluée cliniquement avec succès, chez le sujet âgé et l’adulte jeune (Ben-Yehuda, Joseph et al. 2003 [25]) (Ben-Yehuda, Joseph et al. 2003 [26]).
    Par contre, les fractions antigéniques de l’hémagglutinine (basées sur un ou plusieurs déterminants antigéniques des lymphocytes B et T) fusionnées ou additionnées à une cytokine dans la préparation vaccinale, n’ont pas d’effet protecteur dans l’infection expérimentale par un virus influenza A chez la souris (Wales, Baird et al. 2005 [200]), alors que le vaccin inactivé standard assure une protection totale (Faulkner, Buchan et al. 2003 [61]).
  • Les sels d’aluminium ont démontré leur efficacité en permettant de réduire jusqu’à huit fois la dose vaccinale nécessaire à l’induction d’un taux d’anticorps similaire à celui obtenu avec la dose commune (15 microgrammes d’hémagglutinine par souche virale) (Hehme, Engelmann et al. 2004 [81]).

La production de souches vaccinales contre les virus A (H5N1) et A (H9N2)

On peut considérer quatre approches pour la génération de vaccins dirigés contre le virus influenza A (H5N1 :

  • un vaccin inactivé élaboré à partir d’une souche A (H5N1) isolée chez l’homme. La faisabilité de cette approche pose deux problèmes  : elle est tout d’abord limitée techniquement par la létalité du virus sur les embryons de poulet et sa croissance insuffisante pour sa propagation dans les œufs fertilisés  ; la manipulation de souches virales hautement pathogènes soulève la question de la sécurité des personnels de laboratoire et requiert un niveau de confinement trois au minimum ;
  • un vaccin inactivé préparé à partir d’une souche virale avirulente, antigéniquement proche d’une souche virale A (H5N1) isolée chez l’homme et capable d’induire la fabrication d’anticorps contre la souche pathogène (comme le vaccin issu de la souche A/duck/Singapore/97 (H5N3)) ;
  • l’utilisation de l’hémagglutinine HA comme molécule immunogène unique :
    • dans un vaccin à ADN nu ou vaccin génétique  : le gène de HA est introduit directement dans l’organisme, le plus souvent dans les cellules musculaires par voie intramusculaire  ; le vaccin est produit, in situ, dans l’organisme à immuniser ;
    • par la production d’une hémagglutinine recombinante dans un système d’expression de type adénovirus humain, dans lequel le gène codant pour HA est inséré dans le génome du vecteur viral, qui exprimera ensuite HA à sa surface. Le vecteur est inclus dans le vaccin, injecté par voie intramusculaire ou par voie intranasale, agit comme un système de délivrance d’antigènes au système immunitaire ;
    • par la production d’une hémagglutinine recombinante dans un système d’expression de type baculovirus (Nwe, He et al. 2006 [148]) dans lequel un baculovirus génétiquement modifié pour l'expression de HA est introduit et propagé dans des cellules d'insectes en culture. La protéine recombinante exprimée est ensuite extraite et purifiée, et peut servir de base à des vaccins sous-unités  ; elle est souvent administrée avec un adjuvant qui potentialise leur pouvoir immunogène ;
  • un vaccin conventionnel préparé à partir de virus réassortis à haut potentiel de multiplication, porteurs des gènes HA et NA d’une souche A (H5N1) isolée chez l’homme et des gènes internes d’une souche vaccinale mère telle que PR8 ou A/Ann Arbor/6/60 adaptée au froid (Shengqiang, Chongguang et al. 1999 [172]). L’hémagglutinine est rendue avirulente par une modification de la séquence qui code pour son site de clivage (Subbarao, Chen et al. 2003 [182]) (Horimoto, Takada et al. 2005 [89]) (Lipatov, Webby et al. 2005 [122]).

En 2002, le CDC d’Atlanta développe par génétique inverse un virus candidat vaccin, proche dans son principe des vaccins antigrippaux bénéficiant actuellement d’une AMM. Ce virus réassorti est généré par un système à 12 plasmides qui comporte  : deux plasmides pour NA et HA qui proviennent de la souche A/Hong Kong/491/97 (H5N1) ; le gène HA a subi une délétion au niveau du motif d’acides aminés multibasiques du site de clivage, par mutagénèse dirigée, six plasmides assurent la transcription des six gènes internes de la souche mère PR8, et quatre autres l’expression des protéines PA, PB1, PB2, NP de PR8. La transfection a lieu sur culture de cellules 293T et la propagation virale par injection dans des oeufs fertilisés de poulet. Les tests de pathogénicité du virus réassorti H5N1/PR8 montrent que l’altération du motif d’acides aminés multibasiques du gène de l’HA atténue la virulence du virus chez la souris et le poulet, sans en diminuer l’antigénicité. Le vaccin issu de l’inactivation du virus se révèle être immunogène et protège la souris d’une dose létale de la souche sauvage A (H5N1) (Subbarao, Chen et al. 2003 [182]).

Les vaccins vivants sont une alternative intéressante aux vaccins inactivés. Ils requièrent des doses plus faibles d’antigènes, élicitent une réponse immune plus importante, plus rapide (environ dix jours après la vaccination), plus globale (immunité cellulaire) que les vaccins inactivés, notamment chez les personnes naïves. Le laboratoire du NIAID (Luke and Subbarao 2006 [123]) développe actuellement un vaccin pandémique, vivant et atténué, basé sur la souche mère A/Ann Arbor/-/60 (AA) (H2N2), porteuse des gènes HA et NA des virus HPAI circulants. Leur programme de recherche inclut :

  • La génération d’un lot de virus vivants atténués porteurs d’une HA des sous-types 4 à 16, associée à une NA, selon les combinaisons existantes chez les virus de type sauvage, ces deux protéines étant combinées aux autres gènes de la souche mère A/Ann Arbor/-/60 (AA) (H2N2).
  • La préparation de chaque lot de vaccins pandémiques candidats.
  • L’évaluation chez l’homme de l’innocuité, de l’immunogénicité et de la stabilité phénotypique de chaque vaccin.

Des essais précliniques chez la souris ont testé le pouvoir immunogène de vaccins vectorisés utilisant un adénovirus humain non réplicatif comme vecteur d’expression de l’hémagglutinine d’une souche A (H5N1).

  • La vaccination induit une sécrétion d’anticorps spécifiques anti HA et une stimulation de l’immunité cellulaire. *Le vecteur est porteur du gène HA d’une souche A/Hong Kong/156/97 (H5N1) (Hoelscher, Garg et al. 2006 [85]) ou d’une souche A/Vietnam/1203/04 (H5N1) (Gao, Soloff et al. 2006 [70]).
  • L’immunisation donne une protection efficace contre une dose létale de virus A (H5N1).
  • La production du vaccin vectorisé est rapide, 36 jours après la détermination de la séquence du gène viral (Gao, Soloff et al. 2006 [70]).

Les essais cliniques de vaccins candidats contre les virus hautement pathogènes

Le principe de base de l’efficacité des vaccins antigrippaux humains est de provoquer la synthèse d’anticorps neutralisants dirigés contre l’antigène majeur des virus influenza  : l’hémagglutinine HA. Les premières études menées avec les vaccins inactivés dirigés contre des souches isolées en 1997, A (H9N2) et A (H5) ont démontré leur faible pouvoir immunogène comparé à celui des vaccins saisonniers anti H1N1 et H3N2.

  • Les essais cliniques de phase I, réalisés avec un vaccin inactivé entier et un vaccin sous-unité à partir d’un isolat humain A/Hong Kong/1073/99 (H9N2), montrent des taux protecteurs d’anticorps neutralisants et inhibant l’hémagglutination, après injection d’une dose unique de vaccin chez les personnes âgées de plus de 32 ans  ; par contre la réponse humorale, chez les sujets âgés de moins de 32 ans est faible et nécessite deux doses de vaccins. Les doses vaccinales ont été testées pour des teneurs en hémagglutinine de 7,5 à 30 μg (Luke and Subbarao 2006 [123]).
  • En 1997, le virus A/Hong Kong/97 (H5N1) est isolé et mis en cause, pour la première fois dans des cas humains de grippe aviaire ; une souche variante non pathogène du virus, la souche A/Duck/Singapore-Q/F119-3/97 (H5N3) est testée cliniquement en tant que vaccin candidat, en raison d’une similitude antigénique suffisante avec la souche A (H5N1) d’origine humaine et aviaire. Le vaccin sous-unité, sans adjuvant, est faiblement immunogène quelles que soient les doses utilisées. Des taux protecteurs d’anticorps neutralisants sont atteints uniquement par l’utilisation d’adjuvant immunologique, tel le MF59, et deux doses vaccinales de 7,5 μg (Nicholson, Colegate et al. 2001 [144]).
  • L’immunogénicité et la tolérance d’un vaccin exprimant l’hémagglutinine recombinante H5, générée par un système d’expression baculovirus à partir d’un isolat humain, de la souche A/Hong Kong/156/97 (H5N1) ont été testées chez 147 adultes sains ; une immunité protectrice est atteinte uniquement dans 50% des cas, pour les dosages les plus élevés d’hémagglutinine (90 μg) et deux doses vaccinales. On peut penser que l’utilisation de doses d’hémagglutinine plus élevées et/ou l’addition d’adjuvants améliorerait la réponse immune (Treanor, Wilkinson et al. 2001 [195]).

Un certain nombre d’essais cliniques sur des vaccins candidats réalisés à partir des souches A (H5N1) circulant dans le sud-est asiatique en 2004 et 2005 sont en cours ou planifiés.

  • En décembre 2005, Sanofi Pasteur[1] a annoncé les premiers résultats des études menées en Europe et notamment en France, sur un vaccin prototype inactivé adjuvé (aluminium) contre le virus H5N1, réassorti par génétique inverse, produit par le NIBSC, au Royaume-Uni.
  • Le Japon teste actuellement chez l’homme un vaccin contre le virus H5N1, à virus entier, adjuvé par l’aluminium.
  • Différentes formulations seront testées en 2006  : vaccins inactivés entiers ou sous-unités propagés sur culture d’œufs, vaccins produits sur cultures cellulaires, vaccins adjuvés (hydroxyde et phosphate d’aluminium, MF59), et également des vaccins vivants atténués. Des vaccins candidats contre les souches H7 et H9 sont actuellement à l’étude chez l’homme.
  • Sanofi Pasteur participe au projet FLUPLAN[2], financé par l’Union Européenne, pour la production d’un vaccin contre une souche A (H7N1) à potentiel pandémique.
  • Le laboratoire Chiron[3] expérimente actuellement un vaccin inactivé sous-unité A (H9N2) réassorti G9/PR8  ; les taux d’anticorps en inhibition de l’hémagglutination sont meilleurs avec le vaccin adjuvé par le MF59, même pour des doses vaccinales basses (de 3,75 à 30 μg).
  • En avril 2005, le groupe Sanofi-Pasteur, sous contrat avec le National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID)[4], démarre les essais cliniques phase I, d’un vaccin inactivé sous-unité A (H5N1) chez 451 adultes sains. La souche vaccinale a été développée par génétique inverse par le St. Jude Children’s Research Hospital (Etats-Unis) à partir du virus isolé en 2004, A/Vietnam/1203/04 (H5N1). Les résultats préliminaires attestent de l’innocuité du vaccin candidat et de sa capacité à induire une réponse immune protectrice avec un protocole de deux doses de 90 μg chacune. Les données complètes sont attendues en 2006. Des essais sont prévus par la suite chez l’enfant et la personne âgée (Enserink 2005 [59]) (Quirk 2005 [162]).
  • Des essais cliniques de phase I[5] sont actuellement en cours avec un vaccin candidat vivant atténué A (H9N2) issu du réassortiment entre les virus A/chicken/Hong Kong/G9/97 et la souche mère A/Ann Arbor/6/60 ca (voir 1.4.5.1.1.2).

Les vaccins génétiques antigrippaux ne sont qu’à un stade précoce de développement, en raison du trop faible pouvoir immunogène chez l’homme de l’ADN nu.


Références bibliographiques associées à cette partie

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Voir aussi

Notes