La décentralisation théâtrale, progressivement initiée dès 1947, puis développée à partir des années soixante, est une des formes les plus anciennes d'imbrication d'une politique de démocratisation culturelle et d'une politique territorialisée. Rompant avec les dispositifs des tournées des théâtres privés parisiens, l'Etat soutient, dans un premier temps, l'implantation, dans de grands centres urbains, de troupes permanentes qui, à partir de ces derniers, devaient rayonner sur de vastes espaces régionaux. A partir des années soixante, ce dispositif se développe avec la démultiplication des structures culturelles. La généralisation des politiques culturelles a ainsi conduit à développer une "offre de proximité" multiforme avec le maintien d'une hiérarchie esthétique et institutionnelle (des théâtres nationaux installés, à une exception près, à Paris, à la compagnie indépendante en passant par les centres dramatiques) globalement parallèle à la hiérarchie des espaces urbains. La plupart des analyses des publics des théâtres (qu'elles relèvent de recherches centrées sur ce domaine ou qu'elles soient intégrées dans des études plus générales sur les pratiques culturelles) tendent à souligner les limites de ces politiques en insistant sur le caractère minoritaire de ces publics, inscrits dans les catégories placées dans le haut de la hiérarchie sociale et dotés principalement d'un fort capital culturel. La prise en compte plus spécifique de la dimension territoriale (avec la variable taille de l'agglomération) souligne ces propriétés, l'écart entre Paris intra-muros et les autres communes étant ainsi un des plus puissants quand on examine la fréquentation du théâtre (Donnat, 1997). Néanmoins, ces analyses ont tendance à homogénéiser les publics des théâtres et à en donner une perception statique. Notre communication se propose de rendre compte d'une recherche en cours sur la spatialisation des publics des théâtres de l'agglomération stéphanoise en déplaçant le regard sociologique habituel. Cette recherche s'appuie sur une enquête par questionnaire portant sur 23 lieux (dispersés sur une dizaine de communes) et 39 représentations sur l'année en cours, ce qui permet de prendre en compte une grande diversité d'institutions, de lieux et d'esthétiques (un centre dramatique inscrit dans le théâtre d'art, un Opéra-théâtre diffusant le théâtre privé parisien, des compagnies indépendantes, etc.) Nous visons à examiner le degré d'échange entre ces publics (donc leur plus ou moins grande segmentation) et leurs déplacements d'un lieux à un autre, ce qui conduit à considérer les effets territoriaux de l'implantation des ces lieux comme le poids de l'inscription de ces publics dans une ville, un quartier. On vise ainsi à distinguer plusieurs types de publics, dont on esquisse ici quelques traits fragmentaires : 1) les publics qui manifestent une intense activité de spectateur avec d'importants déplacements entre des communes et des lieux marqués par des esthétiques différenciées ; 2) les publics qui manifestent une intense activité mais dans un nombre limité de lieux avec des esthétiques plus proches ; 3) les publics peu mobiles avec une faible pratique.

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