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- IUT Charlemagne-InfoNum2 2015-2016
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Shutter Island - Explication et Analyse du film
Shutter Island est un excellent film dont j'ai déjà fait une critique
[1]. Cette critique avait été faite après mon premier visionnage. Mais, maintenant que j'ai eu le temps d'y réfléchir un peu et que je viens de le voir une deuxième fois, en toute connaissance du retournement final, je vais essayer de vous faire partager mon explication de la fin du film,
twist que je trouve extrêmement intéressant car très très riche en interprétations.
Cet article révèle la fin du film et du livre, il est destiné aux personnes l'ayant vu ou lu.
Je tiens d'abord à préciser que cette interprétation n'engage que moi. C'est celle qui m'a parue la plus logique au vu des explications du
docteur à la fin du film dans le phare. Je n'ai toujours pas lu le livre et n'ai donc sûrement pas connaissance de certains détails, mais j'espère en avoir compris l'essentiel.
Autre chose, j'ai remarqué qu'en voyant le film deux fois, on assiste vraiment à deux films totalement différents. Dès qu'on sait que Teddy est fou, et qu'il est en fait le 67e patient, chaque scène, chaque dialogue, et même les gestes et réactions des personnages, sont perçus d'un point de vue totalement opposé.
Je tiens aussi à revenir sur le nombre de patients. Quelques personnes ne comprennent pas pourquoi, à la fin du film, le
docteur dit à
Teddy qu'il est le
67e patient (et non le 66e comme le prétendent certains). En effet, sachant que
Rachel Solando n'existe pas, ils ne seraient donc que 66 en tout. Cependant, il faut juste garder à l'esprit qu'au moment où le docteur parle de
"24 patients dans le bloc C" et
"42 patients dans les blocs A et B", il ne prend pas en compte
Teddy, qui est donc bien
le 67e. Par contre,
Teddy pense qu'il compte les 66 patients en incluant
Rachel, et donc qu'il y en a
un 67e quelque part. Et c'est d'ailleurs l'objectif de tout le monde : le pousser à se poser des questions et à réaliser que
le 67e, c'est lui.
En effet, on remarque pendant toute la durée du film que les patients, les docteurs, et le psychiatre (qui se fait passer pour son coéquiper) mettent tout en oeuvre pour qu'il réalise qui il est vraiment. Plusieurs éléments en sont la preuve, et je vais les exposer ici. Tout d'abord, le mot censé avoir été écrit par Rachel Solando fait mention d'un 67e patient : "Qui est le 67 ?". A ce moment, les docteurs et le personnel qui ont, bien sûr, mis ce papier ici exprès, font semblant de ne pas y voir de rapport avec le nombre de malades. Pourquoi ? Parce que Teddy doit faire le chemin seul, il doit comprendre par lui-même. Mais une fois qu'il réalise que le papier parle d'un 67e patient, il ne fait absolument pas le rapprochement avec lui-même, la mémoire ne lui revient pas, ce qui paraît logique. Mais pendant tout le reste du film, tout le monde va essayer de lui faire réaliser qui il est, en vain. Obstiné, il ne parvient pas à y voir clair ni à comprendre les efforts qu'ils font pour le "réveiller". En effet, le personnage de Rachel (censée avoir disparue) que Teddy pense venir chercher sur l'île au sein de son enquête n'existe pas. Cependant, les docteurs l'ont créée, en lui attribuant les crimes de la femme de Teddy : elle aurait noyé ses trois enfants dans le lac et aurait voulu les faire dîner quand même, ce qui sont exactement les faits traumatisants qu'a vécu Teddy et qui l'ont poussé à se renfermer et se créer une fausse réalité. En recréant une patiente qui a les mêmes antécédants que le drame qui a gâché la vie de Teddy, ils comptent lui rendre la mémoire, lui provoquer un déclic qui le ramènerait à la raison. Mais ça ne marche toujours pas. Un autre exemple, c'est lorsque cette soi-disante patiente évadée semble être prise de folie et croit voir en Teddy son mari. Elle le serre dans ses bras, lui disant qu'il est son mari, puis lui criant "Mais mon mari est mort, alors QUI ES-TU ? QUI ES-TU ?"... Une question que prend Teddy en pleine poire, visiblement interloqué. Mais ça n'aura pas suffit à ce qu'il se remette en question.
Tout ceci fait donc partie du plan du docteur, qui veut à tout prix guérir Teddy par la psychanalyse, en lui faisant comprendre par lui-même qu'il a inventé une grande partie de sa vie. Mais il n'y parviendra pas.
D'autres indices sont vraiment bien cachés, notamment dans les paroles et les comportements de certains personnages. Au début, on croit que si les docteurs ont peur d'adresser la parole à Teddy ou de croiser son regard, c'est parce qu'ils ont quelque chose à cacher, qu'ils veulent lui mentir. Ce qui pousse Teddy à continuer son délire paranoïaque. Or, ils ont peur tout simplement parce qu'il est le détenu le plus dangereux de l'hôpital et qu'ils appréhendent son comportement. De même pour l'un des médecins qui, à la fin, se retrouve face à lui avec une seringue pleine de sédatif. Teddy croit que c'est pour l'empêcher de quitter l'île, alors que c'est tout simplement une protection au cas où il l'attaquerait. Enfin, parlons de son "coéquipier", Chuck, qui est en fait son psychiatre. Une fois qu'on sait qui est réellement cet homme, tous ses gestes prennent un autre sens. Il sourit régulièrement au docteur, il a du mal à enlever son pistolet de sa ceinture (car ce n'est pas un marshal), il essaie de pousser Teddy à se poser des questions sur lui-même. Des questions du style "Qui est Andrew Laeddis ?".
Ce qui est fort avec ce film, c'est qu'au premier visionnage, on se place du point de vue de Teddy Daniels. Chose qu'on ne peut plus faire après avoir compris le dénouement, puisqu'alors on prend un point de vue totalement extérieur, comme si nous étions nous aussi des médecins, attendant de voir notre patient réagir. Mais ça n'arrive jamais, et c'est assez désespérant. Une scène en particulier en est l'exemple. A un moment, Teddy croit que les docteurs veulent faire de lui leur 67e patient, en lui faisant croire qu'il n'a jamais eu de coéquipier et qu'il serait peut-être fou. Il pense qu'il va être pris au piège, que tout le monde va le faire passer pour un fou afin de le transformer en un patient, et donc en cobaye pour les expériences. D'où la question que posent le docteur et Teddy chacun leur tour : "Quel coéquipier ?". Ceci est renforcé par le fait que Teddy rencontre une femme dans une grotte qui lui demande de fuir, car ils vont se servir de lui en le faisant passer pour fou. En fait, quand on se place de l'autre point de vue (et c'est totalement génial), on se rend compte qu'avec la question "Quel coéquipier ?", le docteur souhaite juste lui faire prendre conscience que ce n'est pas son coéquipier, qu'il est en fait son psychiatre. Mais il ne peut pas encore lui dire directement, car ça serait un échec. Et le scénario est ultra bien foutu car maintenant on sait que la femme dans la grotte n'est qu'une hallucination, que Teddy se l'imagine dans le but de se rassurer, pour lui confirmer qu'il se passe réellement des choses louches. Pour s'empêcher de revenir à la dure réalité dans laquelle il a tué sa femme, qui elle-même a tué ses enfants.
Ensuite, je voudrais parler du rêve qu'il fait à un moment, où il parle à sa femme et lui dit qu'il ne veut pas se réveiller, ceci au milieu des cendres qui tombent partout sur le sol... Cette scène est sublime, notamment grâce à la musique,
"On The Nature Of Daylight". Lors du premier visionnage, on ne comprend pas pourquoi de l'eau coule sur les mains de
Teddy, puis on ne comprend pas d'où vient le sang qui coule du ventre de sa femme qui était censée avoir péri dans un incendie. On croit juste que comme c'est un rêve, il n'est pas nécessairement cohérent. Là encore, il prend son sens puisqu'inconsciemment, Teddy se souvient des circonstances de la mort de sa femme. L'eau qui coule de ses mains est l'eau du lac, duquel il sort ses enfants noyés, tandis que le sang vient du coup de feu qu'il lui a administré.
Puis, autre élément très intéressant dans ce film : le fait que Teddy Daniels recherche particulièrement Andrew Laeddis dans l'hôpital, alors qu'il est Andrew Laeddis. C'est vraiment génial puisqu'on réalise qu'inconsciemment (encore), il est à la recherche de lui-même, qu'il cherche sa propre identité dans l'hôpital, sans pour autant s'en rendre compte.
Pour finir, j'aimerais discuter un peu de la toute fin du film. Le psychiatre
Sheenan pose une question à Andrew en l'appelant
"Teddy" afin de vérifier qu'il est bien guéri. Mais
Andrew ne réagit pas, il recommence son délire et parle à son partenaire
"Chuck". La fin peut être interprétée de deux manières différentes à cause de la phrase de
Teddy : "Vaut-il mieux vivre en monstre ou mourir en homme bien ?". Cette phrase me laisse personnellement perplexe. Cela veut-il dire que
Teddy fait semblant de rechuter ? Ainsi, il sait pertinemment qu'il sera lobotomisé et pourra définitivement échapper à son sombre passé ? Mais la phrase ne correspond pas tant que ça au contexte, puisque même s'il est lobotomisé ainsi, ce n'est pas pour ça qu'il mourra en homme de bien... Deuxième version : on peut tout simplement penser qu'il rechute réellement et que cette expérience représente un échec total pour la psychanalyse. Je n'ai pas d'avis tranché même si j'ai cru comprendre que le livre penchait vers la deuxième solution.
Voilà pour ce film au twist final plus qu'extraordinaire, car il implique de nombreuses questions.
Il n'y a pas d'autres articles concernant les films de ce réalisateur
Source
- Shutter Island - Explication et analyse du film, texte repris du blog Sebmagic
Notes
Voici un article sur le cinéma qui pourrait aussi vous intéresser : Tarantino, farce de frappes (InfoNum2 2015-2016)