Plomb du Cantal : Différence entre versions
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+ | ::Quel est le sens et étymologie du mot « plomb » dans expression courante de « Plomb du Cantal » par laquelle on désigne le sommet le plus élevé du massit du Cantal ? Ni les géographes ni les philologues ne en sont expliqués catégoriquement | ||
+ | ::Il est question du Cantal - assez inopinément - dans le poème pro ven al composé au treizième siècle par Guillem Anelier sur la guerre de Navarre de 1276-1277. Notre poète a choisi pour héros le célèbre Eustache de Beaumarchais, et comme son héros a été sénéchal d'Auvergne, il nous trace un tableau très détaillé, au point de vue topographique, des brigandages dont la Haute-Auvergne était le théâtre avant que Beaumarchais en fût nommé sénéchal : | ||
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+ | ::L'éditeur de la Guerre de Navarre, feu Francisque Michel, commente en ces termes l'expression « pont de Cantal », qui ne se trouve que dans les vers que nous venons de citer : | ||
− | + | « M. Delalo pense que pont a été mis ici pour pion ou plomb, la montagne quia donné son nom au département étant la seule de la Haute-Auvergne qui soit distinguée par le mot de pion (en patois ploun), synonyme de puy, de smc, appliqué aux autres montagnes. On remarque encore, ajoute-t-il, auprès du Plomb du Cantal, les vestiges d'une ancienne voie, très fréquentée au moyen âge, par laquelle les villes de Saint-Flour et d'Aurillac, et leurs territoires, communiquaient ensemble. N'en déplaise au savant président du tribunal de Mauriac, je persiste à maintenir pont de Cantal, me fondant sur une curieuse charte, où l'on trouve pom de Cantal bien distinctement écrit. » | |
− | + | Là dessus F. Michel donne in-extenso le texte de sa charte latine, qui est de l'année 1268, d'après l'original des Archives Nationales (J 313, n° 93), où on lit effectivement « usque ad pom de Cantal et ad Ter on 2 de Rocaita » ; puis il passe outre, comme si « pom » et « pont » étaient bonnet blanc et blanc bonnet. | |
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+ | Or, Delalo a absolument raison contre F. Michel : malgré le « pont » du texte provençal, c'est bien ce que nous appelons aujourd'hui le « Plomb du Cantal » que le poète a voulu désigner. Mais il est heureux que F. Michel ait produit sa charte de 1268, même à l'appui d'une opinion erronée, car c'est d'elle que vient la lumière. Dans le texte de Guillem Anelier « pont » une simple faute de copiste pour « pom:j », et ce mot pom doit être considéré comme proprement « pomme », qui convient fort bien à la butte basaltique arrondie qui forme le sommet du Plomb du Cantal. | ||
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+ | A vrai dire, je ne connais pas d'autre exemple où pom soit appliqué précisément au sommet d'une montagne dans la langue de France du moyen âge, ni du Midi, ni du Nord, mais son emploi dans ce sens figuré n'a rien que de naturel. D'ordinaire, pom désigne, en ancien français et en provençal, le « pommeau » de l'épée. Il a disparu d'assez bonne heure, chassé par son dérivé pommel, pommeau, que nous avons conservé dans cette accep- | ||
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+ | 1. Histoire de la guerre de Navarre...,par Guillaume Anelier de Toulouse, publiée par Francisque Michel (Paris, 1836, Collection des Documents inédits), v. 1356, et suivi | ||
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+ | 2. Pour le dire en passant, il n'y a pas de raison pour mettre une majuscule à te-ron, du moment que l'on n'en met pas h pom. Ce mot est une forme secondaire de toron, et signifie « montagne au sommet aplati». (Cf. Mistral, Trésor dou Felihrige, v° turoun, et Godefroy, Dict. de Vanc. langue franc., v" toron.) | ||
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+ | 3. C'est ainsi qu'au vers 1336, il écrit Cantbon, pour Cambon. | ||
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Version du 6 février 2011 à 10:46
De l'origine du toponyme
Extrait des annales de géographie (1895)[1]
- LE «PLOMB» DU CANTAL
- Quel est le sens et étymologie du mot « plomb » dans expression courante de « Plomb du Cantal » par laquelle on désigne le sommet le plus élevé du massit du Cantal ? Ni les géographes ni les philologues ne en sont expliqués catégoriquement
- Il est question du Cantal - assez inopinément - dans le poème pro ven al composé au treizième siècle par Guillem Anelier sur la guerre de Navarre de 1276-1277. Notre poète a choisi pour héros le célèbre Eustache de Beaumarchais, et comme son héros a été sénéchal d'Auvergne, il nous trace un tableau très détaillé, au point de vue topographique, des brigandages dont la Haute-Auvergne était le théâtre avant que Beaumarchais en fût nommé sénéchal :
- En riba de Cantbon marchant descavalgar,
- E a pont de Cantal maint orne desraubar,
- E per totz las ribcras qu'ai pont van afrontar
- Solian matar ornes, aucir et degolar1.
- L'éditeur de la Guerre de Navarre, feu Francisque Michel, commente en ces termes l'expression « pont de Cantal », qui ne se trouve que dans les vers que nous venons de citer :
« M. Delalo pense que pont a été mis ici pour pion ou plomb, la montagne quia donné son nom au département étant la seule de la Haute-Auvergne qui soit distinguée par le mot de pion (en patois ploun), synonyme de puy, de smc, appliqué aux autres montagnes. On remarque encore, ajoute-t-il, auprès du Plomb du Cantal, les vestiges d'une ancienne voie, très fréquentée au moyen âge, par laquelle les villes de Saint-Flour et d'Aurillac, et leurs territoires, communiquaient ensemble. N'en déplaise au savant président du tribunal de Mauriac, je persiste à maintenir pont de Cantal, me fondant sur une curieuse charte, où l'on trouve pom de Cantal bien distinctement écrit. »
Là dessus F. Michel donne in-extenso le texte de sa charte latine, qui est de l'année 1268, d'après l'original des Archives Nationales (J 313, n° 93), où on lit effectivement « usque ad pom de Cantal et ad Ter on 2 de Rocaita » ; puis il passe outre, comme si « pom » et « pont » étaient bonnet blanc et blanc bonnet.
Or, Delalo a absolument raison contre F. Michel : malgré le « pont » du texte provençal, c'est bien ce que nous appelons aujourd'hui le « Plomb du Cantal » que le poète a voulu désigner. Mais il est heureux que F. Michel ait produit sa charte de 1268, même à l'appui d'une opinion erronée, car c'est d'elle que vient la lumière. Dans le texte de Guillem Anelier « pont » une simple faute de copiste pour « pom:j », et ce mot pom doit être considéré comme proprement « pomme », qui convient fort bien à la butte basaltique arrondie qui forme le sommet du Plomb du Cantal.
A vrai dire, je ne connais pas d'autre exemple où pom soit appliqué précisément au sommet d'une montagne dans la langue de France du moyen âge, ni du Midi, ni du Nord, mais son emploi dans ce sens figuré n'a rien que de naturel. D'ordinaire, pom désigne, en ancien français et en provençal, le « pommeau » de l'épée. Il a disparu d'assez bonne heure, chassé par son dérivé pommel, pommeau, que nous avons conservé dans cette accep-
1. Histoire de la guerre de Navarre...,par Guillaume Anelier de Toulouse, publiée par Francisque Michel (Paris, 1836, Collection des Documents inédits), v. 1356, et suivi
2. Pour le dire en passant, il n'y a pas de raison pour mettre une majuscule à te-ron, du moment que l'on n'en met pas h pom. Ce mot est une forme secondaire de toron, et signifie « montagne au sommet aplati». (Cf. Mistral, Trésor dou Felihrige, v° turoun, et Godefroy, Dict. de Vanc. langue franc., v" toron.)
3. C'est ainsi qu'au vers 1336, il écrit Cantbon, pour Cambon.