Humanités numériques
Un rapport [1] sur les enjeux et perspectives dans le domaine des humanités numériques (digital humanities) a été publié par l'Institut Français en 2014 par Marin Dacos et Pierre Mounier. Cette publication aborde les enjeux stratégiques concernant le positionnement de la France dans le domaine des humanités numériques et établit une cartographie de la communauté mondiale des digital humanists.
Note : le contenu de cette page s'inspire notamment de ce rapport.
Définition
Les humanités numériques ont aujourd'hui remplacé ce que l'on appelait les « humanities computing » qui recouvraient les sciences humaines assistées par ordinateur. Elles sont aussi appelées « digital humanities » et ont fait leur apparition il y a environ une décennie. Plus globalement, les humanités numériques font partie d'un mouvement de partage, de diffusion et de valorisation des connaissances qui mobilise les outils numériques. Il y a un désir d'inscrire les nouveaux contenus numériques (digital natives) au même titre que les contenus dit traditionnels (obtenus en numérisant des supports classiques, notamment papier).
Une définition a été rédigée par les participants du THATCamp qui s'est tenu à Paris en 2010. Elle est donnée dans le Manifeste des Digital Humanities[2]. Le constat de base énoncé dans le Manifeste est que "les humanités numériques ne font pas table rase du passé", elles rassemblent tout ce qui provient des humanités (arts, lettres et sciences humaines) ainsi que les savoir-faire et les connaissances qui leurs sont propres, d'une part, et le numérique (nouvelles technologies, ordinateurs et réseaux) en mobilisant les outils et possibilités particulières qui en découlent, d'autre part. Elles sont donc par nature transdisciplinaires et associées aux méthodes de recherche liées au numérique dans les sciences humaines et sociales.
Les humanités numériques sont la marque de l'évolution en cours des pratiques de recherche et de la variation des supports. Le monde de la recherche en sciences humaines et sociales connait un bouleversement avec l'ère du numérique et se trouve être en pleine révolution puisque la recherche s'inscrit à présent, avec les humanités numériques, dans un espace dont les frontières sont à redéfinir (voire à inventer). Désormais, les contenus sont dématérialisés et sont accessibles plus rapidement et de manière permanente.
Dans le cadre des bibliothèques, la numérisation des documents disponibles nécessite de faire évoluer les fonctionnements classiques, pour laisser la place aux "learning centers" qui constituent un espace favorable à l'open access.
Métaphore du Chapiteau
Historique
Le mouvement Literary and linguistic computing
Ce mouvement débute dans les années 1970 avec la création de corpus de références qui peuvent être utilisés pour l'analyse d’œuvres ou de textes (Brown Corpus). Ces corpus sont réalisés dans plusieurs langues : le British National Corpus pour l'anglais ou Frantext pour le français (par l'ATILF). Cette période est marquée par le développement des analyses linguistiques avec la stylométrie puis la lexicométrie.
Les Humanities computing
Ce terme apparaît au début des années 1980 et porte sur la réflexion concernant l'utilisation de l'informatique pour la recherche. Selon Willard McCarty, on ne se limite plus à une seule discipline, la réflexion devient donc interdisciplinaire.
- Création de la Text Encoding Initiative (TEI) en 1987 qui deviendra ensuite une norme d'encodage XML utilisable pour toutes les données textuelles numérisées.
- La TEI mène à l'élaboration de nouveaux outils, méthodes et espaces partagés entre plusieurs disciplines. C'est ainsi que la structuration, la diffusion et l'archivage des corpus fait son apparition. Ainsi, les outils et les méthodes migrent d'une discipline à une autre.
Les Digital humanities
Avec l'arrivée du web à partir de la seconde moitié des années 1990, le terme de "Digital humanities" apparaît (plus précisément en 2004 lors de la publication de A Companion to Digital Humanities[3].
- La nouvelle problématique est centrée sur la communication en ligne et sur les réseaux sociaux. Désormais, tous les corpus doivent être disponibles en ligne avec les problèmes que cela peut engendrer, à savoir les critères de diffusion et d'organisation des données (de la simple lecture à l'ajout d'informations et de commentaires).
- Les recherches en sciences humaines sont aujourd'hui immergées dans l'usage du numérique. Le lien est de plus en plus présent avec les sciences du numérique qui est un domaine disciplinaire large qui apporte des avantages aux humanités. À présent les chercheurs sont amenés à travailler avec les outils numériques et le plus souvent en réseau.
- C'est la méthode de visualisation des supports numérisés ou numériques qui permet le lien entre les différentes spécialités (histoire, sociologie, géographie...), se pose à nouveau la question des frontières.
Centre d’humanités numériques
Il est difficile d'évaluer la supériorité d'un pays à un autre pays dans ce domaine. Pourtant, les Etats-Unis semblent avoir développé d'avantage leurs équipes de recherche, et plus particulièrement avec la création de centre spécialisés en humanités numériques. Ce type de structure représente un "projet phare" pour les universités et dispose d'un financement important et permet ainsi l'accumulation des compétences et des technologies, ce qui favorise la structuration des humanités numériques.
Le site Centernet[4] créé par Neil Fraistat fonctionne comme un réseau, sur lequel les centres d'humanités numériques vont pouvoir s'enregistrer librement, il en compte d'ailleurs plus de 300 à ce jour.
En Europe
En Europe, des centres d'humanités numériques se sont développés en Allemagne (Cologne et Gottingen), en Grande-Bretagne, en Italie (Rome et Pise), en Espagne et en Suisse qui rattrape largement son retard à Zurich et Bern mais de manière plus importante à Lausanne avec une restructuration de la bibliothèque en learning center et la création d'un centre spécialisé en 2013.
Des associations se sont crées à l'échelle nationale en Allemagne, en Espagne et en Italie (lors de la manifestation THATCamp à Florence) après l'échec de la création d'une association européenne en raison du manque d'implication des partenaires. Ces associations sont pourtant dans une optique d'internationalisation de part la composition des équipes constituées de chercheurs allemands et suisses. Dans le cadre des humanités numériques, des événements sont créés à l'exemple de "Dia de las humanidades Digitales"[5] en Espagne, des colloques en Italie ou des conférences.
Aux États-Unis
Ces centres apparaissent dans les universités qui ne sont pas les mieux classées dans le domaine académique américain. Ceci s'explique en partie par l'environnement de compétitivité qui règne dans le milieu universitaire aux États-Unis. De plus, les centre d'humanités numériques ne sont pas dépendants d'un département au sein des universités, ils sont à l'intersection de plusieurs services, et très souvent en association avec les bibliothèques qui assurent une certaine structuration. Il collaborent également avec d'autres centres d'humanités numériques dans le but d'obtenir des nouvelles compétences puisque chacun développe le domaine dans lequel il excelle en fonction des départements qui le soutiennent.
Notes
- ↑ Marin Dacos et Pierre Mounier, Humanités numériques - État des lieux et positionnement de la recherche française dans le contexte international, Institut Français, Paris, 2014, pp. 89. Accéder au rapport (en pdf).
- ↑ Accéder au texte du Manifeste des Digital Humanities sur hypothese.org.
- ↑ Accéder au texte Susan Schreibman, John Unsworth et Ray Siemens, A Companion to Digital Humanities
- ↑ Accéder à Centernet
- ↑ Accèder au []