Professionnels de la santé

De TP INTD
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Les professionnels de santé expriment leur point de vue sur leurs métiers notamment par le biais de leurs représentants. Dans le cas des médecins, il s’agit principalement du Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM). Dès 2009, le CNOM pose dans un « livre blanc » les grands principes qu’il souhaite voir respecter dans l’exercice, l’usage et le développement de la télémédecine. Il s’agit des règles régissant l’exercice de la médecine, entre autres les questions de déontologie, de droits des patients et de respect du secret médical. La relation humaine entre le patient et le médecin est réaffirmée comme fondamentale. Enfin, le CNOM insiste sur la notion de fiabilité des dispositifs techniques mis en œuvre par les TIC pour un usage médical.

En novembre 2013, les docteurs Pierre Simon (ANTEL) et Jacques Lucas (CNOM) prennent position quant à la définition même de la télémédecine en regard de l’e-santé et insistent pour ne pas laisser l’ambiguïté du terme général de e-santé semer le doute : la télémédecine est avant tout de la médecine. L’usage des TIC ne doit pas faire basculer la télémédecine du côté des services payants et donc du commerce, notamment sur la plan juridique. Les règles et la déontologie qui encadrent l’exercice de la médecine doivent s’appliquer, que celle-ci soit pratiquée à distance ou pas. Entre autres, la relation patient-médecin doit être encadrée par les mêmes normes.

Que certains pans de la e-santé basculent du côté du commerce est une chose : les applications de surveillance, de bien-être et autres peuvent se vendre comme tout autre service à un client. Mais le service de soin rendu à un patient par un médecin ne saurait se comparer à une transaction commerciale anodine. Ni les médecins devenir dépendants des entreprises commercialisant des produits ou des services de santé au sens le plus large.

La force d’attraction des outils personnalisés de mesure de soi est donnée à voir dans les résultats d’une étude du cabinet Price Waterhouse Coopers sur la m-santé menée en 2013 dans dix pays (Brésil, Chine, Danemark, Allemagne, Inde, Afrique du Sud, Espagne, Turquie, Royaume Unis, Etats Unis) auprès de médecins, de patients et d’assureurs. 27% des médecins interrogés conseillent et recommandent à leurs patients l’usage d’applications mobiles de santé pour le suivi de leur état, mais 42% sont plutôt sceptiques et surtout en redoutent une influence grandissante. Ils estiment que ces applications procurent plus d’indépendance et d’autonomie aux patients, et ainsi réduisent leur autorité en donnant plus de pouvoir à ceux-ci.

Cette étude montre également que la notion de mSanté diffère selon les points de vue : pour les patients, il s’agit d’abord de l’accès aux informations et de leur maitrise en termes de confidentialité. Les médecins y voient surtout un moyen de garder le contact avec leurs patients. Cet aspect d’échange privilégié entre deux personnes est une des composantes de l’art médical ; il est en jeu dans toutes les circonstances de la vie et concerne tous les types de population. C’est pourquoi, à partir de la stratégie nationale de déploiement de la télémédecine définie en 2010, son comité de pilotage mis en place en 2011 a défini cinq chantiers prioritaires parmi lesquels « la santé des personnes détenues ». En application de cette orientation, sous l’impulsion du Groupement de coopération sanitaire Alsace e-santé, les Hôpitaux civils de Colmar, en Alsace, ont mis en place en novembre 2013 un dispositif visiophonique de consultation à distance avec la Maison centrale d’Ensisheim. Les impératifs de suivi médical, de sécurité et de coût semblent pouvoir être respectés dans ce cadre où un chariot informatisé équipé de téléinstruments (stéthoscope, électrocardiographe, dermatoscope, etc.) permettra de relier détenus, unité de soins (ex-infirmerie) de la prison et médecins de l’hôpital Pasteur. Cette expérimentation, financée par l’Agence régionale de santé d’Alsace, sera évaluée pendant 18 mois.

Il semble évident que ce dispositif va faciliter le suivi médical, augmenter la fréquence des consultations et créer de nouvelles conditions de souplesse et de réactivité d’intervention. On le sait, le tableau sanitaire des prisons françaises est contrasté. La prescription des calmants et des psychotropes y est trop répandue - comme dans l’ensemble de la société du reste. Si la télémédecine en contexte carcéral devrait permettre un suivi plus efficace d’une maladie chronique comme le diabète, l’apport technologique ne posera-t-il pas la question d’une sorte de redoublement de l’enfermement pour le détenu ? Ou, au contraire, grâce à la diffusion souhaitable et probable des appareils de suivi autonome, celui-ci va-t-il trouver dans leur utilisation un ajout de confort médical et surtout psychologique à travers une responsabilisation personnalisée ? Ces questions sont délicates sur tous les plans et nouvelles, d’abord pour les médecins et les patients détenus qui vont les vivre et en donner retour. En prison, la mesure médicale de soi est placée dans un rapport frontal à la mesure du temps, chiffrée elle aussi ô combien, omniprésente et façonnant le quotidien. On n’ose parler de quantified self dans ce contexte même s’il est connu que le respect d’un emploi du temps précis y est déterminant pour la dignité de tout détenu. Ce projet-pilote va certainement convoquer des questions complexes autour d’un type particulier de relation patient-médecin, dont bien sûr celle de l’humanisation d’une situation par un dispositif technologique.

Par conséquent, le CNOM et plus largement les professionnels de la santé semblent soucieux de préserver une certaine intégrité dans les pratiques médicales qui émergent avec la télémédecine, principalement en ce qui concerne le coût et la commercialisation de telles technologies. À cette préoccupation de ne pas banaliser une technologie médicinale par l’intermédiaire d’une commercialisation “sauvage”, s’ajoute la volonté de maintenir une certaine autorité en ce qui concerne tout ce qui relève de la médecine, en particulier l’autorité de médecin pour l’accès et le traitement des données de santé du patient. La politique de commercialisation de Diabeo marque ce souci de préserver cette autorité. De plus, au vu de ces exemples, il n’est pas aventureux de diagnostiquer que les professionnels de santé, dont les activités sont strictement régies par la loi, et en particulier les médecins, vont être de plus en plus confrontés à des situations d’exercice de leur métiers où leurs interlocuteurs privilégiés que sont les patients avanceront des arguments technologiques perturbants. Sans doute de concert avec ceux-ci, ils seront alors en droit de solliciter de manière accrue le législateur.