Cloud Computing et Green IT
Le Cloud Computing du point de vue du développement durable
Le Cloud Computing étant un domaine d'innovation, et l'innovation étant considérée comme un facteur de croissance économique, il doit être mis en œuvre au regard des politiques de développement durable amorcées surtout depuis le sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992. Il doit s'inscrire dans la stratégie de Lisbonne (Traité de Lisbonne - 2007) qui définit l'éco-innovation comme un concept-clé ayant pour objectif de conjuguer efficacité économique et efficacité des ressources et énergies.
Or, les centres de traitement de données -ou datacenters- qui alimentent le cloud computing, sont des usines numériques extrêmement énergivores, comme l'a confirmé une étude publiée par Greenpeace en avril 2012, qui estime qu'ils consomment 2% de l'énergie mondiale. Certains de ces datacenters ont une consommation en électricité équivalente à celle d'une ville de 250 000 foyers pour les plus gros d'entre eux, la moyenne étant plutôt de 20 000 à 100 000 habitants. Les milliers de serveurs qu'ils abritent pour stocker et gérer les données sont responsables de cette surconsommation: d'une part car les ordinateurs sont énergivores, et d'autre part, car il faut alimenter des systèmes de climatisation capables de réguler la température ambiante surchauffée par les machines. Les calories rejetées dans l'environnement aggravent les effets du changement climatique en élevant la température de l'air ou des eaux dans lesquelles les eaux de refroidissement sont rejetées. Compte tenu de l’impact écologique négatif, le nombre croissant de centres de données construits dans le monde devient un problème politique et sociétal majeur.
L'empreinte écologique globale grandissante laissée par les centres données n'est pas ignorée des pouvoirs publics qui se trouvent confrontés à un double dilemme: d'une part, les politiques européennes actuelles encouragent l'accélération du développement numérique comme stratégie économique, d'autre part, elles doivent respecter leurs engagements protocolaires internationaux sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la mise en œuvre de politiques de développement soutenable. On note toutefois un durcissement législatif pour les opérateurs de datacenters européens depuis 2008. Ceux-là sont tenus de respecter les réglementations européenne et nationales générales sur l'éco-conception en informatique et la performance énergétique des bâtiments. Des outils de mesure permettent aux entreprises de calculer leur efficience énergétique:
- Le PUE (Power Usage Effectiveness) (initié par le Consortium Green Grid): calcul du ratio entre l'énergie totale consommée par l'ensemble du centre d'exploitation (avec la climatisation) et la partie qui est effectivement consommée par ses systèmes informatiques.
- Le CUE (Carbon Usage Effectiveness): calcul du volume de gaz à effet de serre généré par les équipements informatiques.
- Le WUE (Water Usage Effectiveness): calcul de la quantité d'eau utilisée pour un site d'une part, et dans le cadre de ses activités informatiques d'autre part.
- La labelisation Energy Star: certification sur l'utilisation de produits et technologies éco-efficaces.
Un code de conduite des datacenters a été mis en place dès 2008 par l'Union Européenne, qui n'est ni une directive, ni une norme, mais une charte d'engagement du respect des limites de consommation dont les signataires sont des adhérents ou participants volontaires. Cette charte joue sur les stratégies marketing actuelles des entreprises qui consistent à afficher une image écologique responsable, comme a pu le faire Facebook en 2011 en publiant son projet Open Compute. En 2013, on note que les opérateurs de datacenters ont fait de l'éco-innovation un axe de bataille et de communication. La publication régulière par Greenpeace de leurs résultats en efficience énergétique les a menés à adopter des positionnements plus responsables pour améliorer leur réputation de pollueurs. En écho, certains éco-labels sont nés d'initiatives conjointes d'acteurs du secteurs qui ne sont pas soumis à ce cadre législatif comme les clients finaux des datacenters: par exemple la Greenethiquette, charte créée par la société de conseil américaine Business & Decision.
Ces initiatives présentent toutefois des limites. Outre le fait que les obligations des opérateurs de s'engager dans une politique de développement éco-responsable sont encore souples, les moyens de vérifier leur efficience énergétique sont peu fiables. Notamment, le PUE est, certes, un bon indicateur pour suivre l'évolution des performances d'un datacenter. En revanche, il ne l'est pas pour comparer des datacenters entre eux car il ne prend pas en compte les caractéristiques structurelles des sites : leur localisation géographique (et donc la température extérieure qui conditionne les capacités de refroidissement des infrastructures), le taux de disponibilité (tiering) et le taux de charge du centre. Or, la plupart des opérateurs choisissent de communiquer leur PUE plutôt que leur CUE (calcul des émissions de carbone). Seule la société Akamai a, à ce jour, choisi de communiquer son CUE. Par ailleurs, ces indicateurs calculent la consommation d'électricité sur le site, mais ne prennent pas en compte la source de l'électricité consommée qui est en général d'origine fossile ou charbon, ni le calcul de l'énergie grise, c'est-à-dire la quantité d'énergie nécessaire depuis la fabrication des matériaux jusqu'à leur recyclage. Enfin, la croissance exponentielle de l'utilisation du cloud computing fait que le nombre de serveurs augmente et que la consommation en énergie ne baisse pas.