Les métamorphoses de la lecture

De TP INTD
Révision datée du 19 décembre 2013 à 18:07 par imported>Annick Boguie (Les pratiques de lecture)

Aspects techniques et innovants

Les terminaux de lecture

Si la commercialisation des premières liseuses remonte à 1999 (Rocket eBook, SoftBook), c’est l’apparition en 2010 et 2011 de l’iPad et du Kindle qui a marqué les véritables débuts des ebooks grand public en France. Aujourd’hui, on distingue plusieurs terminaux de lecture numérique : l’ordinateur, les liseuses, les tablettes et les smartphones. Ces derniers ont le vent en poupe, particulièrement au Japon et en Chine car les idéogrammes, à surface égale, sont plus denses de sens. Peu adaptés à la lecture attentive, les smartphones tendent depuis 2011 être doté d’écrans plus grands et embarquent de nombreux formats (ePub, PDF, formats Word). On peut notamment citer le Galaxy Note, avec son écran 5,3 pouces parfois qualifié de Phablet (contraction de phone et de tablette). Les liseuses et tablettes (Kindle, Ipad) sont parfois liés à une seule source de contenu et de services : leur écosystème est clos. Des modèles intermédiaires sont associés à une librairie en ligne et sont capables de gérer le format ePub (Kobo avec la Fnac, Nolimbook+ avec Carrefour). D’autres, comme les liseuses Sony ou Archos, sont ouverts à tous formats et librairies. La liseuse est encore un des rares objets numériques à usage unique. Dans une tendance générale qui vise à la polyvalence et à la convergence des fonctions, on peut s’interroger sur la pérennité d’un tel modèle. Assus produit des hybrides entre ordinateurs et tablettes, Amazon a déposé un brevet en 2012 pour une tablette-liseuse présentant deux écrans. Le Yotaphone, smartphone russe à double écran, tactile et e-ink, est lancé pour noël 2013. Avec l’évolution des technologies d’écran, on pourrait aussi envisager l’apparition d’objets à écran unique, capables de basculer d’un mode liseuse pour le texte à un mode tablette rétro-éclairé, plus adapté aux usages multimédias. Enfin, les nouveaux usages de lecture dynamique appellent d'autres innovations pour interagir toujours plus avec les contenus, les approfondir, les annoter, les commenter… en réseau. Le papier électronique, qui est aujourd’hui capable d’associer couleurs, supports flexibles, tailles variables et faible consommation d’énergie, s'affirme comme un support d'avenir. Sony, Bridgestone, ont présenté de nombreux prototypes, sans avoir franchi le pas de la production industrielle.

Les formats, une jungle technologique

Les formats sont au cœur d'une guerre commerciale menée par les principaux acteurs pour imposer leurs produits et services. Amazon enferme ses clients dans les formats associé au Kindle (AZW, Mobi-pocket et Kindle Format 8), Adobe soutient son format PDF, et ses DRM inclus, Sony, leader en son temps, a abandonné le BBS. L'ePub a le vent en poupe, plébiscité par les éditeurs français et américains : il facilite l’interopérabilité et la diffusion des catalogues, mais il laisse aussi le choix à l’éditeur d’exploiter le fichier pour un produit papier et / ou numérique. Contrairement au PDF, ce format permet de redimensionner le contenu en fonction de la taille d’écran. L’arrivée de l’ePub3 permet de gérer les contenus enrichis, mais il ne prend pas en charge les DRM. Il est soutenu au niveau mondial par L’IDPF (groupement international de normalisation) qui souhaiterait l'universaliser pour les livres numériques. Le Projet Readium, lancé d'abord au sein de l'IDPF, est devenu un consortium à part entière en mars 2013. Il comprend une trentaine de membres fondateurs (dont les français Editis et Hachette Livre) et vise à pallier le manque d'applications de lecture pour le format ePub3. L'application qu’il a développée permet d'afficher un livre numérique comme sur un site web, ce qui pose la question de la spécificité de la filière livre et de l’objet livre par rapport à un contenu web.

Les plateformes

Une plateforme est un système matériel et logiciel de diffusion, de distribution, de vente et d'achat du livre numérique. On en distingue différents types : - Le modèle Google où les livres sont stockés dans les nuages, ce qui favorise l'interactivité et le développement de services venant enrichir le livre de fonctionnalités qui peuvent lui être extérieures. - le modèle Amazon qui est le plus courant, proposant une boutique unique où les fichiers sont achetés et téléchargés - le modèle Apple vend des applications pour proposer des contenus plus hybrides. - Le modèle Elsevier, qui offre des bouquets d'abonnements à un ensemble de contenus, en vogue pour les revues, mais aussi pour les livres scientifiques, techniques ou de niche (Safari d'Oreilly, Publie.net...). A ces modèles de distribution centralisés où l'acteur dominant maîtrise toute la chaîne du livre numérique, les éditeurs indépendants cherchent à opposer un système qui leur permettrait de garder le contrôle de leurs fichiers. Immatériel, ePagine, Eden-Livre sont des plateformes intermédiaires qui ne stockent pas les fichiers des éditeurs. Ce modèle, qui nécessite une entente entre éditeurs indépendants, peine à se mettre en place. Il semble devoir se concrétiser dans un partenariat avec Gallica, qui pourrait donner lieu à une plateforme publique, co-gérée avec les éditeurs, et qui permettrait d'accéder d'un seul coup à l'ensemble de l'offre numérique, qu'elle soit marchande ou non.

Les métadonnées et le concept de visibilité

Les métadonnées permettent d'identifier et de classer des contenus numériques dans les librairies en ligne. Elles donnent la meilleure visibilité possible à chaque fichier et en facilitent l’accès. Par rapport au papier, le livre numérique manque de visibilité. Virginie Clayssen, directrice de la stratégie numérique chez Editis, souligne le rôle essentiel des métadonnées pour le référencement web des livres numériques, ce qui demande aux éditeurs un effort technique considérable. Les bibliothèques sont confrontées à la même problématique et leur nouveau modèle FRBR vise à donner une visibilité sur le web à leurs notices tout en favorisant l'interopérabilité, notamment avec protocole d'édition ONIX (ONline Information eXchange, échange d'informations en ligne). La mutualisation des métadonnées entre bibliothèques, libraires et éditeurs permettra à terme de constituer une plateforme nationale unique de consultation et d'achat pour le livre numérique.


Sources

Le livre numérique, une question de droit ?

La question du droit encadrant les pratiques autour du livre numérique fait l'objet de vifs débats depuis plusieurs années. Les différents protagonistes réunis en groupes de pression s'affrontent au niveau européen et national autour d'importants enjeux politiques et économiques. Il s'agit non seulement de statuer sur la définition du livre numérique, mais aussi sur sa valeur et sur le périmètre de ses usages licites. L'urgence à légiférer, notamment face au développement des pratiques de piratage, a entraîné une avalanche de mesures : loi sur le prêt en bibliothèque (2003), DADVSI (2006), HADOPI 1 et 2 (2009), PULN (2011), TVA (2013). Les ayant-droit, les sociétés de gestion des droits d'auteur (ou société de perception et de répartition des droits - SPRD), la Société des Gens de Lettres (SGDL), le Syndicat national de l'édition (SNE) défendent le paiement à l'acte d'appropriation. Ils s'opposent frontalement aux intérêts des consommateurs et de quelques SPRD, partisans d'une gestion globale qui serait financée par une taxe sur les fournisseurs d'accès à Internet (FAI). Les défenseurs du logiciel libre, des usages communs et de la copie privée leur sont associés. Enfin, les collectivités territoriales et les enseignants militent pour une exception pédagogique qui consisterait en un accord forfaitaire entre l'état et les ayant-droit. Malgré un important travail de lobbying mené à travers l'IABD (Interassociation Archives Bibliothèques, Documentation), les nouvelles lois restent contraignantes pour les bibliothèques. La DADVSI et l'HADOPI ont en effet tourné le dos à une gestion globale pour favoriser l'usage des DRM. Ces deux lois ne prévoient pas l'usage collectif des livres numériques en bibliothèque et autorisent la copie d'une œuvre, uniquement pour des raisons techniques, pour les appareils destinés aux handicapés et pour la conservation ou la communication des œuvres épuisées, mais sur un seul poste dédié et local.

Pour constituer des fonds numériques pertinents, les bibliothèques peuvent :

  • Souscrire à un abonnement fixe proposé par un libraire comme Numilog et payer chaque ouvrage prêté et équipé d'un DRM qui rend le fichier chronodégradable ou utilisable sur un seul système.
  • Souscrire à abonnement annuel, permettant l'accès illimité en streaming sur tout ou partie du catalogue comme chez Cyberlybris ou Publienet.
  • Proposer des contenus sous domaine public ou sous Licence Creatives commons.

Les établissements peuvent rarement recourir au code des marchés publics qui impose un seul prestataire car les catalogues des éditeurs et libraires ne sont pas adaptés aux bibliothèques. Le choix a ainsi tendance à se concentrer sur quelques-uns, ce qui favorise l'appauvrissement du marché. Les contrats de gré à gré ne sont pas satisfaisants car les catalogues se recoupent. Au final, le choix du fournisseur est devenu un enjeu de politique documentaire ! C'est la raison pour laquelle l'association CAREL (Coopération pour l'Accès aux Ressources numériques en bibliothèques) s'est constituée en 2012 afin de fédérer les bibliothèques publiques et de s'instituer comme interlocuteur national auprès des éditeurs. D'autre part, le projet interprofessionnel Prêt Numérique en Bibliothèque (PNB) piloté par Dilicom, est en cours d'évaluation. Il s'agit d'un tiers de confiance entre éditeurs, libraires et bibliothèques, qui facilite leurs échanges de données (commerciales, métadonnées descriptives, juridiques et techniques, données de gestion : état des droits de consultation, statistiques…), garantit la validité des droits acquis par les bibliothèques et le respect des conditions d'accès et d'usage des livres numériques définies par les éditeurs. Si PNB gère les différents modèles de prêts qui coexistent toujours, elle n'intervient cependant pas dans les négociations sur les prix. Dans les premiers compromis, éditeurs et bibliothécaires semblent s'orienter vers la consultation sur place en streaming et le téléchargement à distance d'un fichier chronodégradable, payé pour un certain nombre de prêts. Ce système permet de prêter simultanément le même ouvrage numérique, mais à un prix parfois supérieur au prix public... Aussi le réseau Carel espère-t-il une solution de type nationale qui permettrait de réduire les coûts collectifs, à l'image des bibliothèques de l'Ohio qui, depuis 1992, disposent d'une licence nationale pour des contenus chargés et pérennes, archivés collectivement, acquis par une centrale d'achat, gérés dans un catalogue collectif : une organisation qui a multiplié par quatre leur pouvoir d'achat.

Sources :

Les pratiques de lecture

Une élite de lecteurs

Les pratiques de lecture sont déterminées par des clivages idéologiques très forts, du moins parmi les lecteurs les plus avertis qui font l'objet de la dernière étude du Motif. Les défenseurs d'un modèle français (prix unique du livre numérique, préservation des libraires) s'opposent à ceux qui sont prêts à accepter la domination des grands opérateurs. Les défenseurs du libre et gratuit, forment un troisième front. Les pratiques d'achats et de lecture semblent aussi être liées au type de terminal choisi par les lecteurs. Dans une étude, Michael Tamblyn, responsable des ventes chez Kobo Reader, distingue quatre types de lecteurs. Le lecteur de liseuses, qui représente 11% des français contre 17 % équipés de tablettes (étude Audipresse et Deloitte, 2013), dépense beaucoup et revient en moyenne 7 fois par mois dans sa boutique pour y dépenser 20 à 25 $ à chaque visite. Il s'agit là de la même élite de “grands lecteurs”, bien équipés et bien renseignés qui a fait l'objet de l'étude du Motif : 43 % d'entre eux savent convertir les fichiers ou supprimer les DRM. Ils s'orientent majoritairement vers de grands opérateurs, mais savent aussi trouver les plateformes pure-players ou l'offre gratuite légale ou illégale (28%). Pour 36 % des répondants, cette dernière catégorie d'ouvrages compose entre 70 % et 90 % de leur bibliothèque. Les fonctions d'annotation et de personnalisation du texte sont peu utilisées. Malgré leur expertise, ces lecteurs ne trouvent pas toujours les informations souhaitées ou même les livres cherchés, ne parviennent pas tous à télécharger et à transférer les fichiers, peinent à mettre le texte en forme et se perdent dans les problèmes d'incompatibilités entre les terminaux. Pour attirer une clientèle plus vaste, il apparaît urgent de simplifier les procédures d'accès, d'archivage et de personnalisation. En effet, sur la boutique Kobo, les lecteurs smartphones sont majoritaires, mais il dépensent moins (15 $) et reviennent 7 fois moins dans leur boutique que les adeptes de liseuses. Ils consomment beaucoup plus de titres gratuits. Les adeptes de l'iPad dépensent quant à eux en moyenne 16 $ par commande et font 4,5 commandes par mois. Enfin, les inconditionnels du gratuit possèdent souvent plusieurs terminaux et consomment exclusivement ou très majoritairement des contenus libres ou gratuits.

Les lecteurs de demain...

Alors que les tablettes s'invitent à l'école, elles sont aussi en passe de devenir des jeux éducatifs pour les plus petits. Les parents s'inquiètent de voir leurs enfants devenir récalcitrants à la lecture. La tablette serait le moyen de retenir leur intérêt et leur attention en apprenant sur un mode ludique. Selon une enquête Ipsos/CGI, 84% des parents sont convaincus de l'impact des tablettes, des livres interactifs et des jeux ludo-éducatifs sur les modes d'apprentissage. Si l'on s'inquiète parfois des risques sanitaires provoqués par des usages non accompagnés (41%), une familiarité s'instaure entre l'objet et les lecteurs de demain. Ainsi, 71 % des enfants de moins de 12 ans utilisent cet instrument. Les enfants de 9-10 ans passent en moyenne 71 minutes par jour sur Internet contre 164 minutes pour les 15-16 ans. Les enfants de milieu défavorisé passent plus de temps sur Internet que leurs camarades plus favorisés (135 minutes contre 110 minutes). Contrairement aux idées reçues, les jeunes ne sont pas plus attirés par le livre numérique que par le papier. Les jeunes anglais ne le considéreraient pas comme un bien culturel attirant. Dans une étude du cabinet d'analyse Voxburner, 62 % des répondants assurent aimer mieux les livres imprimés et 92 % sont en désaccord avec le tarif de vente proposé. 55% d'entre eux disposeraient d'un lecteur ebook, alors que 85 % possèdent un smartphone. Les jeunes de 18-24 ans sont aussi les plus grands lecteurs de BD électroniques (29%), mais cette pratique reste très minoritaire : seul 14 % des lecteurs de bandes dessinées âgés de 11 ans et plus déclarent en lire sur ce support (soit 4 % de la population). L'attachement au papier tient aussi au manque de valeur ajoutée de l'édition numérique qui pourrait ouvrir aux bulles et aux cases tout un champ de créativité interactive. La bande dessinée est le support le plus piraté : 20 à 25 % de titres piratés parmi l’offre légale globale. Toutefois, les nouveautés sont épargnées et les titres concernés – classiques franco-belges, mangas et comics à grand succès médiatique – n'ont généralement pas d'équivalent légal. Comme chez les adultes, les pratiques des jeunes dépendent en grande partie du contexte de la lecture. Les compétences en terme de lecture documentaires ne sont pas toujours réinvesties en milieu scolaire, la lecture « sérieuse », étant associée au papier et à l'institution. Si la littérature classique est délaissée, l'usage du livre se diversifie et se dissocie de l'objet livre. La lecture devient un savoir et une culture : savoir maîtriser les différents types de lecture, savoir les combiner en fonction de l’objectif. Cette compétence apparaît socialement beaucoup plus discriminante que le simple déchiffrage d'antan.

Lire dans un environnement numérique : des enjeux cognitifs sous-jacents ?

L’avènement de l’ère numérique bouscule profondément l’écosystème du livre. Cette mutation interpelle de nombreux spécialistes (sociologues, cogniticiens, philosophes, anthropologues, essayistes,…) qui s’intéressent à l’évolution des contenus numériques et de leur réception : la lecture sur écran. Ce qui est en jeu avec la généralisation des écrans, c’est la transformation de la lecture traditionnelle. Dans sa forme actuelle, issue de la Renaissance, la lecture « profonde », linéaire, réflexive, est remise en cause. Cette conception, est souvent assimilée à une pratique authentique par opposition à une lecture sur écran qui serait moins appliquée. Dans un article resté célèbre, « Is Google making us stupid » (2008), repris et développé sous forme de livre en 2010, le cybercritique Nicolas Carr se désespère de ne plus pouvoir lire « en profondeur » : « Maintenant, ma concentration commence à se relâcher après deux ou trois pages. Je deviens impatient, perds le fil, commence à chercher autre chose à faire. Je me sens comme si j’étais sans cesse en train de ramener de force mon cerveau volage au texte. La lecture profonde qui me venait jadis tout naturellement est maintenant devenue un combat ». Constatant que ce phénomène s'accentue, Carr en vient à penser que le web demande un effort pour maintenir notre attention sur de longs textes. En mobilisant des données issues des sciences cognitives sur les capacités d’adaptation rapide du cerveau, l'auteur craint une perte généralisée de notre capacité à lire en profondeur. Le web serait donc un instrument d’abrutissement collectif. Cette position polémique a mis en lumière certains travaux d’experts, mais elle a eu tendance à polariser le débat. La controverse s’est rapidement focalisée sur des aspects cognitifs qui opposent la lecture linéaire aux développements de nouveaux processus de lecture numérique induits par la prégnance de l’écran (ordinateurs, tablettes, smartphones). Aux critiques récurrentes qui associent écrans et culture du zapping, immédiateté, superficialité et papillonnement, s’opposent des vues plus nuancées. Ainsi Christian Vandendorpe, chercheur spécialisé en sémiotique cognitive, s’intéresse au développement d’une lecture sélective, dynamique, interactive et ergative (du grec ergon, le travail, orientée vers l’action, qui vise à modifier la structuration d’un texte ou laisser une trace de son activité à travers l’annotation par exemple). Pour le cognitiviste Thierry Baccino, la lecture sur écran demande un surcroît de travail au cerveau et un fonctionnement différent. Les zones de l’encéphale qui contrôlent les prises de décisions et les raisonnements complexes sont bien plus sollicitées qu’avec la lecture papier. Plus nous serons habitués à l’écran, plus la lecture papier risque de nous donner, un peu comme le cinéma noir et blanc, une impression de régression, car « le lecteur écran est butineur et impatient ». Tout en considérant l’apport potentiellement intéressant d’hyperliens et d’hyper-médias, Baccino souligne le risque de surcharge cognitive et de perte de repères spatiaux, liés aux jeux de renvois propres aux contenus numériques. La psychologue Claire Bélisle insiste quant à elle sur le temps particulier de la lecture ; l’usage de nouveaux outils numériques en modifierait le rythme : « Lire ce n’est plus aller du début à la fin, ce n’est plus lire l’intégralité d’un texte, d’un document, d’un livre. » Mais Christian Vandendorpe ne rappelle-t-il pas que Montaigne flânait déjà dans sa bibliothèque ? : « Là je feuillette à cette heure un livre, à cette heure un autre, sans ordre et sans dessein, à pièces décousues » (Essais, III, 3)... et Jean-François Bianco que Diderot avait déjà « inventé le web » ? Les études les plus récentes paraissent s'accorder sur l'idée que la lecture se diversifie : savantes, documentaires, récréatives, participatives, elles se modulent en fonction du contexte. Si le livre papier garde une aura symbolique, les supports à venir seront ainsi les plus polyvalents, offrant aussi bien un espace de déconnexion qu'une possibilité d'interagir, tout cela avec le confort du papier électronique.

Sources :

Un nouveau rôle pour le lecteur : autoédition, édition accompagnée, lecture sociale et impression à la demande.