Équipe 7 : La télémédecine
Sommaire
- 1 L'équipe
- 2 Présentation du sujet
- 3 Analyse sectorielle
- 3.1 Situation du secteur
- 3.2 Chiffres clés
- 3.3 Principaux acteurs du secteur
- 3.4 Productions
- 3.5 Actualité économique et sociale de la profession
- 3.6 Procédés technologiques et innovations
- 3.7 Conjonctures
- 3.8 Un outil de réflexion : La situation concurrentielle de Michael Porter
- 3.9 Place du secteur dans l'industrie
- 3.10 Étude des ratios
- 4 Résultats de la veille
- 5 Analyses de débats
L'équipe
- Cécile Delay
- Alexandre d'Helt
- Antoine Durot
- Safia Ziour
Présentation du sujet
Notre champ général de recherche et de réflexion est celui de l'e-santé. Selon la définition retenue par la Commission européenne, l’e-santé est « l'application des technologies l'information et de la communication (TIC) à l'ensemble des activités en rapport avec la santé. Ces nouvelles technologies, plus particulièrement internet, le Dossier Médical Personnel et la télémédecine bousculent la pratique médicale au quotidien et engendrent de nouvelles relations entre professionnels de santé et patients. ». Il est attendu qu'elle permette de maîtriser les principales questions qui se posent au système de santé français : le vieillissement de la population, la gestion de la dépendance, l'accroissement des maladies chroniques, la hausse des dépenses, l'accès égalitaire à des soins de qualité. Son marché, estimé en 2012 à 2,4 milliards d’euros, devrait progresser de 4 à 7% d’ici 2017.
Définir l'e-santé la fait apparaître dans toute son ampleur réglementaire, économique, technologique et sociétale. Une première immersion documentaire dans ce domaine neuf à tous égards pour nos yeux nous familiarise avec ses multiples aspects. Nous en découvrons les réseaux de significations et conjointement son vocabulaire formel, ses langages et images spécifiques. La télémédecine nous apparaît alors comme se situant au cœur de l’e-santé. Nous la retenons comme ancrage de notre analyse sectorielle et choisissons de centrer notre travail de veille sur un aspect de la télémédecine : la participation du malade lui-même à sa prise en charge médicale. En France, l'histoire officielle de la télémédecine débute avec la fondation en octobre 1991 de la société européenne de télémédecine par l'un de ses pionniers, le professeur Lareng, également fondateur du SAMU.
Rapports officiels, colloques, forums, salons se succèdent ensuite et surtout depuis une dizaine d'années au fur et à mesure des progrès technologiques, de leurs apports probables en termes d'avancées purement médicales et en regard de l'omniprésente question du coût et de l'efficience du système de santé et de Sécurité sociale. Instances gouvernementales, sociétés savantes de médecine et fédérations industrielles débattent, souvent à distance (télémédecine oblige), de tous ses aspects. En 2008, le rapport Simon-Acker, émanant de l'Association nationale de télémédecine, se distingue comme un point d'étape important.
Sur le plan législatif, elle n'est véritablement organisée qu'en 2009 et surtout en 2010 avec le décret d’application n°2010-1229 du 19 octobre 2010. Dans celui-ci, elle est définie comme recouvrant cinq types d'actes, tous placés sous la responsabilité d'un médecin : « la téléconsultation, la téléexpertise, la télésurveillance médicale, la téléassistance médicale, la réponse médicale qui est apportée dans le cadre de la régulation médicale ». Depuis, d'autres instances étatiques et professionnelles ont précisé ces champs d'exercice ; ainsi en 2011 la CNIL qui rappelle qu'un traitement de télémédecine, parce qu'il implique un partage de données de santé, doit faire l'objet d'une autorisation préalable de sa part. Dès 2009, le Conseil national de l’Ordre des Médecins, pour sa part, rappelait que les règles de la déontologie médicale devaient s'appliquer à la télémédecine comme au reste de l'exercice médical. Son chiffre d’affaires annuel est en France de l’ordre de 100 millions d’euros. A l’horizon 2020, il pourrait être de un à deux milliards d’euros par an.
Les composantes de la télémédecine sont donc les suivantes : un médecin, un patient, un système technologique et donc un producteur de cette instance technique, inscrits dans une organisation globale de la santé mêlant secteurs public et privé. Le caractère neuf de ce secteur de l’e-santé réside dans la position médiatrice et majeure que les nouvelles technologies y occupent. La télémédecine concerne à la fois les techniques de l'information et de la communication (TIC) et les équipements médicaux proprement dits. En cela, elle relève de plusieurs catégories de la nomenclature de l'INSEE et il est par conséquent impossible de faire coïncider parfaitement l’analyse sectorielle à établir et l'étude de la télémédecine en tant que telle. Cependant, il est clair qu’elle induit en amont la mise au point et la fabrication d'appareillages sophistiqués, très spécialisés et souvent très coûteux, soumis à de nombreuses contraintes légales et relevant de particularités spécifiques de production et de commercialisation.
Le code NAF 26.60Z rassemble les principaux acteurs en matière d’équipements médicaux. Cette classe comprend notamment la fabrication d’appareils d’imagerie par résonance magnétique (IRM) ou d’autres appareils d’imagerie médicale. Il en va de même pour les appareils à laser, les stimulateurs cardiaques ou encore les appareils pour faciliter l’audition.
Au cours de notre recherche, nous avons découvert plusieurs rapports sur la télémédecine en France émanant de la Haute Autorité de Santé, du Syntec, et du Ministère de la Santé et des Sports. Ces rapports ont en commun de s'intéresser aux enjeux de la télémédecine en matière d'organisation de soins, notamment en ce qui concerne la télé expertise radiologique et la téléimagerie. C'est pourquoi nous avons décidé de porter notre analyse sectorielle sur les fabricants d'équipements médicaux. En effet, notre recherche a révélé que les principaux acteurs de ce secteur sont relativement anciens (entreprises souvent crées il y a plus de 30 ans) mais sont impérativement amenés à innover pour intégrer les nouvelles pratiques médicales La télémédecine apparaît donc comme porteuse d'un éventuel bouleversement du secteur des appareillages médicaux.
Analyse sectorielle
Fabrication d'équipements d'irradiation médicale, d'équipements électromédicaux et électrothérapeutiques
Situation du secteur
- Section : C Industrie manufacturière
- Division : 26 Fabrication de produits informatiques, électroniques et optiques
- Groupe : 26.6 Fabrication d'équipements d'irradiation médicale, d'équipements électromédicaux et électrothérapeutiques
- Classe : 26.60 Fabrication d'équipements d'irradiation médicale, d'équipements électromédicaux et électrothérapeutiques
- Sous-classe : 26.60Z Fabrication d'équipements d'irradiation médicale, d'équipements électromédicaux et électrothérapeutiques
- Classe : 26.60 Fabrication d'équipements d'irradiation médicale, d'équipements électromédicaux et électrothérapeutiques
- Groupe : 26.6 Fabrication d'équipements d'irradiation médicale, d'équipements électromédicaux et électrothérapeutiques
- Division : 26 Fabrication de produits informatiques, électroniques et optiques
Chiffres clés
- Nombre d’entreprises : 75
- Effectifs : 3820 équivalents temps plein
- Chiffre d’affaires : 1,7G€
- Taux d'exportation : 70%
- Taux de couverture : 163
Principaux acteurs du secteur
Liste des principales entreprises du secteur
Organisations professionnelles
Presse
Centre technique
À l’heure actuelle, il n’y a pas de centre technique dédié au secteur.
Pôle de compétitivité
Manifestations, salons
Localisation
Productions
Actualité économique et sociale de la profession
Procédés technologiques et innovations
Conjonctures
Un outil de réflexion : La situation concurrentielle de Michael Porter
Place du secteur dans l'industrie
Étude des ratios
Résultats de la veille
Observations
La télémédecine apparaît comme porteuse d'un éventuel bouleversement d’un secteur relativement traditionnel. La veille consistant en une anticipation, que révèlera-t-elle en matière d'évolutions et de bouleversements du marché pour ce secteur ? Enfin, qui dit télétransmission dit circulation de volumes important de données entre patient et médecin bien sûr, mais aussi entre médecins ou entre particuliers eux -même. Nous nous interrogerons donc sur le devenir de ces données, leur traitement mais aussi leur stockage et leur confidentialité. Comment et à quelles fins ces données seront-elles utilisées? Statistiques? Commerciales?
On le sait, comptes de Sécurité sociale et coûts des équipements médicaux sont sans cesse au cœur des débats politiques et économiques et relèvent de choix dits de société. La télémédecine s'affirme graduellement comme une opportunité de rentabilité et de profit pour tel ou tel de ses acteurs. Il convient de pointer que c'est en bonne partie à cause de son aspect participatif et collaboratif, de plus en plus présents dans l’actualité.
Sur le plan strictement médical, les traitements des affections de longue durée (ALD : diabète, insuffisance rénale, insuffisance cardiaque, insuffisance respiratoire chronique) par voies de télémédecine sont déjà bien engagés. A titre d'exemple, le suivi de son taux de sucre par un diabétique a largement dépassé le stade de l'expérimentation pour intéresser malade, médecin et fabricant d'appareils et de smartphones.
En parallèle, à la lisière du domaine privé, depuis 2007 un mouvement s'est développé, celui du quantified self, ou mesure de soi, dans une sorte de cousinage ludique d'avec la télémédecine. Il trouve sa source dans l'initiative de deux américains, Kevin Kelly et Gary Wolf, respectivement ancien journaliste et éditeur-fondateur du magazine Wired (soit branché). En France, le QuantifiedSelfParis est créé en mars 2011 et compte actuellement plus de trois cents membres. Il est significatif que le mouvement du quantified self s'origine dans une presse d'influence, qu'elle le veuille ou non, prescriptrice de modes et arbitre de la consommation d'objets dont la valeur ajoutée est d'ordre technologique. C'est la communauté sans frontière des geeks qui a initié ces pratiques et a déplacé, volontairement ou non, la mesure chiffrée de chacun de la sphère médicale à celle des « loisirs techniques » voire à la question revendiquée de la connaissance de soi.
Notre action de veille a eu pour objectif de prendre le pouls du quantified self, de tenter de voir dans quelle mesure il a un avenir réel, économique, industriel et « culturel » ; s'il n'est qu'une fièvre passagère, l'expression d'une pathologie peut-être ou l'annonce avant-gardiste de comportements à grande échelle, s'il est entièrement autonome de la mesure de soi en contexte médical et s'il est susceptible d’influer sur l'exercice de la médecine.
Nous voulions savoir si, apparu à la frange de la sphère médicale proprement dite, il peut participer à son progrès à travers la mutualisation massive des données de santé qu’il est susceptible de favoriser et grâce à la familiarisation des patients avec les protocoles techniques de suivi utilisés en télémédecine. Pour répondre à ces questions, nous avons interrogé l'espace majeur de la quantification et du chiffrage, celui du Web, l'espace mondial des algorithmes et de la mesure automatisée.
Venant très majoritairement des Etats-Unis, cinq cent cinq outils de quantified-self sont actuellement recensés sur le site de référence quantified self, aux caractéristiques variées : avec capteur intégré ou non, pour smartphone exclusivement, en liaison ou pas avec un site pour enregistrement des données. Citons-en quelques noms évocateurs : Fitbit, Moodscope, Pedalbrain, iDoneThis, ChartMyself, BodyMedia, NutritionData, MoneyBook, Rationalizer, Gottafeeling. Le discours publicitaire qui les promeut est performatif et injonctif : il s’agit d’être son propre objet d’amélioration quotidienne, l’entrepreneur de soi-même. Son influence se traduit par un nombre instable d’utilisateurs se chiffrant en millions, sans qu’il soit possible d’être plus précis. Relevons que dans cette liste, certaines références ont cessé leur activité, comme le site Quantter du Français Denis Harscoat, ou qu’elles ne proposent que l’accès à leur version-beta, comme Genomera, justement dans le cadre d’une recherche autour de la santé participative.
En France, la pratique du quantified self est beaucoup plus limitée, marginale et en général peu installée dans la durée, à en croire l’article de la revue « Réseaux » cité plus haut, puisque ses auteurs ont eu de la difficulté à mettre en place une quarantaine d’entretiens semi-directifs, relevant du champ de la sociologie.
Leur enquête leur permet de dégager une utile typologie des outils de la mesure de soi :
- les outils de surveillance, du type Daily Burn, qui chiffre les dépenses caloriques de celui qui l’utilise ;
- les outils de performance, du type Runkeeper, lequel permet la mesure sportive de la course à pied ;
- les outils de routinisation, du type Morningcoach, qui dès le saut du lit guide son utilisateur vers un développement personnel harmonieux.
Rapidement, elle les amène à un constat somme toute attendu : l’effet de connaissance de soi généré par le quantified self est limité à des chiffres et à quelques commentaires, partagés ou non sur le web. La révélation de ces données à soi-même est sans surprise. C’est donc l’attente - voire la revendication - d’une meilleure connaissance de soi par les adeptes du quantified self qui posent question. Que faire dire aux chiffres d’aussi profond et essentiel que l’interrogation sur le sens de ses choix de vie que chacun peut avoir en son for intérieur ?
Si l’enjeu n’est pas là, il faut alors réviser à la baisse les prétentions et les attentes, et s’entendre sur les mots. Il nous semble que, là comme dans le discours publicitaire, il y a abus de langage. Aux États-Unis, l’inflation virale des applications de quantified self proposées au public correspond d’abord à l’existence d’un business potentiel au sein d’une société tout entière tournée vers la performance professionnelle et la santé économique, lesquelles sont sous-tendues par une certaine idée du bien-être personnel, devenu depuis longtemps une « cible » privilégié du marketing. Les applications dites de santé, elles, étaient au nombre de 17 750 en 2010 et de 97 119 en 2012, selon Research2guidance cité par la CNIL.
Mais, à consulter le site Happtique.com (jeu de mots entre haptique et application), mis en place par les hôpitaux de New York en 2010, il apparaît que seule une quinzaine d’applications relèvent d’un usage médical strict, sous réserve notamment qu’elles répondent à des standards de sécurité contraignants en matière de confidentialité des données. Depuis 2012, un médecin new-yorkais peut ainsi à proprement parler prescrire à la fois un traitement et une application permettant l’observation de ce traitement. L’expérimentation de ce processus, la mesure de la validité clinique des outils et l’estimation précise de leur intérêt économique vont demander encore du temps pour acquérir une valeur statistique et révéler tout leur poids politique. Du reste, les patients américains de 2013 notent le plus souvent leurs données de santé « in their heads ». De même, selon une étude pour l’Atelier BNP-Paribas publiée le 5 décembre dernier, seuls 11% des Français disposent d’un objet connecté pour surveiller leur santé.
Dans l’article de la revue Réseaux « La mise en chiffre de soi », les auteurs relèvent aussi que les applications de routinisation posent la question la plus problématique, celle de « la standardisation de la vie privée ». Il leur semble que leur utilisation peu significative révèle une résistance des personnes interrogées à s’inscrire dans cette standardisation ; en somme, en dehors d’un contexte thérapeutique intime, un refus d’aliénation à des technologies, aussi perfectionnées soit-elles et surtout à des discours trop consuméristes et superficiels.
Ainsi, en France, la mesure du soin dans le cadre médical, qui commence à faire ses preuves dans le suivi des affections de longue durée, dépasse en importance la mesure de soi dans la sphère privée. Du côté des médecins, 8% des utilisateurs de smartphone, interface par laquelle tout passe désormais, ont recommandé une application à leurs patients en 2013. C’est le contexte d’utilisation des outils et, pour le coup, la mesure scientifique et économique de leur intérêt et de leur efficacité qui vont déterminer leurs évolutions et leurs utilisations.
À travers l’usage d’une application médicale, le patient aura à la fois une place de partenaire et de malade face à son médecin mais le cadre de la prescription thérapeutique sera toujours défini par les instances officielles. L’exercice de la médecine est chose trop sérieuse, trop normée et complexe pour que le quantified self stricto sensu, en dehors d’une certification de l’outil employé, puisse s’y aventurer de façon autonome voire anarchique. Tout praticien médical est donc appelé à accroître son usage du numérique et à en développer une réelle compétence pour garantir à la société une pratique équilibrée de son art, entre écoute de la souffrance et Big Data, palpation des corps et smart grids.