Le livre numérique
L'équipe
- Annick Boguie
- Henri Viltard
- Bruno Potterie
- Yves Garnier
Sommaire
Présentation du sujet
Le secteur de l'édition de livres a été marqué par l'arrivée de nouveaux acteurs dans la publication et la distribution, incarnés par Amazon, Apple et Google. Capables à la fois d'imposer leur prix et leur méthode, ils bouleversent le modèle économique de l'édition traditionnelle. Si, en France, les lois sur le prix unique du livre limitent en partie cet impact, en dépit de contournements, le poids économique et l'influence de ces sociétés conduisent ici comme ailleurs les éditeurs traditionnels à se regrouper pour survivre.
L'émergence du livre numérique joue un rôle important dans les évolutions en cours. Aux Etats-Unis, en dépit d'une stagnation récente de ses parts de marché, il représente déjà plus d'un cinquième des ventes. S'il est actuellement peu développé en France, l'exemple américain laisse présager un accroissement important dans les années à venir de ses parts de marché, et conduit les éditeurs à adapter leur offre.
Cette mutation du marché du livre soulève un ensemble de questions relatives à la place des éditeurs, à l'évolution des techniques et au droit. Mais elle amène aussi à s'interroger sur l'évolution de la place du lecteur et des pratiques de lecture, ainsi que sur l'influence des producteurs sur celle-ci.
Place du sous-secteur de l'édition de livres et chiffres-clés
Principaux acteurs de la profession
Principales entreprises du secteur en France en 2012
Très hétérogène, le secteur de l’édition de livre est fréquemment décrit comme un « oligopole à franges » : quelques grands groupes dominent le marché, laissant néanmoins une foule de petites entreprises, indépendantes, spécialisées et souvent innovantes, se développer à leur marge. Deux groupes dominent largement le secteur :
- Hachette Livre, la branche édition de Lagardère, est le premier éditeur français, dominant largement le marché avec un chiffre d’affaires de plus de deux milliards d’euros. C’est aussi le sixième éditeur mondial, derrière Pearson (6 913 millions d’euros), Reed Elsevier (4 479), Thomson Reuters (4 080), Wolters Kluwer (3 603), et Random House (2 142) ;
- Editis est le deuxième éditeur français, avec un chiffre d’affaires près de trois fois inférieur à celui d’Hachette livre. Editis est la branche française de Planeta, premier éditeur espagnol et huitième éditeur mondial.
En 2012, les dix principaux groupes cumulent à eux seuls 77,1% de l’édition française en France et à l’étranger contre 74,3 % en 2011 et 74% en 2010. La grande majorité des éditeurs n’ont qu’une activité très restreinte[1].
Entreprise |
Groupe |
CA 2012 |
Effectifs |
Principales enseignes |
Principales catégories de livres / activités |
Hachette Livre |
Lagardère (France) |
2 077 |
7 104 |
Hachette Collections (fascicules*) |
Littérature générale |
Editis |
Grupo Planeta (Espagne) |
693 |
n.d. |
Place des éditeurs (Acropole, Belfond, Hemma, Hors Collection, Langue au chat) |
Littérature générale
|
Madrigall |
421 |
|
|
| |
France Loisirs |
Actissia |
351 |
2500 |
France loisir |
Club de livres |
Media-Participation |
Media-Participation |
337,7 |
1137 |
Dargaud |
BD |
Editions Lefebvre Sarrut |
Frojal |
331,1 |
1700 |
Francis Lefebvre |
Juridique |
La Martinière Groupe |
264 |
871 |
Seuil |
Littérature générale | |
Groupe Flammarion |
Madrigall |
263,7 |
626 |
Editions Flammarion (dont Arthaud, Aubier, Autrement) |
Littérature générale |
Groupe Gallimard |
Madrigall |
235 |
n.d. |
Gallimard |
Littérature générale |
Atlas |
De Agostini |
169,5 |
174 |
- |
Fascicules vendu en kiosque |
Groupe Albin Michel |
Huyghens de participations |
165,2 |
488 |
Magnard/Vuibert |
Livres de lecture pour la jeunesse Manga Distribution/ diffusion (Dilisco) |
Lamy |
Wolters Kluwer |
147,4 |
844 |
Juridique |
Source : Livres Hebdo, 2013 [2].
(*) Un fascicule est constitué d’un livret et d’un objet (figurines, objets à collectionner ou pièces à assembler).
(**) CA proforma incluant le périmètre Flammarion en année pleine, sur la base de normes comptables harmonisées (Madrigall a acquis Flammarion en septembre 2012).
Organisations professionnelles
- Syndicat national de l'édition : http://www.sne.fr
Le SNE regroupe plus de 600 maisons d'édition : les deux poids lourds, Hachette Livre et Editis, qui représentent la majeure partie du chiffre d'affaires de l'édition française, sont accompagnés par de nombreuses moyennes et petites structures. Le site permet de connaître les prises de positions du SNE, mais offre aussi d’autres informations, notamment statistiques.
- Centrale de l’Edition : http://www.centrale-edition.fr/
Il s'agit d'un groupement d'intérêt économique (GIE) en charge :
- de l’assurance-crédit et de tous autres systèmes de garantie pour les facturations des éditeurs à l’export ;
- du transport du livre par groupage vers le monde entier, par voies terrestre, maritime ou aérienne.
Il publie notamment des statistiques sur le commerce extérieur élaborées à partir des données des douanes et accessibles à partir de son site.
- Association des Professionnels de l’Edition : http://www.proedition.fr/
L’Association des professionnels de l’édition a vocation à fédérer, hors cadre syndical, tous les métiers de la production éditoriale : édition, fabrication, droits d’auteur et dérivés, marketing-communication, commercialisation. Elle a également pour but de favoriser le retour d’expérience et la transversalité d’un type d’édition vers l’autre.
Productions
Les différentes catégories éditoriales
Les statistiques de l’INSEE ne permettent pas de connaître la part des différents produits associés à la sous classe 5811Z dans le CA du sous-secteur de l’édition de livres. En revanche, le SNE publie des données sur la part des différentes catégories éditoriales dans le CA de l’édition. La littérature constitue près du quart des ventes. Les autres secteurs principaux sont formés par les beaux livres et livres pratiques, la jeunesse, la bande dessinée et les sciences humaines et sociales. Ces trois derniers secteurs sont ceux qui ont le plus progressé en 2012.
Source: SNE. Les chiffres clés de l’édition 2013, données 2012. Juin 2013
Place du livre numérique
En 2012 le livre numérique représente 3,1% du chiffre d’affaires de l’édition tel que défini par le SNE. Dans son enquête sur le marché du livre en 2012, l’institut d'études de marché et d'audit marketing GFK retient un chiffre nettement inférieur : 0,6% du CA du secteur du livre [3]. Cet écart tient à la définition beaucoup plus restrictive du livre numérique qui est retenue par l’étude de GFK [4].
Source : SNE. Repères statistiques France 2013 - données 2012
Le secteur de la littérature représente moins de 10% des ventes de livres numériques, loin derrière les sciences humaines et sociales qui dominent largement[5].
Le faible développement du marché du livre numérique dans l’édition française contraste fortement avec la situation dans d’autres pays, au premier rang desquels les Etats-Unis, où, toutes catégories de livres confondues, les livres numériques représentent environ 21% des ventes en exemplaires et 11 % du chiffre d’affaires à la mi-2013.
Dans une enquête publiée par le Motif en 2013 sur les pratiques de lecture et d’achat de livres numériques, leur prix trop élevé est cité par 84% des personnes interrogées comme le frein le plus important au moment de l’achat. Début 2012, les livres numériques étaient en moyenne vendus 20 à 35% moins chers que les livres papier. Les éditeurs sont réticents à voir cette décote s’accentuer. Certains comme Eyrolles, Fleurus, Gallimard, ont cependant lancé des offres couplées sur une partie limitée de leur catalogue, permettant au consommateur de bénéficier d’un tarif préférentiel sur l’achat de la version numérique.
Le piratage est un risque associé au développement du livre numérique. Selon l’étude E-book 3 du Motif, les délais de piratage des nouveautés numériques se réduisent.
Les cessions de droits
La part des cessions de droits dans le chiffre d’affaires de l’édition en 2012 est de 4,9 % pour une valeur de 133 millions d’euros (Source SNE).
Actualité économique et sociale de la profession
Une poursuite de la concentration
- Rachat de Flammarion par Madrigall en 2012.
- Rachat de Payot & Rivage par Actes Sud le 1er janvier 2013
- Développement du groupe Delcourt, groupe indépendant dans le secteur de la bande dessinée. Son CA est passé de 31,5 à 54 millions d’euros entre 2009 et 2012. Le groupe est devenu l’actionnaire majoritaire des Editions Soleil.
Des situations contrastées selon les catégories éditoriales
- Le secteur des dictionnaires est en fort recul à - 7,6% en volume et - 8,8% en CA.
- Les encyclopédies ont commencé leur déclin avant-même l’arrivée de Wikipédia.
- En 2012 les secteurs qui ont le plus progressé sont ceux des sciences humaines et sociales (SHS), de la jeunesse et de la BD.
- La vente des livres de cuisine et vin a progressé de 0,8% en volume, en 2011 et 2012, mais a diminué en valeur (-1,8%), car les mini-livres, qui sont les plus vendus, sont aussi les moins chers.
Actualités juridiques
- La loi du 26 mai 2011 relative au prix unique du livre numérique
A l’instar de la loi du 10 août 1981 sur le livre papier, mais avec des nuances liées aux spécificités de l’exploitation numérique, cette loi confère au seul éditeur la responsabilité de fixer le prix de vente public d’un livre numérique, lequel s’impose à tous les détaillants, sans distinction, qu’ils opèrent depuis la France ou depuis l’étranger.
- La loi du 1er mars 2012 sur les œuvres orphelines et épuisées et l'accord-cadre SNE Google de juin 2012.
La loi du 1er mars 2012 permet de vendre les fichiers des ouvrages encore sous droits mais indisponibles sous forme papier. Il s’agit de contrer, par une initiative publique, l’exploitation des œuvres épuisées et orphelines projetée par Google. ReLIRE, le Registre des Livres Indisponibles en Réédition Electronique, gère collectivement les droits, partagés entre auteurs et éditeurs. Cette loi, inspirée de la procédure américaine d’opt out, fait polémique : elle bouleverserait « l’économie du code de la propriété intellectuelle, le rapport à la propriété privée, et, surtout, la notion de droit moral de l'auteur ». [6]
En juin 2012, le SNE et Google ont signé un accord-cadre pour la numérisation des œuvres indisponibles sous droits couvrant le même type d'œuvres que la loi du 1er mars, mais à une échelle nettement supérieure. Il met fin au conflit commencé lorsque Google a entrepris de numériser des milliers d’ouvrages français, sans même avoir consulté les auteurs et les éditeurs.
- Les variations du taux de TVA sur le livre
Passée à 7% en avril 2012, la TVA est revenue à 5,5% au 1er janvier 2013. Un projet visant à l’abaisser à 5% à partir du 1er janvier 2014 a été abandonné le 17 octobre 2013. La France est poursuivie depuis février 2013 par la Commission européenne pour le taux réduit qu'elle applique aux livres numériques. Selon les textes européens actuels, un livre numérique est un service. La France et le Luxembourg, qui ont décidé de lui appliquer un taux réduit, fausseraient la concurrence entre les librairies numériques.
Thème de Veille
Définition
Définition juridique du livre numérique.
- Contenu
- Mise en forme (interface logicielle), format
- Diffusion
- Terminal de lecture
Les acteurs
Acteurs traditionnels
- Libraires
- Editeurs
- Bibliothèque
Acteurs du livre numérique
- FAI
- Editeurs pure players
- Grandes plate-formes (Amazon & co)
- Auto-publication et crowdsourcing
- Offre illégale
Problématiques principales
- Quel modèle économique ? => prix / gratuité ; TVA
- Prêt et reproduction (aspect juridique)
- Livre Homothétique / ouvert, enrichi => applications. (Pratiques de matching qui remettent en cause la notion d’auteur)
- Techniques de lectures => impact du livre numérique sur les champs de recherche.
Références
- ↑ Fabrice Piault, « Classement Livres Hebdo 2013. L’édition mondial ». Livres Hebdo n° 959, 21 juin 2013.
Fabrice Piault, « Les 200 premiers éditeurs français. Classement 2013 », Livres Hebdo, n° 969, 11 octobre 2013. - ↑ Le paramètre de classement de Livres Hebdo est le chiffre d’affaires comptable hors taxes indiqué au bilan de l’exercice 2012. Seuls bénéficient d’un rang de classement les groupes ou entités indépendantes, ou ceux dont les maisons mères sont à l’étranger. Les filiales apparaissent mais ne bénéficient pas d’un rang de classement. Ces données prennent en compte les chiffres des éditeurs français, activités de distribution-diffusion incluses, mais aussi de l’ensemble de leurs filiales – y compris étrangères. Fabrice Piault, « Les 200 premiers éditeurs français. Classement 2013 », Livres Hebdo, n° 969, 11 octobre 2013.
- ↑ GFKBilan GfK Consumer Choices du marché du livre en 2012. 20 mars 2013.
- ↑ Hervé Bienvault.« Marché du livre numérique en France : quel chiffre réel ?» . Aldus, 2 juillet 2013, consulté le 25/11/2013.
- ↑ Source : SNE. Repères statistiques France 2013 - données 2012
- ↑ Actualitté. Genèse ReLIRE : une offre double de la DGMIC que l'on ne refuse pas, 17 juin 2013