Collection ALS/Mémoires/Tome 1/L. 2/Nécrologie
Société des sciences naturelles de Strasbourg // Société des sciences de Nancy // Académie lorraine des sciences |
Notice nécrologique sur Chrétien Géofroy Nestler
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Chrétien Géofroy Nestler est l'un des fondateurs de la Société des sciences naturelles de Strasbourg.
Sommaire
Notice nécrologique
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La Société d'histoire naturelle vient de perdre un de ses membres les plus distingués, Chrétien Géoffroy Nestler, né à Strasbourg, le 1er Mars 1778, professeur
de botanique et d'histoire naturelle médicale à la Faculté de médecine, professeur
à l’école de pharmacie et pharmacien en chef des hospices civils de la même ville.
Il était un de ces hommes dont la vie prouve combien est attrayante l'étude de la
botanique et quels plaisirs sont réservés à ceux qui se livrent à la culture de cette
science.
Dès sa tendre jeunesse il étudia, sous les yeux de son digne père, pharmacien distingué, les principes de la chimie et de la pharmacie, et fut du célèbre
Hermann l'élève le plus instruit. Employé successivement dans les hôpitaux
comme pharmacien, il suivit, en cette qualité, les armées françaises, et fit les
campagnes de Prusse et d'Autriche. Ce fut surtout à Vienne que Nestler, par ses
relations avec des savants aussi distingués que Jacquin et le comte De Sternberg, parvint à connaître les richesses végétales des montagnes du Tyrol et du beau pays
de Salzbourg. Chaque mouvement des armées devint pour lui une occasion de
s'instruire et d'augmenter ses collections. De retour dans ses foyers, il gagna l'estime
et l'amitié du respectable doyen de la Faculté de médecine, de Villars, dont il ne
prononça jamais le nom qu'avec vénération, et qui lui rappela l'accueil flatteur
que lui avait fait, pendant son séjour à Paris, le savant et laborieux botaniste
Ricuarv. L'âge et les infirmités ne permettant plus à Villars de se livrer à
l'enseignement de la botanique, il sollicita auprès du grand-maître de l'Université
l'adjoncüon de Nestler : il avait par là même désigné son successeur. En effet, à
la mort du digne vieillard, Nestler devint titulaire de la chaire de botanique et
d'histoire naturelle à la Faculté de médecine. Les élèves formés à son école diront
combien ses leçons étaient instructives et attachantes ; 1l avait le talent si rare d'intéresser les commençants à des détails quelquefois arides et pourtant indispensables,
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en y rattachant à propos tantôt quelque vue générale, tantôt une découverte importante où une expérience ingénieuse. C'est ainsi qu'aplanissant les difficultés de
la science, 1l savait la rendre encore plus attrayante. Les herborisations, qui s sont
l'écueil des demi-savants, n’en montraient que mieux sa supériorité. Il avait si bien
exploré tout le pays, il connaissait avec tant de précision le site de chaque plante
et l'époque de sa floraison, qu'on était sûr, en partant avec lui, de rencontrer toutes
celles qu'il avait promises.
Le Jardin botanique doit à Nestler d'importantes améliorations. Beaucoup de plantes nouvelles y sont aujourd'hui cultivées. Environ quatre mille espèces s’y trouvent distribuées dans l’ordre le plus parfait, celui des familles actuelles. Son enseignement était établi sur des principes larges, et l'expérience a prouvé que ceux de ses disciples que d’heureuses disposions appelaient à cultiver spécialement la botanique, trouvèrent près de lui tous les moyens de la développer.
Mais si les succès de Nestler dans l’enseignement lui ont mérité sa réputation de bon professeur, des travaux d’un autre genre lui assignent un rang distingué parmi les botanistes de notre époque. Les relations qu'il entretenait avec tous ceux qui ont en Europe de la célébrité, l'avaient placé si haut dans leur estime, que ses assertions étaient partout admises comme des vérités incontestables. Le nom de Nestler[1] a été attaché par Jacquin au genre que Jacquin avait désigné sous celui de Columellées. Ce même nom a été appliqué a plusieurs espèces, parmi lesquelles on se plait à citer l'Hieracium Nestleri, Vill. Decandolle devait à Nestler de nombreux documens sur les plantes de l'Alsace, et son ami PERSOON reçut de lui la descripuon des bruyères. Son ouvrage sur les potentilles[2] est une des meilleures monographies qui aient été publiées en France. Cette thèse inaugurale fut présentée à la Faculté de médecine de Paris, et valut à son auteur le titre de docteur. Les planches qui accompagnent ce travail sont exécutées avec soin.
Mais le premier titre de Nestler aux suffrages de ses contemporains est sans
contredit le travail qu'il avait entrepris, de concert avec son excellent ami le docteur Mougeot, sur les plantes eryptogames de l’Alsace[3][NDLR 1], On doit à cette association scientifique la publication de neuf fascicules, comprenant environ mille espèces, dont
plusieurs étaient inconnues et beaucoup mal déterminées. Cet ouvrage n’est pas un
livre; il ne contient pas de descriptions; ce ne sont pas non plus des figures représentant plus ou moins fidèlement des plantes cryptogames; mais ce sont ces plantes
elles-mêmes, admirablement conservées, ayec tous les caractères qui servent à les
déterminer, et pour texte une synonymie complète, le nom du genre et de l'espèce
imprimés au bas de chaque feuille. Cette collection est citée comme classique ; elle
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est la première de ce genre qui ait été exécutée en France, et suppose dans les
auteurs une paiuence et une dextérité qui sont presque aussi rares que leurs talens
comme observateurs. Les neuf fascicules publiés comprennent : la famille des
ÉQUISÉTACÉES , sept espèces, toutes appartenant à la vallée du Rhin; les Lycopo-
DIACÉES, sept espèces; les RHIZOSPERMES, quatre espèces, autant que fournit l'Eu-
rope entière. Les FOUGÈRES forment un groupe de trente-deux espèces, dont le
Struthiopteris germanica, WiLLp., plante rare et curieuse, a été transplanté en
Alsace par NESTLER , qui l'avait rapporté en 1810 des montagnes du pays de
Salzbourg. Les Mousses, au nombre de deux cent soixante-huit espèces, distribuées
en beaucoup de genres, parmi lesquels doivent être cités les Phascum, dix espèces,
en y comprenant le Bruchia Vogesiaca, NEStL., habitant les escarpemens du
Hoheneck; les Gymnosiomum, quatorze espèces; les Weissia, huit; les Grimmia,
onze; les D cn trente et une; les Parbula, onze; les Ohiihes seize; les
Bry um, Vingt-deux ; L- H; ‘prum , cinquante-neuf : les deux plus singulières espèces
sont le Zyg _ cnéoideie- Hook., et le Buxvbaumia viridis, een
Après les mousses viennent les HÉbartiques, dont le genre Jungermannia se compose de cinquante et une espèces. La fanulle des Zichens comprend cent quaire-vingt-dix-neuf espèces; les genres les plus nombreux sont les Gyrophora avec dix espèces, les Peliidea avec neuf, les Parmelia avec trente et une, les Cenomyce avec dix-sept, les Lecidea avec vingt-quatre, les Lecanora avec quatorze, les Opesrapha avec onze espèces. Les CHAMPIGNONS, au nombre de deux cent soixante-seize, sont répartis dans un assez grand nombre de genres, et ont fourni aux auteurs le plus d'occasions d'enrichir la science par leurs utiles découvertes. Enfin, la dernière famille, celle des ALGuES, comprend quarante-sept espèces, parmi lesquelles plusieurs nouvelles, décrites depuis par BORY DE SaiNT-VINCENT.
NESTLER promeutait aussi de publier une Æore d'Alsace ; 11 a travaillé toute sa vie à en réunir les matériaux. La mort ne li a pas läüssé le temps d'achever ce grand ouvrage; mais nous avons la certitude qu'il ne sera pas perdu pour la science : le digne collaborateur de NESTLER s’est chargé d'y mettre la dernière main.
Dans le cercle de ses attributions, notre collègue a su se rendre uule à ses conci- toyens. On lui doit l'introducuon en Alsace de plusieurs plantes uüles et agréables. Les plantations des promenades publiques de Strasbourg étaient placées sous sa sur- veillance : il a pris une part acuve à la distribuuon da musée créé par celui qui l'avait initié à l'étude de la nature. En 1811, M. Lézay de Marnésia, préfet du Bas- Rhin, l'avait chargé de faire des lecons sur la fabrication du sucre de betterave. Cetie tâche lui convenait d'autant mieux qu'en parcourant la Silésie, 1l avait étudié avec soin tous les procédés suivis dans les établissemens où ce genre d'industrie a été créé par ACHARD.
Appelé en 1815 à la direcüon de la pharmacie des hospices civils, NESTLER ne
se borna pas à remplir les devoirs de cette place en pharmacien habile. L'ordre
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le plus parfait fut établi dans toutes les parties du service; il sut constamment
allier là plus stricte économie à la plus scrupuleuse exactitude dans l'exécution des
prescripüons. Enfin, il a concouru très-uulement à la rédaction du Formulaire
pharmaceutique publié en 1850 par la Commission administrative de cet établis-
sement.
Pour suflire à tant de travaux, à l'accomplissement de devoirs si mulupliés, il fallut, comme NEsrLER, joindre à un désir insatiable d'instrucuon, cet esprit d'ordre qui, par une sage distribution du temps, en prolonge en quelque sorte la durée. Les souffrances auxquelles il était en proie pendant la longue maladie à laquelle il a succombé, ne faisaient que suspendre ses travaux : à peine étaient-elles calmées, qu'il reprenait ses occupations habituelles, et s’y livrait avec la même activité.
Depuis quelques années NESrLER se plaignit de douleurs rhumatismales, qui se portaient alternativement sur diverses parties : elles finirent par se fixer sur le bas-ventre, déterminèrent l'épaississement et l’induration d'un intesun, et plus tard l'interruption du cours des matières alimentaires. Des coliques atroces et des vomissements opiniâtres ne firent que trop prévoir l'issue funeste de cette maladie. L'épuisement des forces apporta néanmoins sur les derniers jours de sa vie quelque soulagement à ses maux. Il s’est éteint le 2 Octobre 1832, dans sa cinquante-cinquième année.
D'un caractère doux, conciliant, plein de sentiments affectueux, il gagna tous les cœurs, L'estime et l'amitié qu'il sut inspirer ne furent point éphémères, mais se raffermirent par la durée. Tant de belles qualités ne devaient point obtenir les récompenses qu'elles méritaient. Le sort a voulu qu'une mort prématurée vint enlever le savant à ses travaux, arracher l’homme de bien à une cité qui s’enorgueillissait de le compter parmi ses enfants, et réduire à la tristesse tous ceux qui l'ont aimé.
- Sit illi terra levis.
Notes originales de la notice
Notes de la rédaction
- ↑ Référence plus complète : MOUGEOT (J.-B.), NESTLER (C.), SCHIMPER (W.-P.). — Stirpes cryptogamæ Vogeso-Rhenanæ quas in Rheni mferioris superiorisque nec non Vogesorum præfecturis collegerunt..., 15 vol., Bruyères, 1810-1864.