Collection ALS/Mémoires/Tome 3/L. 1/Sganzin Madagascar/Mammifères

De Wicri Académies Grand Est

Notes sur les mammifères et sur l’ornithologie de l’ile de Madagascar
(Victor Sganzin)


Mammifères


 
 

logo travaux Chapitre en cours d'importation
Gravure du mococo dans l'article de Buffon cité dans ce chapitre

Mammifères

ALS Mémoires 1840 page 118.jpg[4]  

Les makis

LES MAKIS (Vari, malgache)

D'après les observations faites jusqu’à ce jour, les makis ne se rencontrent qu'à Madagascar et au Mozambique. Ils remplacent dans cette île les singes, avec lesquels ils ont beaucoup de rapports.

Ayant élevé plusieurs de ces animaux, et mon but en les étudiant ayant toujours été de donner des renseignements aux naturalistes, je me bornerai à rapporter quelques observations qui pourront paraître intéressantes.

Je me ferai un devoir en cette circonstance de rendre hommage à la vérité avec laquelle Buffon et Sonnini ont décrit les mœurs des makis; il me semble encore, en les lisant aujourd'hui, retrouver le caractère et l'extrême gentillesse de ces singuliers animaux.

Je vais maintenant reprendre les descriptions de Buffon ; j'y ajouterai ce que je croirai pouvoir dire d’intéressant sur les mœurs et les habitudes des espèces que j'ai eues à ma disposition.

Buffon, dans le chapitre où il traite des makis (ZOO Bojnice - Lev.jpg), comprend, sous ce terme générique, trois espèces différentes :

1.° le mocock ou mococo, nom qu'il reçoit sur les côtes orientales d'Afrique, où on le rencontre aussi;
2.° le mangous, nom de cet animal dans l'Inde : il est connu sous le nom de maki brun;
3.° la troisième espèce est celle qui a conservé chez les savans la véritable dénomination malgache, le veri

(et peut-être, sur quelques points de la côte, le varicossi): ce nom de vari se donne sans distinction à tous les makis, seulement on y ajoute la désignation de la couleur; on appelle, par exemple, vari-ous, le maki gris; vari-and, le maki noir et blanc.

Le mococo

ALS Mémoires 1840 page 118.jpg[4]

LE MOCOCO, Buffon (Vari, malgache).

« Le mococo, dit Buffon[1], est un joli animal, d’une physionomie fine, d’une figure élégante et svelte, d’un beau poil toujours propre et lustré, Il est remar- quable par la grandeur de ses yeux, par la hauteur de ses jambes de derrière, qui sont beaucoup plus longues que celles de devant, et par sa belle et grande queue, qui est toujours relevée, toujours en mouvement, et sur laquelle on compte jus- qu’à trente anneaux alternativement noirs et blancs, tous bien distincts et bien sé- parés les uns des autres. Il a les mœurs douces, et quoiqu'il ressemble en beaucoup de choses aux singes, il n’en a ni la malice ni le naturel. Dans son état de liberté,

il vit en société à Madagascar, où on le rencontre par bandes. En captivité, il n’est ALS Mémoires 1840 page 119.jpg[4] incommode que par le mouvement prodigieux qu'il se donne. C’est pour cela qu’on le tient ordinairement à la chaîne, car quoique très-vif et très-éveillé, il n’est ni méchant ni sauvage. Il s’apprivoise assez pour qu’on le laisse aller et venir sans craindre qu'il s'enfuie. Sa démarche est oblique comme celle de tous les animaux qui ont quatre mains au lieu de quatre pieds : il saute de meilleure grâce et plus légèrement qu'il ne marche; il est assez silencieux et ne fait entendre sa voix que par un cri court et aigu, qu'il laisse pour ainsi dire échapper lorsqu'on le sur- prend ou qu’on l'irrite. Il dort assis, le museau incliné et appuyé sur sa poitrine. Il n’a pas le corps plus gros qu'un chat, mais il l'a plus long et paraît plus grand, parce qu'il est plus élevé sur ses jambes. Son poil, quoique très-doux au toucher, n’est pas couche et se ent assez fréquemment droit. Le mococo a les parties de la génération petites et cachées.»

Ce charmant animal se trouve du côté du fort Dauphin, où 1l est assez commun, mais on ne le rencontre pas à Tamatave, Tintingue, Foule-pointe, Sainte-Marie, ni sur les autres points de la côte que j'ai visités. Celui que j'ai vu et qui a été à ma disposition pendant quelque temps, appartenait à un sous-officier du 16.° régiment d'infanterie légère, en garnison à Bourbon. Il l'avait acheté à un marin venant du fort Dauphin, et comme il y tenait beaucoup, il ne voulut pas me le vendre. Ce maki était d'une douceur extrême, et il semblait surtout beaucoup affectionner les enfans, avec lesquels 1l jouait avec grâce et légèreté. Il mangeait les fruits avec délice et préférait surtout la figue banane. Sa tête était d’un gris pâle nuancé de noir, son museau un peu allongé, ses oreilles courtes et noires; ses yeux, rouges, étaient en- tourés d’un cercle noir imitant une paire de lunettes bien prononcée. Son poil était assez court; tout le corps, d’un gris cendré, était orné de zébrures noires. Ses pattes portaient quelques taches noires, et sa queue, longue et élargie dans le milieu, for- mait un peu l'éventail; cette queue était ornée d’anneaux alternativement noirs et blancs; le dessous du corps avait une couleur roussätre, On m'a assuré que l’on rencontrait aussi cette espèce à Fénériff. J'ai cru devoir en donner une description un peu longue, parce que la planche de l’ouvrage de BUFFON représente un mococo qui doit être une variété de celui dont je viens de parler.

Les mococo vivent dans les forêts et s’élancent d’arbre en arbre avec une agilité surprenante.

Le Mongous

Le mongous est plus petit que le mococo ; il a, comme lui, le poil soyeux et un peu frisé ; il a aussi le nez plus gros que le mococo et assez semblable a celui du vari. Ceux que je me suis procures a Madagascar étaient d'un brun foncé, avaient l’œil jaune, le nez noir et les oreilles courtes. Il leur arrive fréquemment dans l'état de captivité de se ronger le bout de la queue.

ALS Mémoires 1840 page 120.jpg[5] Cet animal est très sale et incommode, il est difficile a apprivoiser et conserve toujours un caractere sauvage. Il mord les personnes auxquelles il est le plus ha- bitue. Les quand ils sont a l'ombre et que le temps est un peu humide , ils deviennent tristes, se blottissent dans un coin et se drapent avec leur longue queue. Le mongous grogne comme un petit cochon, et quand il est en colère il grince des dents et fait entendre un coassement Le male a les testicules tres-gros pour sa taille. On rencontre a Madagascar plusieurs variétes, qui diffèrent beaucoup sous le rapport Ceux dont je viens de parler sont de la taille dun chat de moyenne grandeur. On en rencontre de tres-petits de la taille dun tout petit chat et qui ont absolument la même conformation et la meme couleur ma fait supposer quils étaient jeunes. On en trouve aussi de beaucoup plus grands, mais qui ont absolument les memes formes et dont la robe varie peu.

Le maki gris

Ce maki est celui qui se rapproche le plus du singe par sa physionomie.

On en trouve beaucoup dans la forêt de Fsaraak , île Sainte-Marie, et l’on mange leur chair, qui est assez bonne et dont on fait des civets. Elle a cependant le goût sauvage.

Il paraît que ce maki et le vari proprement dit sont continuellement en guerre. On m'avait assuré que ces deux espèces se jetaient avec acharnement les unes sur les autres quand elles se rencontraient par bandes dans les forêts. Pour n'assurer de la véracité du fait, je présentai à un superbe vari que j'élevais et que je possédais depuis quelques mois, une peau de maki gris que j'avais empaillée. À son aspect le vari devint furieux, grinça des dents et poussa des cris qui avaient un peu de rapport avec l’aboïement d’un peut chien. Il paraissait être très-épouvanté et 1l ne se précipitait sur la peau que lorsque je la lui jetais à la tête. Après lui avoir lancé quelques coups de griffes et de dents, il allait se blottir dans un petit coin et cachait sa tête entre ses jambes de devant en se drapant avec sa queue. Je renouvelai plu- sieurs fois cette épreuve et j'obtüins les mêmes résultats.

Buffon, sous le nom de petit maki gris, décrit une espèce qui diffère de celle dont il est ici question, ainsi que nous le verrons bientôt. Notre maki a, comme tous les autres, un poil doux et laineux, mais plus touffu et comme en flocons conglomérés, ce qui fait paraître son corps large et gros. La tête est large, assez petite et courte. Il n’a pas le museau aussi allongé que le vari, le mongous et le mococo. Les yeux sont très-gros et les paupières bordées de noirâtre. Le front est large; les oreilles, courtes, sont cachées dans le poil. Il a les jambes de devant courtes en comparaison de celles de derrière, ce qui rend, lorsqu'il marche, le train de ALS Mémoires 1840 page 121.jpg[6] derrière très-élevé, comme dans le mococo. La queue est longue de dix pouces dix lignes, couverte d’un poil touffu et de mème grosseur dans toute sa longueur. Il a sur le nez une tache noire. Ses pieds sont couverts de poil fauve teinté de cendré. Les doigts et les ongles sont noirs. Le pouce des pieds de derrière est grand et assez gros, avec un ongle large, mince et plat; le premier doigt tient au second par une membrane noirûtre.

En général la couleur du poil de l'animal est brune et d’un fauve cendré plus ou moins foncé en différens endroits, parce que les poils sont bruns dans leur lon- gueur et fauves à la pointe. Le dessous du cou, la gorge, la poitrine, le ventre, la face interne des quatre jambes, sont d’un blanc sale teinté de fauve. Le brun domine sur la tête, le cou, le dos, le dessus des bras et des jambes; le fauve cendré se montre sur les côtés du corps, les cuisses et une partie des jambes; un fauve plus foncé se voit autour des oreilles, ainsi que sur la face externe des bras et des jambes jusqu’au talon. Toute la partie du dos voisine de la queue est blanche, teintée d’une couleur fauve, qui devient orangée sur toute la longueur de la queue.

Le petit maki gris

Je trouve décrit dans Buffon, sous le nom de petit maki gris (ZOO Bojnice - Lev.jpg), un quadrupède qui diffère beaucoup de celui dont nous venons de parler, et comme il a beaucoup de rapports avec le mococo pour la forme et surtout pour la physionomie, j'aurais été tenté de le mettre à la suite de cette espèce, si je ne n'étais pas astreint à conserver l’ordre suivi par le savant auteur que j'ai consulté.

À la suite de la description de Buffon, je mettrai celle de ce maki que j'ai élevé moi-même et qui me semble différer un peu de celui qui a été dépeint.

« Ce joli petit animal, dit Buffon, a été apporté de Madagascar par SONNERAT. Il a tout le corps, excepté la face, les pieds et les mains, couvert d’un poil grisâtre laineux, mat et doux au toucher. Sa queue est très-longue, garnie d’un poil doux et laineux comme celui de tout le corps. Il tient beaucoup du mococo, tant pour la forme extérieure que pour ses habitudes et la légèreté de ses mouvements. Cependant ce dernier semble être plus haut des jambes; dans tous les deux, les jambes de devant sont plus courtes que celles de derrière. Ce petit maki est de couleur grisätre et parait jaspé de fauve päle, parce que le poil, qui a un duvet gris-de-souris à la racine, est fauve pâle à l'extrémité. Il a sur le corps six lignes de longueur et quatre sous le ventre. Le dessous du corps, à prendre depuis la mâchoire inférieure, est blanc, mais ce blanc commence à se méler de jaunâtre et de grisâtre sous le ventre, au dedans des cuisses et des jambes. »

ALS Mémoires 1840 page 122.jpg[7]

« La longueur totale est de un pied deux pouces. La tête est fort large au front et fort pointue au museau, ce qui donne beaucoup de finesse à la physionomie de cet animal. Le chanfrein est droit et ne se courbe qu’au bout du nez. Les yeux sont ronds et saillants; les oreilles ont neuf lignes de hauteur et sept de largeur.

Elles sont larges en bas et arrondies au bout. »

«Le tour des yeux, des oreilles et les côtés des joues sont d’un cendré clair, ainsi que le dedans des cuisses et des jambes. »
«Le premier doigt interne, qui est plus court, a un ongle mince et crochu, les autres ont l’ongle plat et allongé. Les quatre doïgts sont de longueur inégale,»
«La queue a quinze pouces de longueur; elle est également grosse et couverte d'un poil laineux et de la même couleur que le corps. Les plus grands poils de l'extrémité de la queue, où le fauve domine, ont sept lignes de longueur.»

Voici maintenant les caractères de la variété que j'ai élevée à Madagascar.

Ce maki avait le museau très-allongé, la tête noire en dessus, les yeux rouges. Son corps était d’un gris foncé, nuancé d’un roux clair en dessus et beaucoup plus foncé en dessous. Sa queue était longue, velue; l'animal l’enroulait presque continuellement autour de son corps, et surtout lorsque le soleil se cachait. Les oreilles de ce maki étaient tellement courtes, que je crus au premier coup d’œil qu'elles avaient été coupées. Le poil était court sur tout le corps. Cet animal, d’une humeur très-farouche, grognait conuünuellement comme un petit cochon. Lors- qu'on lui donnait des AE il les saisissait fort adroitement et les mangeait en les portant à sa bouche avec les pates de devant, comme les écureuils. Tous les makis ont cette habitude.

Voulant savoir si le maki était ennemi du vari, je les enfermai dans une même cage, et je vis bientôt qu'ils ne pouvaient pas vivre ensemble et qu’ils avaient tous les deux peur l’un de l'autre. Le maki gris semblait cependant avoir l'avantage sur le vari, attendu qu'il avait beaucoup de de légèreté et de souplesse.

En interrogeant les naturels du pays sur les mœurs de ces quadrupèdes, j'appris que dans Léa de liberté ils ne se contentaient pas, pour se nourrir, de manger les fruits nombreux que l’on rencontre dans les forêts de Madagascar; on m’assura qu'ils faisaient aussi la guerre aux oiseaux, et j'avais d'autant plus lieu de me défier de cette assertion, que mon vari vivait en parfaite intelligence avec un perroquet noir, qui se tenait presque toujours perché sur son dos ou sur sa tête. De plus, javais plusieurs fois offert des oiseaux morts à mon vari et il n’avait jamais cherché à y toucher. Voulant cependant me convaincre du fait d’une manière positive, je fis un jour entrer dans une grande volière, composée de très-jolis oiseaux du pays dont j'étudiais les mœurs, mon vari et mon maki gris.

Tant que je restai présent, ils m'observèrent et ne bougèrent pas; les oiseaux seuls, qui semblaient présager leur malheureux sort, se précipitaient dans tous les sens eL venaient se heurter contre les barreaux de la cage. Je m “éloignai un instant, et à peine avais-je disparu, que j'entendis les cris planufs des oiseaux et le tapage épouvantable que faisaient les makis. J'accourus de suite; mais ma présence ne les

arréta plus et ils conunuèrent l’affreux massacre qu'ils avaient commencé. ALS Mémoires 1840 page 123.jpg[8] Avec leurs pattes ils saisissaient au vol tous les oiseaux, et, les portant entre leurs dents, ils les décapitaient et suçaient leur sang. La porte de la cage était trop petite pour qu'il me füt possible d’entrer et d’arrèter le massacre. Je fus obligé de rester triste spectateur d’un événement qui me privait de tous mes jeunes élèves.

Il ne restait plus debout qu'un gros corbeau, qui avait reçu un coup de fusil dans l'aile et qui commençait à reprendre des forces. Bloui dans l’encognure de la grande cage, il attendait de pied ferme les assaïllans, et lorsque le vari, qui agissait avec adresse et précaution, voulut lui saisir la tête, celui-ci lui lança un coup de son énorme bec qui lui creva l'œil et le fit mourir quelques jours après. Mon maki gris mourut le lendemain d'une indigestion. Ce fut ainsi que je perdis dans un instant toute ma petite ménagerie, qui avait nécessité des soins assidus pendant plusieurs mois.


Notes de Victor Sganzin

  1. Édit. de Soxxim. Paris, an VIII, Tom. 33, p. 36 et suivantes.

Suite en mode image

Le petit maki gris

ALS Mémoires 1840 page 122.jpg

Le vari

ALS Mémoires 1840 page 123.jpg
ALS Mémoires 1840 page 124.jpg

La grande roussette

ALS Mémoires 1840 page 125.jpg

La musaraigne

ALS Mémoires 1840 page 126.jpg

Voir aussi

Notes de la rédaction


Dans le réseau Wicri :

Ceci est la page de référence de « Collection ALS/Mémoires/Tome 3/L. 1/Sganzin Madagascar/Mammifères »

Cet article est reproduit sur Wicri/Animaux