Collection ALS/Série 7/Tome 7/N. 2/Venet

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Paysages et forêts du Pérou

Amazonie 1965


 
 

Titre
Paysages et forêts du Pérou
Auteur
Jean-Marc Venet
In
Bulletin de l'Académie lorraine des sciences (Conférence donnée en 1966).
Dates
  • création : 1968
  • mise en lecture 10 décembre 2024
En ligne
https://als.univ-lorraine.fr/wp-content/uploads/bulletin/ALS_1968_7-2_113.pdf
Carte du Pérou (joutée par la rédaction WICRI)

Paysages et forêts du Pérou

ALS 1968 7-2 113.pdf Le Pérou s'étend de l'équateur au 18e degré de latitude sud, sur 2.800 km et de l'Océan Pacifique à la frontière brésilienne, en Amazonie, sur 1.800 km.

Sa surface est de 1.285.000 km2 (soit près de deux fois et demie celle de la France), mais sa population n'est que de 11 millions d'habitants.

Le Pérou comprend trois grandes régions géographiques :

  • - la côte,
  • - la montagne,
  • - la forêt.

La Côte forme une bande étroite, de largeur irrégulière (40 à 200 km), entre l'Océan Pacifique et les premiers contreforts des Andes.

La Montagne (ou Sierra) comprend les chaînes successives des Andes, plus ou moins parallèles au littoral, et culminant, au Pérou, à 6.768 m, au Huascaran.

La Forêt (ou Selva) commence au pied du versant oriental des Andes et se poursuit, sans discontinuité, sur toute la surface du bassin de l'Amazone et de ses affluents, jusqu'à l'Océan Atlantique, sur plus de 3.000 km. La forêt amazonienne couvre près de 9 millions de km2. Elle s'étend sur une partie des territoires du Venezuela, de la Colombie, de l’Équateur, du Pérou, du Brésil et de la Bolivie.

Chacune de ces trois grandes régions possède des caractéristiques et une physionomie bien déterminées.


Régions Surface Population Valeur
des exportations
de produits agricoles
Surfaces cultivées Valeur
des exportations
des produits
agricoles :

Soles ( i ) par ha

km2 % N % N/km2 Millions de soles % Million d'habitants %
Côte 180,000 14 4,900,000 44 27 4,162 79 4,579 25 909
Montagne 335,000 26 5,500,000 50 16 960 5 12 452 67 21
Forêt 770,000 60 600,000 6 0.8 822 16 1,574 8 66
1,285,000 100 11,000,000 100 5,944 100 18,605 100

Il convient donc de les présenter successivement. La plus large part de cet exposé sera évidemment consacrée à la forêt où s'est déroulé le Cours international de formation d'instructeurs pour travailleurs forestiers en septembre-octobre 1965. cours dont la direction nous avait été confiée.

Le tableau ci-dessus indique les surfaces et populations des trois régions naturelles et, pour donner une idée de leur importance économique, la valeur des exportations de produits agricoles.

Les surfaces cultivées représentent, en gros, 25 % de la surface totale dans les régions côtières, 37 % dans la montagne et seulement 2 % dans la forêt.

La Côte est donc une région relativement peuplée (44 % du total) à surface cultivée faible (25 % du total) mais à productivité agricole élevée.

La Montagne est une région très peuplée (50 % du total ) mais à population plus dispersée que celle de la Côte, à surface cultivée élevée (67 % du total) mais à productivité agricole très faible.

La Forêt est une région immense (60 % du total), très peu peu- plée (6 % du total), à surface cultivée très faible (8 % du total) mais à productivité agricole supérieure à celle de la montagne.

La côte

Grandes lignes

On a schématisé la région côtière en disant qu'il s'agissait de 3.000 km de désert, entrecoupé par 58 oasis, ces oasis étant les embouchures des petits fleuves côtiers issus du versant occidental des Andes.

Toutefois, entre Tumbez, à l'extrême nord, sur le golfe de Guayaquil, à la frontière équatorienne et Tacna, à l'extrême sud, à la frontière chilienne, il existe de notables différences climatiques et, de ce fait, l'économie de ces régions est sensiblement différente.

Mais, bien sûr, ce qui frappe, quand on parcourt la région côtière par la magnifique route panaméricaine qui suit le littoral, c'est la profonde différence entre les régions cultivées des embouchures des fleuves et les zones désertiques qui les séparent. Grâce à l'irrigation par l'eau captée en haute montagne, les zones cultivées sont toujours verdoyantes, une grande activité agricole y règne et la population s'y rassemble.

Climat

Un des traits importants de la région côtière est le climat, il se caractérise par une saison dite « époque sans soleil » qui dure huit mois, d'avril à novembre, et pendant laquelle s'étend en permanence un plafond de nuages, plus ou moins bas, et par une saison dite « époque avec soleil », le reste de l'année, où le ciel est clair et dégagé.

Pendant l'époque sans soleil, l'état hygrométrique est voisin de la saturation, l'évaporation est à peu près nulle, presque quotidiennement se produit une condensation importante « la gatua », qui rend glissants trottoirs et chaussées et rafraîchit les pelouses. Mais les précipitations enregistrables sont à peu près nulles. Pendant cette période, les températures sont fraîches, frôlant des minima de + 10° C.

Les causes de ce climat peu agréable sont controversées. On évoque la présence du courant de Humboldt, courant côtier froid venant du sud et ne s'écartant du rivage qu'aux environs de l'équateur ; on évoque également le sens des vents dominants, orientés sud-est nord-ouest, c'est-à-dire longeant la côte au lieu de porter vers la montagne l'air humide de l'océan ; on évoque aussi la nature des sols, essentiellement sableux, défavorables au déclenchement de précipitations.

Le résultat, étonnant, est que le versant pacifique des Andes est peu arrosé alors que le versant amazonien reçoit des précipitations énormes.

Végétation

La végétation de la région côtière est évidemment extrêmement variable, suivant la latitude, la distance du rivage, la nature des sols et la topographie et, surtout, suivant l'action humaine. L'homme, par l'irrigation, et par l'introduction d'espèces cultivées, ayant modifié considérablement (mais localement) le paysage.

En plus des zones cultivées existent, dans la bande côtière, des stations très diverses : plages, dunes littorales, formations d'estuaires à rhizophoracées, collines sableuses et pierreuses dénudées, etc.

Dans les zones irriguées on cultive à peu près tout : canne à sucre, pastèques, maïs, pommes de terre, manioc, haricots, vergers d'arbres fruitiers (palmiers cocos nucifera et phcenix dactylifera, figuiers, avocatiers, manguiers, agrumes, pruniers, etc.). A la limite des terres irriguées et des collines sableuses, s'étendent des cultures de coton. Des champs de choux viennent border le littoral du Pacifique

Rares sont les arbres dans la zone côtière, sauf les arbres de ver- gers et ceux des avenues et places publiques. Çà et là ont été réalisées des plantations d'alignement et des brise-vent de casuarina (fîlao) et d'eucalyptus (en particulier eucalyptus globulus). Certains peuple- ments d'eucalyptus existent, sous lesquels la garua s'évapore plus len- tement et qui maintiennent un peu la fraîcheur. L'arbre forestier pour- rait donc jouer un rôle plus important sur la côte. Signalons la présence de quelques arbustes qui se rencontrent çà et là, assez rares parce que détruits par l'homme : sur les dunes litto- rales, le palo verde (piptadenia flava), arbuste à feuilles et rameaux filiformes, maigre dispensateur d'ombre mais bon fixateur de sol et, sur les terrains salés, Yalgarrobo (prosopis sp.), dont les fruits sont comestibles, les feuilles servent de fourrage et le bois est transformé en charbon pour la cuisson des « anticuchos », ce qui explique sa rareté.

Population

La région côtière fut le berceau de remarquables civilisations, anté- rieures à la période Inca et sur lesquelles on a beaucoup écrit. Les musées de Lima et des villes côtières contiennent de remarquables souvenirs : poteries, tissus et bijoux, témoignent du sens artistique très élevé des peuples pré-incas.

La « huaca-party », chasse aux trésors enfouis dans les tombes de la région côtière, est malheureusement un véritable pillage. La plupart des « Huaqueros » ne cherchent pas à établir avec précision la date et l'origine des pièces découvertes et détruisent au cours de leurs fouilles une multitude de vestiges du plus grand intérêt. La population de la Côte est en accroissement constant. Bientôt sans doute dépassera-t-elle celle de la Montagne. Mais, le centre de Lima Callao à lui seul représente 1.300.000 habitants (sur 4.900.000). Le problème du logement, du plein emploi, de la certitude de salaires convenables, pour cette population où le pourcentage des jeunes est élevé, se pose de façon aiguë. Le gouvernement actuel s'en préoccupe vivement et a entrepris de le résoudre.

LA MONTAGNE

Grandes lignes

On sait que les Andes se composent d'un faisceau de chaînes sinueuses (cordillères) qui, tantôt se rapprochent l'une de l'autre, enserrant des vallées encaissées, tantôt s'écartent, encadrant des plateaux d'altitude élevée (altiplanos ). Ces plis sont plus ou moins paralèles à la côte. Les chaînes les plus proches du Pacifique sont relative- ment sèches. Le pli central porte les sommets les plus élevés (tel le Huascaran, point culminant de la Cordillère blanche). La Cordillère orientale, très arrosée, domine la Selva.

Entre les plis des Andes s'alignent les cours supérieurs des constituants et affluents de l'Amazone (Marafion, Huallaga, Apurimac, etc.) qui cheminent sud-est nord-ouest avant de s'échapper vers l'est, vers l'Amazonie, par un coude brutal.

On conçoit que la Montagne comporte des stations extrêmement différentes, en fonction de la distance par rapport à la côte, de l'altitude, de l'exposition, de la configuration du terrain, de la nature du sol, etc.

Un point à 2.500 m, par exemple, peut être dans un fond de vallée, sur un versant ou sur l'arête d'un chaînon de faible altitude. L'ambiance d'un col, à 4.800 m, n'est pas la même que celle d'un ver- sant ouest à même altitude, etc. Les descriptions qui suivent, de chacune des grandes régions de la Montagne, sont donc très schématiques.

La Yunga

La Yunga est surtout représentée sur le versant occidental ; du côté amazonien, elle s'intègre dans la forêt et se confond avec elle. Dans la zone centrale, les vallées et altiplanos sont à une altitude plus élevée que celle (500 à 2.500 m) qui correspond à la Yunga.

Dès qu'on quitte la zone côtière, on entre dans la Yunga maritime, on atteint et franchit « la zone où dorment les nuages », dont l'altitude varie fréquemment au cours de la saison et on débouche dans une zone de ciel clair et de soleil qui contraste de façon saisissante avec le temps couvert et frais de la côte.

La Yunga maritime est chaude, l'atmosphère est humide, des brouillards, des nuages légers la parcourent, montant vers les crêtes mais cependant il n'y pleut presque jamais et le sol est sec.

Au sortir de Lima, c'est tout d'abord une vaste étendue de collines poussiéreuses au pied desquelles végètent de tristes champs de coton.

Puis, une fois franchie la zone des nuages, ce sont des collines et basses montagnes caillouteuses où se disséminent des agaves robustes, des cactus colonnaires et des buissons de Schinus molle. Cet arbre était apprécié autrefois car il servait à préparer un alcool assez agres- sif : la chicha de molle.

Les vallées seules sont vivantes. Les Liméens y font construire des villas pour y venir le dimanche oublier la garua. Les plantations d'ar- bres fruitiers (spécialement d'agrumes) y abondent ainsi que les cultu- res (en particulier de canne à sucre).

Le Service forestier y entretient de très belles pépinières produisant des arbres d'ornement pour les villes de la côte (Cedrela, Swietenia, Araucaria, Ficus, Palmiers, etc.) et surtout des plants de filaos et d'eucalyptus pour la mise en valeur des délaissés et des bas de pentes. Ces deux essences transforment totalement les vallées arides de la partie supérieure de la Yunga et les vallons latéraux qu'elles parent et rendent productives.

La population permanente de la Yunga maritime est, malheureusement, assez clairsemée. Les causes en sont diverses : présence de certaines maladies endémiques, mauvaise répartition de la propriété, prix de revient trop élevé des produits agricoles, à cause des dépenses d'irrigation, fuite des jeunes vers la côte où se concentrent et s'en- chaînent les industries de transformation, etc.

La Quechua

Ce terme qui, à l'origine, servait seulement à désigner la zone altitudinale de 2.500 à 3.500 m, à climat tempéré, sert aussi à désigner les langues qui s'y parlent, Mais il ne constitue en aucune façon le nom d'une race.

La Quecha du versant occidental des Andes jouit d'un climat encore relativement doux et sec, mais déjà les nuits sont fraîches. Les nuages la parcourent et l'ombragent mais montent en général vers les crêtes où se produisent des averses orageuses, au point de rencontre avec les vents d'est chargés de l'humidité de la Selva. Dans la Que- chua occidentale, il pleut seulement de décembre à mars, c'est-à-dire en été, et ce sont des pluies fines qui n'engendrent pas de phénomènes d'érosion.

En général, dans la Quecha, l'air est transparent, sec et pur. C'est un climat très favorable à l'activité humaine, moins émollient que celui de la Yunga et beaucoup moins rude que celui des Pufîas. Les vallées principales sont cultivées. Le maïs y remplace la canne à sucre. C'est un élément important de l'alimentation, comportant de nombreuses variétés qui diffèrent par la taille et la couleur des grains par l'aspect de la cuticule, par la nature des réserves qu'ils contiennent, etc. Il y a des maïs pour volailles, des maïs pour bouillies, des maïs à griller, des maïs pour la fabrication de « pop corn », des maïs à chicha, etc. Les recettes de préparation des galettes à base de maïs sont innombrables.

Entre les champs de maïs s'étalent des cultures d'énormes cucurbitacées dont la taille, la forme, la couleur surprennent. C'est aussi un élément alimentaire important, à la base de potages que rehausse heureusement une préparation à la créole, puissamment pimentée. Les champs de céréales autres que le maïs y sont rares (trop rares !). Mais les vergers y sont encore nombreux, en particulier pru- niers, pêchers et poiriers. L'eucalyptus joue un rôle d'importance croissante dans la Quechua, en particulier dans les vallées intérieures, entre les plis successifs des Andes. La vallée de TApurimac, en particulier, contient de magnifiques boisements d'eucalyptus. Cette essence est appelée à jouer un rôle important dans l'approvisionnement d'industries (à créer) de pâtes à papier mécano-chimiques et de panneaux de particules. La variété des stations permettra certainement aussi la culture d'eucalyptus pour la production de bois d'œuvre (sciages et placages).

Les Puñas

Au-dessus de la région Quechua, s'étagent la Suni, de 3.500 à 4.100 m, et les Puñas, de 4.100 à 4.800 m. La Suni est une zone où les vallées s'encaissent, où les pentes se redressent, où les arêtes qui séparent les ravins secondaires deviennent rocheuses et découpées. Elle forme transition avec les Puñas, régions froides, inhospitalières quant au climat, et dont la physionomie diffère profondément de celle de la Quechua.

Le climat est marqué par des températures qui descendent fréquemment au-dessous de zéro et par une extrême instabilité. Souvent, les matinées sont dégagées, ensoleillées mais fraîches. Puis le ciel se couvre, des nuages noirs s'amoncèlent, le temps devient lourd, des orages violents et très spectaculaires éclatent, véritables féeries d'éclairs, il pleut à torrents. Après cela, le ciel se dégage, le soleil luit, mais vers le soir la température devient nettement froide et il neige.

C'est un climat détestable, ajoutant son effet déprimant à celui de montagnes sans arbres, de ravins déserts, de cols où le vent souffle en permanence et où règne le « soroche », le mal de l'altitude. Les hommes s'agglomèrent autour des mines dans un paysage industriel encore plus noir que le reste où la seule note gaie est donnée par les toitures des maisons, en tôles ondulées peintes de couleurs vives.

Les Punas sont non seulement le pays des mines, Tune des grandes richesses du Pérou, mais aussi celui des Hamas et le pays d'origine de la pomme de terre. Il convient donc d'en parler davantage.

Il faut préciser tout d'abord que la région des Punas est très variée quant au modelé du relief. Elle s'étend sur le bassin de récep- tion des torrents andins, sur les pentes qui conduisent aux solitudes des « Jancas », sur les altiplanos qu'encadrent les hautes chaînes, sur les cols haut perchés permettant de franchir les arêtes qui séparent les vallées sud-est nord-ouest des affluents et composants de l'Ama- zone.

C'est un pays sans arbre. Les derniers buissons de saules et d'aunes ne s'élèvent guère au-dessus de la Suni. L'herbe seule y règne, parfois favorable au pâturage (festuca et calamagrotis sp.), parfois dure et rébarbative et à base de nardus. Çà et là, sur des pierriers, s'épar- pillent des cactacées du genre opuntia et, sur de légères ondulations de terrain, s'étalent des tapis d'éncacées dont la couleur contraste un peu avec celle de l'herbe, attirant l'œil dans ce paysage désolé. Dans les fonds existent des tourbières, plus vertes que le reste. Mais l'élé- ment le plus décoratif est offert par les lacs, bordés de roseaux avec lesquels se construisent les toitures des cases des gardiens de trou- peaux.

Ce pays est le pays du « soroche » (dans certaines langues andines le mot « puiîa » est synonyme de « soroche »), ce mal de l'altitude qui frappe certains voyageurs sous forme de migraines violentes en coup de barre, de nausées, de troubles de la vue, de psychoses bizarres, et qui parfois occasionne des troubles cardiaques pouvant aller jus- qu'à la mort. Le soroche frappe parfois à altitudes assez faibles, au- dessous de*3.000 m. Il est impossible de savoir à l'avance si on en sera affecté ou non. Mieux vaut se munir de l'arsenal de médicaments réglementaires.

Bien que dans ce pays les efforts violents soient déconseillés, on voit quand même, dans les bourgades minières, à plus de 4.000 m d'altitude, se dérouler des matches de football animés.

Les punas sont, comme le disent les livres, le pays des « auchénidées », c'est-à-dire des animaux de la famille des Hamas : llama, alpaca, vigogne et guanuco. Llamas et alpacas sont des animaux domestiques, producteurs de laine et de viande. Vigognes et guanucos sont des animaux non domestiqués qu'il a fallu protéger de la des- truction par les chasseurs. Les plus grands (1 m 16 au niveau du dos) sont les Hamas et guanucos. Vigognes et alpacas ne sont guère plus hautes que des moutons (70 à 90 cm). Llamas et alpacas produisent une laine en général assez foncée (mais il y a des llamas et alpacas de couleur claire et des hybrides pie), dont les brins atteignent parfois 30 cm de long, la laine d'alpaca étant plus fine que celle de llama. Chaque tonte produit 3 à 4 kg de laine. Vigognes et guanucos sont de couleur claire. La laine de vigogne est excessivement fine. Les magasins de Lima regorgent de tapis, fourrures, bonnets, etc., en laine d'auchénidés. C'est une précieuse ressource. On sait que les llamas sont aussi des animaux de trait (après cas-tration), mais d'une démarche plutôt lente et pourvus d'une réputa- tion (quelque peu usurpée) d'irascibilité (dont ils ne témoignent en général que lorsque les conducteurs veulent leur faire porter plus de 45 kg).

Les llamas de trait circulent en troupeaux, le long des routes andines, poussés au trot par de petits chevaux que montent, jambes pendantes, des Indiens portant de très beaux ponchos bariolés et des chapeaux de feutre aux bords abaissés, sans forme ni couleur. C'est un assez beau spectacle.

La viande de llama est comestible. Fraîche, elle possède l'attrait de la rareté. Séchée au rare soleil des punas, elle prend des teintes variant du jaune et du vert au rouge foncé et au noir. A décourager toute enquête culinaire !

Les Punas sont aussi le berceau de la pomme de terre. Il existe d'ailleurs au Pérou de nombreuses espèces de pommes de terre silves- tres (et en général un grand nombre de solanacées sauvages). Le nom- bre des espèces cultivées est considérable. Un spécialiste, du Cuzco, en a rassemblé trois cents. On rencontre la pomme de terre depuis le littoral du Pacifique jusqu'à 4.700 m dans les Andes, où l'on peut en voir sur quelques terrasses ensoleillées.

La pomme de terre a ses légendes (fort jolies) et sa préparation (et sa conservation) en vue de la consommation sont tout à fait étran- ges. La difficulté est que certaines variétés sont riches en solanine (même les tubercules) ce qui oblige à les traiter par l'eau (courante ou stagnante), après les avoir laissées geler à l'air. Les bouillies et galettes qu'on en tire ont parfois un goût plutôt curieux.

La pomme de terre est un élément extrêmement important pour les populations de la montagne. Les stations agronomiques se penchent sur sa sélection. Mais le problème de la conservation des tubercules et des recettes de cuisine mériterait aussi d'être étudié. L'introduction d'autres cultures : certaines céréales et certaines crucifères et chéno- podiacées, présenterait également un grand intérêt pour les pauvres populations de la Puna.

C'est profondément triste de voir ces héritiers d'un passé prodi- gieux, repliés sur eux-mêmes, se protégeant contre le froid dans les plis de leur poncho, le regard lointain et comme absent sous le bord rabattu du chapeau, le visage sans joie, définitivement résignés, sem- ble-t-il, à leur triste condition.

Il faut insister sur le rôle important joué dans l'amélioration de l'agriculture, de l'élevage et des conditions de vie dans la montagne, sous l'impulsion du chef de l'Etat actuel, F. Belaunde Terry. L'armée péruvienne, avec un véritable esprit missionnaire que nous avons pro- fondément admiré, s'est attaquée à cette tâche considérable et passion- nante mais hérissée de beaucoup de difficultés.

Les Jancas

Il y a peu de chose à dire sur ces solitudes de rochers, de névés et de glaciers, paradis des « andinistes », désert qu'anime parfois le passage des avions de la Faucett et de la Satko qui relient la côte à l'Amazonie. Seuls y habitent les condors au vol prestigieux, sans aucun battement d'ailes, tombant comme des pierres sur les chinchillas et autres rongeurs. Cette zone où soufflent presque sans cesse des vents violents constitue bien une limite, une véritable barrière, entre la région occidentale du pays et la région orientale, c'est-à-dire la forêt.

Aussitôt survolée la Cordillère centrale l'on franchit une série de chaînes parallèles, d'altitude décroissante, puis la Cordillère orientale et, d'un seul coup, on aborde l'immensité de la selva, spectacle presti- gieux qui vous saisit brutalement, coup de baguette magique qui fait passer subitement des punas glacées et rébarbatives à la chaleur et à l'exubérance des tropiques.

LA FORÊT OU SELVA

Grandes lignes

Sur la carte, c'est une immense tache verte, une couverture forestière, de 10 millions de km2 (près de vingt fois la surface de la France), qui va des confins guyanais à la frontière du Paraguay et de la bar- rière des Andes, à l'embouchure de l'Amazone, sur l'Atlantique.

C'est aussi un lacis de cours d'eau, la conjonction de fleuves immenses, apportant leurs eaux au plus grand fleuve du monde, l'Amazone, dont le cours a plus de 7.000 km de longueur. D'Iquitos (Pérou), où l'Amazone a déjà plus d'un kilomètre de largeur, à Bélem de Para, sur la côte atlantique, il y a la même distance que de Paris à l'Oural.

L'Amazonie s'étend du 5e degré de latitude nord au 20e degré de latitude sud et du méridien 80 au méridien 50. On conçoit donc qu'il puisse exister quelques différences entre les confins Orénoque-Ama- zone au nord et la région du Mato-Grosso au sud, ainsi qu'entre les versants des Andes et la région des bouches de l'Amazone.

Dans la région où nous avons eu l'occasion de séjourner, la Selva commence à 2.500 m d'altitude (et plus), c'est-à-dire dans la zone « Yunga », et tombe sur l'immense Llano amazonien où l'altitude est à peine supérieure à 100 m (alors que la mer est encore, en ligne droite, à près de 3.000 km).

On est donc amené à distinguer, dans la partie péruvienne de la Selva, deux grandes régions :

  • — la forêt haute (selva alta), entre 2.500 et 500 m,
  • — la forêt basse (selva baja), entre 500 et 100 m,

la forêt basse constituant, de beaucoup, la région la plus étendue.

LA SELVA ALTA

Cette région constitue, au Pérou, une bande relativement étroite qui va de la frontière équatorienne, où le Maranon pénètre dans la Selva, jusqu'au débouché de l'Apurimac, en aval du Cuzco.

C'est une région accidentée, entrecoupée de vallées encaissées que séparent des chaînes aux parois parfois abruptes mais dont les som- mets sont entièrement couverts de forêts. L'aspect du pays est un peu semblable à celui des Pyrénées centrales.

Le climat est marqué par une pluviosité énorme (dépassant parfois 5 mètres) et à peu près continue. Rares sont les jours sans pluie. Les matinées sont parfois belles, souvent très chaudes, mais les pluies vespérales et nocturnes sont fréquentes et abondantes. Fréquemment aussi les nuages couvrent tous les sommets et bouchent les vallées pendant plusieurs jours, empêchant d'atterrir l'avion quotidien, par- fois le seul lien avec le reste du monde. Les nuits sont fraîches, le ventilateur n'est pas nécessaire.

Ce climat est très favorable à la forêt qui est exubérante, enva- hissante et serait exclusive si l'homme ne lui disputait pas la place nécessaire pour établir quelques cultures ou faire de l'élevage. Les géographes distinguent, dans la Selva alta, deux zones sensi- blement différentes :

  • — une zone sub-tropicale, encore fraîche, et d'altitude assez élevée au contact immédiat de la « Quechua »,
  • — une zone tropicale, nettement chaude et d'altitude faible, au contact avec la Selva baja.

En outre, du nord au sud, on distingue, dans la zone sub-tropicale :

  • — une forêt sèche, au nord (région de Jaen-Chachapoyas ),
  • — une forêt humide et une forêt très humide, au sud (cette dernière dans la région de Tingo-Maria où s'est déroulée une partie du cours ).

Des variations dans la composition de la forêt se manifestent également à l'intérieur des zones ci-dessus, en fonction de différences de sol (qui sont, tantôt les produits de décomposition de roches acides, assez pauvres, tantôt les produits de décomposition de roches basiques, très riches et à vocation agricole). Enfin, l'action de l'homme, défri- chant, cultivant, épuisant les terres et les abandonnant au retour de la forêt, introduit aussi d'autres causes de variations.

Les problèmes forestiers à résoudre sont les mêmes que ceux qui existent dans la forêt basse, aussi ne les traiterons-nous pas dans ce paragraphe. Nous nous contenterons de donner seulement quelques indications sur l'agriculture et l'économie générale de la région.

Les vallées de la Selva alta sont relativement peuplées, semées de villages et de cases dispersées. Il y règne une grande activité agricole : thé sur les pentes supérieures, jusqu'à 1.500 m d'altitude, café, cacao, maïs, bananes; etc. dans les vallées. L'élevage y est encore très rare (beaucoup trop ! ) Quelques fermes ont été installées sur les premières pentes (spécialement grâce à l'implantation d'européens, en particulier de Suisses), où l'on élève des croisements de vaches indiennes ou pakistanaises et de taureaux Braun Schwytz ou Holstein. Incontesta- blement, cet élevage sera rentable et procurera à la population du lait et de la viande pour s'alimenter convenablement. Mais la situation actuelle est lamentable. L'alimentation, insuffisante et mal équilibrée, provoque la pullulation des maladies de carence et amène une sensi- bilité extrême aux parasitoses.

La culture de la coca, dont les gens mâchonnent à longueur de journée les feuilles fermentées, achève de dégrader cette race où cependant les enfants sont beaux, vigoureux et pleins de promesses. Mais, dès quatorze ans, ils adoptent les vices de leurs aînés et sem- blent se résigner à ce sort lamentable que couronne une « espérance de vie » de vingt-neuf ans ! Qui fera arracher les plants de coca et remplacer autoritairement cette culture dégradante par l'élevage et la production de lait ?

La Selva alta est desservie par quelques routes. Certaines la relient à la côte, en particulier la « transandine », qui va de Pucallpa, sur les bords de l'Ucayali à Tingo-Maria, Huancayo et Cerro de Pasco, pour rejoindre la belle route de la Oroya à Lima.

Mais cette route, pour le moment, est plutôt un remarquable banc d'essai pour les véhicules et surtout pour les chauffeurs. Il faut cepen- dant dire qu'elle est empruntée par de très nombreux camions et par des autocars dont les chauffeurs sont réellement sensationnels. Le gouvernement a entrepris une tâche gigantesque : la construction de la roure marginale de la selva, qui suivra le versant amazonien de la Cordillère Orientale, de l'Equateur à la Bolivie et, rompant l'isolement de la Selva alta, cause principale de sa stagnation, donnera au pays l'essor indispensable.

LA SELVA BAJA OU LLANO AMAZONICO

Grandes lignes

La forêt basse couvre plus de 50 % de la surface du Pérou. Le département de Loreto, qui y est entièrement situé, représente à lui seul 38 % de la surface du pays. La forêt basse amazonienne couvre également la majeure partie des départements de Las Amazonas, San Martin et Madré de Dios et s'étend sous forme d'un vaste arc de cercle, de la frontière colombienne, formée par le Rio Putumayo, à la frontière bolivienne, dans le bassin du Rio Madeira.

Un certain nombre de traits saillants caractérisent très nettement l'Amazonie.

C'est tout d'abord la continuité et la presque exclusivité du man- teau forestier. Quel que soit le mode de locomotion employé, la forêt s'impose et domine tout le reste. D'avion, ce n'est qu'à basse altitude qu'on distingue, çà et là, des zones défrichées entourant des cases, ou une rizière sur un méandre de fleuve. Les villes apparaissent subi- tement, comme parachutées au hasard dans ce monde hostile et la forêt les enserre, les attaque et semble les étouffer. Cette formation végétale, ce revêtement botanique continu donnent à la région son climat, lui marchandent ses ressources et dirigent son économie.

Le second trait saillant est l'abondance et l'importance des fleuves et rivières. Ils constituent les seuls signes différentiels, les seuls critè- res de repérage dans l'immensité forestière. Leurs cours, dont la cou- leur limoneuse tranche sur le vert presque uniforme des arbres, dessinent dans l'étendue forestière des lignes extrêmement sinueuses, abandonnant çà et là des méandres, des bras morts, des lagunes. Mais, surtout, lorsqu'on vit en Amazonie, ce qui frappe c'est la pré- sence du fleuve, qui est l'allié de l'homme contre la forêt. Il rompt la solitude, permet les liaisons entre toutes ces bourgades que la forêt assiège, apporte des alluvions sur les méandres convexes où l'on cultive le riz et toutes sortes de légumes, donne du poisson ; c'est le lieu où l'on se baigne, fait la lessive, se salue au passage des pirogues et des lanchas. C'est à la fois la rue et la place publique.

Un troisième fait saillant, malgré ce qui vient d'être dit, est quand même la solitude, c'est-à-dire la solitude des groupes humains par rapport au reste du monde. Bien sûr il y a l'avion qui, en quelques heures, est à Lima. Mais, si on le supprime par la pensée, il ne reste que le bateau qui, d'Iquitos par exemple, met un mois pour descendre l'Amazone ou une semaine pour rejoindre la précaire route transan- dine de Lima. Et c'est tout !

Les routes qui partent de la ville desservent quelques zones culti- vées mais se heurtent à la forêt, dans laquelle elles ne pénètrent pas. Ici commence l'inconnu et l'hostile.

Le climat constitue lui aussi, bien sûr, un élément caractéristique important. Il saisit brutalement quand on arrive à l'aéroport. Dès qu'on sort de l'avion, on plonge littéralement dans une étuve, dans une atmosphère de buanderie. Encombré des bagages et des vête- ments de la froide Lima, on est d'abord agréablement saisi par la cha- leur mais bientôt accablé et l'on se traîne dans la cohue exubérante qui garnit l'aéroport à chaque arrivée d'avion : passeports, piqûre anti- variolique, récupération des bagages, porteurs, chauffeurs de taxis, cireurs de bottes, marchands de souvenirs, guides indiens pour la selva, collègues péruviens venus en masse pour nous accueillir, la chambre fraîche et ventilée est un havre où l'on se demande si l'on résistera au climat.

La température peut dépasser 40° à l'ombre. Pendant une semaine, durant le Cours International de 1965, elle est montée chaque jour au-dessus de 37°. Traverser les rues au soleil est un supplice « Duele el sol ». Il brûle la peau. Les matinées sont généralement très enso- leillées mais les bureaux sont encore frais. De douze à quinze heures, rapidement avalé le repas de midi, la sieste devient obligatoire. L'après- midi, le ciel se couvre. L'orage éclate à 18 heures, avec des éclairs immenses, sinueux, ramifiés, anastanosés, comme on n'en voit nulle part ailleurs. La pluie tombe à torrents, pénètre en brouillard au tra- vers des mailles de mousticaires, fouette les tôles ondulées des toitu- res. Le courant électrique urbain, s'efface devant la concurrence et l'on attend dans l'obscurité que cesse le spectacle météorique. Après cela, les nuits sont fraîches et agréables.

La pluviosité est évidemment considérable, de trois à cinq mètres. Elle décroît régulièrement d'ouest en est, c'est-à-dire de la montagne à la plaine. Les averses violentes dégradent les routes de terre, diffi- cilement construites et transforment en cloaques les bas quartiers.

Le régime des fleuves et rivières est, bien sûr, sous la dépendance des saisons. Mais, fort heureusement, les affluents nord de l'Amazone ne reçoivent pas leur maximum d'eau en même temps que les affluents sud. Cependant le niveau de l'Amazone et de ses grands constituants varie annuellement d'une douzaine de mètres. Les crues sapent les rives concaves qui s'éboulent, diluant dans l'eau des tranches de limon. Le fleuve emporte des arbres entiers. En période d'étiage, il restitue cela aux méandres convexes, y apportant de la terre de culture fertile. Chaleur et pluie, également intenses, tels sont les traits dominants du climat amazonien, avec toutes les conséquences quant aux condi- tions de vie et à l'existence de certaines maladies. Cependant les étrangers, qui généralement disposent de moyens financiers nécessaires pour s'alimenter correctement et se soigner, semblent s'adapter assez bien à ce climat ; mieux peut-être qu'à celui des Punas où l'ambiance est triste et déprimante alors que celle de l'Amazonie est, dans l'ensemble, plus animée et plus gaie.

Relief du sol

Parler de « relief du sol », dans une région qui s'appelle selva baja ou llano amazonico, peut sembler surprenant. Mais il existe, dans la forêt basse, un relief, certes atténué, mais qui joue un rôle dans la végétation.

Tout d'abord, s'élèvent dans la forêt basse quelques chaînons isolés ou détachés de la Cordillère Orientale. Le plus intéressant est la Cordillère de San Francisco, qui s'étend de la région Cuzco - Quince Mil à celle de Contamana, en longeant la frontière brésilienne.

C'est une région quasi inexplorée où il serait facile de construire une route joignant Cuzco à Iquitos et desservant les zones forestières du Madré de Dios et de l'Ucayali. Cette Cordillère est habitée par diverses tribus d'Indiens qui intéressent vivement les ethnographes. Elle contient malheureusement, aux abords immédiats de Pucallpa, des tribus « organisées » pour l'exploitation des « gringos » à qui l'on vend fort cher le droit de prendre des photographies et des souvenirs « made in Japan ». Mieux vaut s'enfoncer un peu plus loin, où des Shipibos, non encore civilisés, témoignent de l'hospitalité, de l'amabilité et de l'honnêteté qui caractérisent les tribus dites « primi- tives ».

En dehors de ces chaînons, on peut noter également l'existence d'un relief de terrasses, marqué tout spécialement dans les bassins moyens du Napo, du Maranon, et l'Ucayali.

Les géographes distinguent trois terrasses superposées : C'est une région quasi inexplorée où il serait facile de construire une route joignant Cuzco à Iquitos et desservant les zones forestières du Madré de Dios et de l'Ucayali. Cette Cordillère est habitée par diverses tribus d'Indiens qui intéressent vivement les ethnographes. Elle contient malheureusement, aux abords immédiats de Pucallpa, des tribus « organisées » pour l'exploitation des « gringos » à qui l'on vend fort cher le droit de prendre des photographies et des souvenirs « made in Japan ». Mieux vaut s'enfoncer un peu plus loin, où des Shipibos, non encore civilisés, témoignent de l'hospitalité, de l'amabilité et de l'honnêteté qui caractérisent les tribus dites « primi- tives ». En dehors de ces chaînons, on peut noter également l'existence d'un relief de terrasses, marqué tout spécialement dans les bassins moyens du Napo, du Maranon, et l'Ucayali. Les géographes distinguent trois terrasses superposées :

  • — celle des « filos », où l'érosion a découpé des vallées secondaires assez encaissées que séparent des arêtes assez vives,
  • — celle des « altos », soixante mètres plus bas, encore assez vallonnées mais avec un relief adouci de collines.
  • — celle des « restingas », la terrasse inférieure, à une soixantaine de mètres elle aussi plus bas que celle des altos ; c'est la terrasse inondable, dans laquelle on distingue des zones basses (dites « tahuampas »), recouvertes chaque année par les crues et des zones un peu plus élevées, bosselées, que n'atteignent que les crues exceptionnelles.

Cette superposition de terrasses, leur aspect botanique particulier, leur ambiance propre, se voient particulièrement bien en parcourant la « transandine », de Tingo-Maria à Pucallpa qui, après avoir franchi un dernier chaînon au col de la Divisoria, à 1.650 m, descend par gradins vers l'Ucayali

La zone des « filos » est peu habitée. L'exploitation de la forêt n'y est pas recommandée en raison des risques d'érosion.

La zone des « altos » est la zone la plus favorable pour l'implan- tation de fermes d'élevage (ganaderias). On peut en voir de magni- fiques exemples aux environs de Pucallpa.

La zone des « restingas » occupe la majeure partie du bassin de l'Amazone et du cours inférieur de ses composants et affluents. Modelée par des fleuves, modifiée par l'homme, mosaïque de sol divers, cette zone présente une grande variété de formations végétales. C'est dans la zone des restingas que la majeure partie du Cours international d'exploitation forestière s'est déroulée. Elle nous retiendra donc plus longtemps.

Formations végétales et cultures

Ce qui précède permet de comprendre pourquoi la forêt amazonienne, si uniforme d'apparence, avec ses étages de cimes superposées, ses draperies de lianes, son sous-bois souvent impénétrable, ses conditions difficiles pour la vie et le travail, est en réalité constituée de peuplements très variés quant à leur composition, leur structure, leur richesse en essences précieuses et la rentabilité de leur mise en exploitation.

Malgré l'empreinte profonde du climat, qui d'ailleurs, on l'a vu, présente des différences marquées du nord au sud et de l'ouest à l'est, les variations topographiques et les variations de sol, amènent des changements profonds dans les associations végétales. Mais sur- tout, l'homme, exploitant forestier, collecteur de latex, conquérant de coins de selva qu'il livre à la culture, à créé des types de formation très caractéristiques et très répandus, en particulier le long des fleuves et à l'extrémité des routes de pénétration.

On constate presque toujours les mêmes évolutions. Lorsque la forêt vierge est exploitée pour y collecter les quelques essences pré- cieuses et connues, (ce qui entraîne l'ouverture de pistes de débardage jusqu'aux fleuves et de zones temporaires d'habitat), dans les clai- rières s'installe une formation de bois tendres dite « purma » qui ressemble à un jeune perchis de futaie régulière. S'y rencontrent le balsa (Ochroma lagapus et ochroma sp.) (Bombacacées), le cetico (Cecropia sp.) (Moracées) et quelques autres espèces de la famille des composées et de celle des sterculiacées. Ce sont des essences à croissance rapide, susceptibles de donner des bois à fibres ou des bois pour la fabrication des panneaux de particules mais surtout utilisés, jusqu'à présent, en particulier le balsa, pour construire les plates-formes des maisons flottantes et les radeaux (le mot balsa sert d'ailleurs à désigner n'importe quel type de radeau). L'extension de ce type de peuplement dans les zones abandonnées par la culture, les brûlis, etc. présenterait un grand intérêt économique. Mais le pro- blème de l'introduction artificielle de ces essences « qui poussent toutes seules » n'est pas encore résolu.

Quand la « purma » est exploitée apparaît une formation tertiaire, dite « caucha », ligneuse, épineuse, impénétrable, sans valeur et qu'on abandonne en l'état.

Si la caucha est exploitée, pour tracer une route, installer un herbage, etc., la formation évolue vers un stade plus avancé de dégra- dation, variant suivant les sols et leur teneur en eau : « chagreria » à base de cana brava (Gynerium sagittatum) (Graminées), « maco- val », lande à fougère ou « pajonale », pelouse à graminées dures et dépourvues d'intérêt pastoral. La même évolution se constate après l'abandon des cultures, la formation qui se développe étant fonction du degré d'épuisement du sol.

Inversement, sur les délaissés des cours d'eau, peut se produire une évolution progressive, par exemple le passage de la « pajonale » à la « purma ».

C'est cet aspect de formations secondaires et de formations dégra- dées qu'on rencontre le plus fréquemment autour des villages de la selva. Une fois franchie les « chacras », zones cultivées à bananiers, canne à sucre, maïs, etc., on atteint les pâturages qui garnissent les bosses des « restingas » où d'insolites troupeaux de charolaises ou de braun schwytz surprennent dans ce décor de palmiers, puis les zones habitées s'espacent, se raréfient. Autour de groupes de cases (où les murs de perches remplacent ceux de planches et les toitures de feuilles de palmier, les tôles ondulées) croissent quelques cultures de manioc (« yuca ») ou d'ananas. Entre ces zones habitées s'éten- dent de vastes étendues de formations dégradées, indice et consé- quence de l'action humaine.

Mais l'homme n'a pas seulement modifié le paysage en le dégra- dant. Il y a aussi introduit des essences présentant pour lui un intérêt : autour des cases se voient des arbres à pain (Artocarpus) dont les porcs mangent les graines et les fruits, des avocatiers (Persea) dont le fruit (« palta ») est à la base d'un excellent hors-d'ceuvre, des papayers (Carica) qui fournissent en Amazonie l'élément initial du petit déjeuner quotidien, des lucumos (Lucuma obovata) dont les fruits sont partiellement comestibles et le bois excellent pour cons- truire les cases, des huitos (Genipa oblongifolia) (Rubiacées) dont les fruits, analogues à des oranges, sont tannifères et colorants avant maturité mais comestibles une fois mûr, le bois étant apprécié pour l'ébénisterie, des castahas (Bertholletia excelea) (Lecythidacées ), ar- bres magnifiques de 30 à 40 mètres de haut et 1 à 2 mètres de diamètre, dont les fruits, gros comme des noix de coco, contiennent des amandes riches en huile excellente, etc. et de nombreux palmiers (ou arbres voisins des palmiers) spontanés et conservés précieusement autour des habitations ou introduits : Vaguaje (Mauritia sp.) palmier typique des bords d'arcoyos, ombrageant les buanderies, salles de bains en plein air et donnant une quantité considérable de fruits analogues à des cônes de pin et comestibles après ramollissement dans l'eau tiède (les poissons en sont friands et se multiplient dans les cours d'eau bordés d'aguaje). Le palmier à huile (Elaeis guineensis), importé d'Afrique et très répandu dans certaines régions pour sa double production d'huile (huile comestible et huile à savon), le yarina (Phytelephas macrocarpa), dont les fruits sont toujours utilisés pour l'ivoire végétal (corozo) mais surtout dont les feuilles, régulièrement pennées et peu putrescibles, servent à faire des toitures des cases, à l'épreuve des orages tropicaux, le conta (Attalea testanii) producteur d'infructescences volumineuses donnant des amandes riches en huile à goût agréable, le bombonaje (Carludovica palmata), fournisseur de fibres textiles (chapeaux de « panama », tapis, sacs, etc.), le tamshi (Carludovica trigona), liane très résistante et imputrescible utilisée pour assembler les billes des radeaux et construire les cases, etc.

Il faut évoquer aussi les plantations de jebe fino (Hevea brasilien- sis) pour la production de latex à caoutchouc).

L'étude des végétaux qui croissent autour des cases (on y cultive même des fleurs... en pleine selva!) est très intéressante et pourrait donner lieu à de longs développements. L'énumération ci-dessus est donc très incomplète.

L'EXPLOITATION FORESTIÈRE

Problèmes de dendrologie

Le nombre d'espèces forestières est considérable, et, comme il a été dit, la composition de l'association varie, non seulement d'un bout à l'autre de l'immense étendue de la forêt amazonienne, mais régiona- lement; avec l'altitude, le relief et localement, en fonction de variations de sol ou sous l'influence de l'homme.

Entre la forêt vierge de la vallée du Huallaga, près de Tingo- Maria dans la selva alta, celle de la vallée de l'Ucayali, sur les hautes terrasses des « filos » et des « altos » ou sur les flancs de la Cordillère de San Francisco et celle de la région d'Iquitos, en pleine selva baja, à l'étage des « restingas », existent des différences profondes, en particulier quant à la richesse en essences précieuses, donc quant à la rentabilité de l'exploitation.

Et même dans un rayon de cent kilomètres autour d'Iquitos, sui- vant la topographie ou la nature du sol, des types de forêts vierges très différents peuvent être observés.

Une des premières tâches du Service Forestier Péruvien fut donc l'étude dendrologique des diverses zones forestières, accessibles et à exploiter. Nous ne pouvons donner dans cet exposé qu'un résumé très succinct des résultats et quelques cas particuliers. Un seul conifère est signalé par les dendrologues, un Podocarpus, mais nous n'avons pas eu l'occasion de le rencontrer. Les feuillus sont évidemment les plus abondants. Nous les passe- rons en revue par familles. Juglandacées. — Plusieurs espèces de juglans (nogal) existent, donnant un bois apprécié pour le déroulage, l'ébénisterie, la menui- serie, la tournerie, etc., c'est un bois commercial intéressant pour certaines régions. Moracées. — De nombreuses espèces ligneuses se rencontrent dans la selva dont certaines sont encore mal identifiées. Certaines sont à bois très durs (Brosimum) et d'autres au contraire à bois très tendre (Crecropia) :

— divers Brosimum en général à bois dur, mais polissable, utilisés en tabletterie, tournerie et pour la fabrication de cannes, archets, aiguilles à tricoter, etc., certaines billes sont tranchées et donnent des placages d'ébénisterie ;

— divers Clarisia, il s'agit en général de bois grossiers et durs, pour la charpente, la construction navale, les ponts, etc. — divers Ficus, à bois très médiocre et peu durable ; certains Ficus ont des propriétés thérapeutiques extraordinaires ; — et enfin le Cecropia (Cetico) espèce à bois tendre et croissance rapide envahissant les clairières, comme le balsa, et intéressant pour la menuiserie légère, la fabrication de boîtes, la pâte à papier, etc. Myristicacées. — Cette famille est représentée par plusieurs espè- ces très intéressantes pour l'industrie du contreplaqué, en particulier des Virola moins abondants malheureusement qu'à Surimam, connus sous divers noms locaux (en particulier cumala) et dont le bois se présente sous diverses teintes, allant du blanc jaunâtre au rose foncé.

Non seulement la couleur varie suivant la station mais aussi la densité et la dureté, cette dernière parfois un peu faible.

En dehors du déroulage, le bois de cumala est utilisé en caisserie et menuiserie légère. Lauracées. — Les Lauracées sont très répandues en Amazonie, leurs bois et surtout les usages de ces bois sont très divers. Signalons :

— le genre Aniba. dont certaines espèces (Aniba roseana, par exemple : palo rosa) sont utilisées pour la fabrication d'essences de rose, mais aussi en marquetterie, d'autres espèces étant des arbres de plus grande dimension (Moena) utilisés pour la fabrication de pla- cages,

— le genre Mezilaurus (Itauba), donnant des bois très tannifères et contenant une huile comme le teck, utilisés pour la fabrication de bateaux, de canots, la charpente, les travaux publics, et parfois pour faire des meubles, — le genre Persea, représenté, outre l'arbre à palta, par quelques espèces forestières intéressantes donnant des bois de menuiserie et d'ébénisterie (Palta moena), — le genre Licaria, donnant le bois cannelle dont l'odeur est particulièrement caractéristique.

Légumineuses. — Comme toujours il y en a de nombreuses espè- ces, au sujet duquel les dendrologues ont parfois des opinions diffé- rentes. Les renseignements qui suivent sont donc donnés sous toutes réserves. Erythrina glauca est une espèce très intéressante (possédant de nombreux noms locaux) qui a la particularité d'être, à certaines saisons, couverte de grandes fleurs rouges du plus bel effet. Les arbres fleurissent les uns après les autres, pendant toute l'année. D'avion ils se distinguent particulièrement bien et signalent l'arrivée dans la selva proprement dite, au-dessous de l'altitude 500 m.

Le genre Inga comprend diverses espèces dont certaines sont culti- vées en étage dominant au-dessus des caféiers. Le bois est relative- ment tendre et sert en caisserie et pour le déroulage.

Notons aussi divers genres à bois durs : Hymenaea, Andira, Cou- marona, Scier olobium, mais surtout Cedrelinga, etc., certaines espèces pouvant donner des placages (en raison de leur aspect ornemental et en dépit de leur dureté) d'autres servant surtout pour les constructions extérieures.

Myroxylon balsamum mérite une mention spéciale. C'est un bois fin à odeur agréable, dur mais prenant un beau poli, très apprécié pour l'ébénisterie cet arbre produit aussi une oléorésine qui sert à préparer le baume de tolu. Il y a aussi des espèces à bois tendres, par exemple du genre Schizolobium, propres surtout à la pâte à papier. Simarubacées. — Cette famille est représentée par un Simaruba (Marupa), à bois léger et tendre, pour contreplaqués, moulures, me- nuiserie légère, caisserie, et, éventuellement fabrication d'allumettes. Burséracées. — Cette famille est représentée par des bois tendres du type copalier, aptes au déroulage ou utilisables en menuiserie légère et caisserie (Protium sp. et Bursera sp.) Mélîacées. — Cette famille renferme quelques-uns des joyaux de la forêt amazonienne. Swietenia macrophylla, connu principalement sous le nom de caoba est très rare dans certaines régions mais il en existe en quantités appréciables dans la région de Pucallpa (c'est-à-dire dans le type de forêt dit « forêt sèche tropicale »). Le repérage des caobas est évidemment un point important avant la mise en exploitation.

Cedrela est représenté par plusieurs espèces. Il y en a dans toute la selva (où il est connu sous le nom de cedro). Certaines différences existent entre ceux de moyenne altitude et ceux de la forêt basse. La couleur du bois varie sensiblement (comme pour les cumala) du jaune rosé au rose foncé. C'est un bois remarquable pour le déroulage, l'ébénisterie, la menuiserie. Sa multiplication serait du plus haut intérêt.

Guarea est représenté par une espèce (Guarea trichilioides dit Requia), plus grossier que le Bossé d'Afrique mais employé pour les mêmes usages.

Enfin Catapa guianensis est présent, sous le nom d'Andiroba, en particulier dans les zones humides. C'est un bois assez lourd mais facile à travailler et assez durable. Il est très apprécié pour la menuiserie, l'ébénisterie, en lieu et place de l'acajou de swietenia, auquel il ressem- ble. Il a toutes sortes d'utilisations locales tels que la fabrication des mâts Euphorbiacées — le premier nom de genre qui vient à l'esprit est, évidemment, Hevea, qui existe à l'état silvestre et à l'état de cultures. On voit toujours arriver, sur les ports de l'Amazone, les boules de latex à odeur nauséabonde, fruits de la récolte des shiringueros. Cer- taines zones, en particulier les zones inondables, sont riches en shirin- gas silvestres. Le shiringuero traite environ 200 arbres qu'il a repérés dans la forêt et entre lesquels il a tracé une piste qu'il parcout chaque jour, un jour pour saigner les arbres, un autre pour récolter la gomme. C'est un travail très pénible et qui est devenu peu rémunérateur. Le bois d'Hevea est très médiocre. Une autre euphorbiacée mérite une mention particulière, c'est Huta crepitans avec lequel on construit la plupart des pirogues, creusées dans la masse, naviguant sur les Rios. C'est parfois un arbre magnifique, dépassant 2 m de diamètre. Le bois est jaunâtre, veiné de brun, très léger, tendre mais cependant assez solide. Il a un très faible retrait. Il est très facile à travailler d'où son emploi pour faire des pirogues. Malheureusement il n'est pas très durable. On peut aussi le dérou- ler pour faire des contreplaqués et l'utiliser en menuiserie légère et en caisserie. Tiliacées. — Une tiliacée est représentée en Amazonie : Heliocar- pus sp. à bois tendre

Malvacées. — Cette famille est représentée tout particulièrement par le « Caucho » (Castilloa elastica), grand arbre croissant spéciale- ment dans la région entre 500 et 1000 m (voir même 1200 m), en dehors des zones inondables ou marécageuses (contrairement à l'he- vea). Cet arbre a été abusivement exploité à la folle époque du caout- chouc et ne subsistent actuellement que ceux qui étaient trop petits, alors, pour intéresser les « caucheros ». Pour extraire le latex des castilloas il faut les abattre au préalable et y pratiquer une multitude d'incisions, depuis les racines jusqu'aux branches. Le latex, très fluide, est coagulé par une macération de cumalhuasca (Hipomea sp.) Bombacacées. — Cette famille comprend des bois, très important en forêt amazonienne : le balsa (ou palo de balsa) (Ochroma sp.) qui envahit les clairières et dont les usages sont bien connus ;

divers ceiba (ou chorisia) connus au Pérou sous des noms variés (lupuna, huimba, etc.) qui constituent une ressource extrêmement pré- cieuse pour l'industrie actuelle du déroulage ; ce sont des bois très tendres (les pores se distinguent à l'œil nu), de couleur variant du blanchâtre au rosâtre, relativement abondants ; en Amazonie péru- vienne, on les rencontre aussi bien dans la selva alta et la yunga fluviale de Tingo-Maria que dans le llano. Le lupuna est un élément très spectaculaire du paysage, avec sa cime étalée, sa garniture puissante de végétaux épiphytes et ses lianes à allure de haubans. Un genre voisin : Matisia donne également des bois de déroulage tendres. Guttifères. — Les Guttifères sont représentées par des bois assez précieux : Calophyllum brasiliense (appelé au Pérou jacareuba ), à bois parfait rose, peu dense, facile à travailler, apte au déroulage, utilisé en ébénis- terie et menuiserie et facile à cintrer, par exemple pour l'utilisation en carrosserie.

A côté du jacareuba il faut noter diverses espèces du genre Rhedia, à bois très tannifères, utilisés surtout pour travaux extérieurs et fabri- cation d'outils en bois.

Lecythidacées. — Plusieurs espèces intéressantes appartiennent à cette famille : Bertholettia excelsa (le castâna silvestre) dont il a déjà été parlé plus haut et qui, outre ses fruits, produit un bon bois d'œuvre ; Eschweileria et Lecythis, qui donnent des bois de couleurs variables (du jaune au rougeâtre), connus sous le nom de machimango, plutôt durs et grossiers, aptes aux travaux extérieurs, mais aussi à la char- pente et à la menuiserie. Une lecythidacée tendre (couroupita sp.) donne un bois de caisse- rie. Combretacées. — Existent seulement diverses espèces de Termina- lia, à bois jaune brunâtre, veiné de brun, plutôt lourd et dur, assez dif- ficile à travailler mais durables, pour charpente et menuiserie. Parfois on fait des placages avec les bois veinés.

Sapotacées. — Le genre Manilkara existe en Amazonie péruvienne mais il semble que les noms d'espèces soient controversés. Une espèce connue et appréciée sous le nom de « quinilla » possède un bois parfait brun-rougeâtre, veiné, huileux au toucher, très dur et très lourd, avec lequel ont fait toutes sortes d'objets en particulier des arcs. Il est utilisé aussi en tabletterie et vendu pour faire des archets. A cause de sa très grande durabilité, il est employé également pour tous travaux extérieurs. C'est aussi un arbre à latex (balata). Apocynacées. — Cette famille est représentée par de nombreux arbres et lianes à latex, en particulier par Aspidosperma (connu au Pérou sous le nom de Quillobordon). L'écorce contient du tanin. Le bois parfait est jaune brunâtre, lourd, dur, à hautes caractéristiques mécaniques mais peu durable. C'est un bois du type buis, pour la tour- nerie, mais c'est aussi un bois de construction de wagonnage et de carrosserie. Bignoniacées. — Certaines espèces du genre Tabebuia donnent des bois durs, du type gaiac, utilisés pour travaux extérieurs et petits usa- sage tels qu'arcs, cannes à pêche, e t c . Rubiacées. — Cette famille est représentée par des genres nom- breux et souvent mal connus. Citons seulement les genres : Calycophyllum (connu sous le nom de capirona) bonne espèce du type buis, pour l'ébénisterie, la tournerie, l'outillage, Genipa donnant un bois relativement dur (connu sous le nom de Huito), du type hêtre ou frêne quant aux utilisations. Une famille particulière, la famille des Caryocaracées est représen- tée par quelques espèces à bois très utiles, des genres caryocar, donnant des bois à canots ou pour carrosserie et menuiserie extérieure, connus sous le nom d'almendra, et anthodiscus. Pour montrer la variété de la forêt amazonienne nous donnerons un exemple tiré de trois inventaires pratiqués aux environs immédiats d'Iquitos, dans trois stations de sols différents, où les peuplements, en apparence, étaient les mêmes, leur structure étant identique : 1° une station sèche et sableuse (N° I) 2° une station plus fraîche (n° II) 3° une station en sol riche et humide (n° III). Trois essences seulement étaient communes aux trois stations : le lupuna Ceiba sp. le cumala Virola sp. te machimango Eschweileria sp. La station sèche (n° I) comportait en outre le cedro (Cedrela sp.) l'andiroba (Carapa sp.) le guarihuba (Clarisia sp) le largato caspi (calophyllum sp.) etc...

Les stations II et III comportaient en commun la quinilla colorada (Casearia sp.) La station n° II contenait en outres des mcenas (Anibas sp.) bolai- nas (Guazuma sp.) tahuaris (Tabebuia sp.) schiringa masha (Cunuria spruceana) etc...

La station III. en sol frais et riche, comportait des ishtapi (Jaca- randa sp.) huayra caspi (Cedrelinga sp.) merere (Brosimum sp.) etc... De même, dans la selva alta de la région de Tingo-Maria, existent des espèces que nous n'avons pas rencontrées auprès d'Iquitos : capi- ronas (Calycophyllum sp.) copaibas (Copaifera sp.) hualaja (Xantho- xylum sp.) etc..

Les études dendrologiques et les études technologiques correspon- dantes, relatives à la qualité des bois en fonction de l'essence et de la provenance sont donc extrêmement importantes.

Problèmes d'équipement

L'équipement de la forêt en routes et pistes doit également être pris en considération.

La principale (et souvent la seule) voie d'accès à la forêt et de sortie des bois est actuellement le fleuve où les billes sont transportées par radeaux, la main-d'œuvre se rendant au travail au moyen de piro- gues équipées de moteurs de hors-bord.

La construction de routes est très difficile, faute de matériaux rou- tiers : sables et limons alternent ; très rares sont les éléments grossiers, par exemple les graves.

Il faut s'efforcer d'assainir la plateforme et de corriger l'un par l'autre les sables et les limons pour essayer de construire des pistes en terrain naturel accessibles aux jeeps et grâce auxquelles la main-d'œu- vre et l'outillage pourront être amenés à pied d'œuvre. L'utilisation de tracteurs de débardage entre la coupe et les Rios serait également à développer. L'ouverture de fossés de débardage, par exemple à l'explosif, serait également une technique utilisable.

Problèmes d'outillage

Outre les véhicules énumérés ci-dessus, l'exploitation devrait pou- voir disposer d'outils à moteurs pour l'abattage et le façonnage (actuel- lement la plupart des arbres sont encore abattus et tronçonnés à la hache). Au lieu de couper les arbres à contrefort à un ou deux mètres au-dessus du sol, il serait alors possible de les couper à la scie à moteur au ras du sol ; (où la surface à scier est en réalité assez faible à cause de la forme des contreforts). L'emploi de câbles de débusquage et de débardage est également possible.

Mais tout (ou presque) est à faire.

Organisation des chantiers

La principale difficulté vient du fait que l'exploitation est seulement une coupe en recherche d'essences utiles (parfois très rares). Derrière cette cueillette, la forêt est apauvrie mais nul rajeunisse- ment n'est effectué. Des essences quelconque viennent s'installer à la place de l'essence précieuse enlevée et envahissant les pistes de traî- nage et les clairières causées par la chute des cimes. L'économie de cueillette conduit à une dégradation presque totale du capital forestier. C'est pourquoi le Service Forestier et les Organismes de recherche ont entrepris à la fois : — l'étude des repeuplements en essences précieuses après coupe à blanc, — l'étude des méthodes de régénérations naturelles, favorisant les meilleures essences et des traitements d'amélioration consécutifs. Une autre tâche urgente est la formation professionnelle de la main-d'œuvre. Des cours pour ouvriers feront suite au Cours interna- tional de formation de moniteurs et l'introduction d'outils et équipe- ments modernes pourra ensuite être réalisée.

La main-d'œuvre forestière, que nous avons eu l'occasion de ren- contrer nous a paru docile, ouverte et parfaitement capable d'être formée. L'attribution de salaires corrects permettra de favoriser le recrutement et la sélection des meilleurs ouvriers. Parmi ceux-ci se révéleront et pourront être formés les futurs cadres de l'exploitation (contremaîtres et chefs d'équipe). Une place importante est à réserver, dans la formation, à la préven- tion des accidents et aux premiers secours, étant donné l'isolement des exploitations et les nombreux dangers qui guettent la main-d'œuvre en plus des accidents de travail proprement dits : piqûres d'insectes, arthropodes, e t c . morsures de serpents. Il existe plusieurs espèces de serpents agressifs, s'attaquant spontanément à l'homme et vidant entiè- rement leur poche de venin dans la morsure, tel le jergon et le chuchupe (voisin du butantan brésilien).

La première piqûre de sérum est à faire dans la demi-heure qui suit la morsure et le blessé doit être immédiatement conduit à l'hôpital pour recevoir d'autres piqûres, sinon la morsure est mortelle. La forma- tion des ouvriers quant à l'exécution des premiers soins et la constitu- tion de trousses de secours complètes sont des points essentiels.

LA VIE DANS LA SELVA

Grandes lignes

Mais ce qui importe, pour que puissent être réalisés les travaux de mise en valeur et d'exploitation de la forêt, c'est de rassembler et de maintenir dans la selva une population suffisante.

Or, actuellement, sur cette immense étendue, qui représente 60 % de la surface du Pérou, il n'y a que 600.000 habitants, c'est-à-dire moins de 6 % de la population du pays (moins de un habitant par kilomètre carré) !

Et encore, ceux-ci se trouvent concentrés autour de quelques agglo- mérations, au long des fleuves, où règne une incontestable animation mais d'immenses étendues séparent ces noyaux humains, étendues où n'existent que des tribus éparses, non recensées.

Sous l'action du gouvernement et des missionnaires, se multiplient les villages, où, autour de l'église, des écoles, des services hospitaliers, des terrains de sport, se rassemblent les populations isolées, la main- d'œuvre précieuse mais qu'il faut loger et nourrir convenablement et à laquelle il faut assurer un plein emploi.

En ce qui concerne l'exploitation forestière, l'on se trouve placé devant un dilemne :

il faut accorder à la main-d'œuvre un salaire convenable, mais il faut aussi limiter le prix de revient des bois rendus usine. D'où la nécessité :

de former ta main-d'œuvre et de la doter d'outils modernes, lui con- férant le maximum de productivité, d'améliorer le pouvoir d'achat de cette main-d'œuvre en remplaçant les produits de consommation importés très coûteux par des produits locaux, meilleur marché, en accroissant et en améliorant la produc- tion locale, d'investir pour donner à la population un cadre de vie agréable et confortable, d'investir également pour créer une industrie locale du bois grâce à laquelle les produits de la forêt seront valorisés.

L'état actuel et la vie de demain

Les villes de la Selva, telle Iquitos, la capitale, où nous avons séjourné longtemps, portent à la fois les marques de l'héritage de la folle époque du caoutchouc (balustres de pierre le long de l'Amazone, quelques façades revêtues de céramiques) et des signes d'une nou- velle vocation agricole, forestière et commerçante. L'époque du caoutchouc n'a rien laissé de valable, n'a rien amélioré. L'exploitation forestière, si elle se poursuivait sous la forme d'une simple extraction de bois précieux, laissant derrière elle une forêt appauvrie, aurait le même résultat. Après elle, déclineraient le pays et la population.

L'on verrait, au long des rives des Rios, des villages attristants, comme certains de ceux que nous avons visités, ne vivant pour ainsi dire que de la chasse et de la pêche : cases sordides aux toitures mal entretenues, enfants au visage sans sourire, vivant solitaires, esclavage de la femme dès l'âge de douze ans, oisiveté déprimante des hommes. L'exemple de ce qu'il faut faire et de ce que sera l'avenir est donné par d'autres villages (comme on peut en voir maintenant un peu partout au Pérou) où, sous l'impulsion du gouvernement, des missionnaires et des entreprises agricoles ou industrielles et grâce aux recherches et à l'activité des Universités péruviennes un nouveau souffle de vie a été donné : cases traditionnelles, mais solides et régulièrement entretenues (il suffit de regarder les toitures), bandes d'enfants qui jouent ensemble, crient et rient, hommes occupés à défricher, planter, cultiver, existence de bâtiments et de services publics. Ce souffle de vie est venu des progrès agricoles.

On étudie la nature et la fertilité des terres avant de les défricher et on choisit les meilleures pour les livrer a l'agriculture ou à l'élevage. L'exploitation forestière est rationnelle : les bois marchands sont vendus et les autres transformés en charbon de bois. Le sol est travaillé et enrichi au moyen d'engrais avant d'être mis en culture. Des grainées et plantes fourragères sont semées, pour constituer les herbages, au lieu de laisser simplement faire la nature.

A côté des plantes locales traditionnelles, d'autres cultures sont introduites. Des races de bovidés issues de croisements répétés ont été créées, à la fois résistantes au climat, bonnes laitières et productrices de viande.

Les cultures sont très variées : celles de la selva : manioc, ananas, herbe à éléphants pour le bétail, arbres à pain pour les porcs, palmiers aguaje pour les poissons des arroyos, etc... celles des bords des fleuves au-dessus du niveau des plus hautes eaux : chacras à bananiers, cacaoyers, caféiers, canne à sucre, maïs, tabac, etc.,. et celtes des zones inondables enrichies périodiquement par les crues, riz, haricots, patates douces, pastèques, melons, etc... Mais le problème essentiel est celui de l'élevage, en particulier, le problème du lait. La production actuelle est insignifiante : moins de mille litres par jour pour 125.000 habitants, dans la région Iquitos- Pucallpa-Tarapoto. Mais l'introduction de bovidés va en croissant : vaches indiennes (des races Sahiwal et Tharparkar) et pakistanaises (de race Sindi Red), vaches brésiliennes (des races Gir et Guzerat), type appelé « Cebu » (à oreilles pendantes et bosses sur le dos), buffles (water buffalo) introduits en passant par le Brésil, et surtout croise- ments répétés de « cebu » avec des races européennes (Holstein, Braun Schwytz, Charolais, Jersey, etc...). Les résultats en sont extrêmement intéressants. Lors du Cours international forestier une place importante a été accordée à des conférences sur l'amélioration de l'élevage dans la Selva, cours qui furent donnés par le Dr. Burri, Directeur des Pro- jets d'aide bilatérale au gouvernement suisse et par le Dr. A. Chacon, Doyen de la Faculté Agraire de l'Université de l'Amazone à Iquitos. En effet, seule une bonne alimentation, comportant du lait et de la viande permettra de porter remède aux maladies de carence dont souffre une certaine part de la population de la Selva.

Ressources complémentaires

L'ouvrier de la Selva peut trouver une alimentation complémentaire dans la chasse, la pêche, la récolte de fruits sauvages, et un supplément de ressources grâce au tourisme, à la récolte des orchidées, à la capture des animaux sauvages, etc..

La Selva amazonienne est très pauvre en gibier aux environs des zones habitées, la destruction ayant été systématique. Il faut aller très loin pour rencontrer les hôtes habituels de la forêt : tapirs, pécaris tatous, fourmiliers, etc.. ainsi que les félidés des types pumas et jaguars. Les serpents existent un peu partout en forêt mais fréquentent plutôt des zones défrichées et les chacras (zones de cultures au bord des Rios).

Le tapir est le gibier le plus remarquable à cause de sa taille, égale, à l'âge adulte, à celle d'un mulet et de son intérêt alimentaire. Sa pré- sence en forêt se signale par des pistes où la végétation est brisée, et qui tracent un véritable labyrinthe où mieux vaut ne pas s'engager, de risque de se perdre. Le tapir ne se rencontre guère, en forêt, qu'à la chute du jour. Mais on peut en voir en liberté, autour des cases, où les Indiens les élèvent comme des porcs.

La forêt abrite également de nombreuses espèces de singes, d'oiseaux (où dominent les perroquets), de batraciens et d'insectes, grâce auxquels, à la tombée de la nuit, retentit un immense trille, puissant et continu, semé de cris étranges et poignants. Mais la nuit est relative- ment silencieuse, meublée seulement de bruissements suspects. Par contre le réveil est matinal et brutal, la symphonie de l'aube étant sur- tout exécutée par les singes et les perroquets. La journée est silencieuse sous l'effet de la chaleur. Il y a peu de cris et de chants sauf ceux que provoquent la surprise et les chants d'amour.

La pêche est beaucoup plus importante que la chasse du point de vue alimentaire : il existe en effet, dans les fleuves, d'énormes poissons, les paiches (Arapaima gigas) du type cœlacanthe, qui peuvent mesurer jusqu'à 2,30 m de long et peser 130 kg. Leur double respiration, bran- chiale et pulmonaire, les fait repérer quand ils viennent en surface. En outre, et malheureusement, les pêcheurs n'hésitent pas parfois à utiliser les explosifs, ou les narcotiques (extraits du « cube », Loncho- carpus utilis, cultivé dans la Selva et dont la racine séchée sert à pré- parer la rotenone), d'où un épouvantable gaspillage.

La rivière contient une foule d'autres poissons dont les redoutables et bien connus piranas et les dangereux caneros (Vandellia cirrhosa). Citons aussi la gymnote (Electrophorus electricus).

Cet également du fleuve que viennent les tortues (charapas-podo- nemis expansa), dont les plus grandes atteignent 80 cm de long et pèsent 40 kg et sont à la base de cuisines très originales et les caïmans (largatos-champsa sclerops), dont les plus grands dépassent 5 m de long et peuvent, d'un coup de mâchoire, couper une cuisse, où, d'un coup de queue, briser une pirogue. Tortues et caïmans ont été systéma- tiquement chassés et on ne les rencontre plus que très loin des zones habitées.

La chasse et la pêche sont aussi des sources complémentaires de revenus non négligeables : organisation de safaris et de parties de pêche, commerce des peaux, capture d'animaux pour les parcs zoolo- giques, etc... Dans le même ordre d'idées, il faut évoquer la recherche des orchidées, véritable aventure, semée de réels dangers, et celle des multiples plantes médicinales que connaissent les Indiens de la Selva.

L'industrialisation de la Selva

Certaines industries sont traditionnelles mais parfois très curieuses et déjà anciennes : traitement de la gomme d'hevea et de castilloa, fabrication de boutons de corozo, tirés du phytéléphas, fabrication de fleurs artificielles avec les écailles des poissons (en particulier du paï- che), fabrique de savons utilisant certains fruits de la forêt, fabrication de chapeaux, tapis, e t c . en fibres végétales, traitement des peaux, naturalisation d'animaux à l'usage des touristes, fabrication de « sou- venir de la forêt » tels les inévitables arcs et flèches, sarbacanes, éven- tails de plumes, colliers de graines ou de dents, « instruments de musique » étranges, etc...

Mais à côté de cela, commence à se développer l'industrie du bois. Après les scieries, se sont installées des usines de placages puis de contreplaqués et, en tout dernier lieu de panneaux de particules (ces dernières fort intéressantes car capables d'utiliser tous les types de bois et de fabriquer des produits qui permettront d'améliorer l'habitat). Manque encore une industrie de pâtes à papier (les méthodes mécano- chimiques seraient particulièrement indiquées).

Cette industrie du bois entraîne (et entraînera de plus en plus) la naissance d'industries « en chaîne » avec les industries de débit : fabri- que de meubles, de parquets, de charpentes, de traverses, etc... La construction navale tient une place importante, car l'Amazone et ses affluents sont sillonnés non seulement de pirogues, creusées dans la masse d'un cedro ou d'un catahua, mais aussi des barques carénées dont les bordés sont en cedro ou un caoba, de « lanchas », barques de grande taille comportant un véritable pont, surélevé, de « gariteas », embarcations munies d'un toit de feuilles de palmiers et servant d'habi- tation, etc...

Un peu partout peuvent se voir des chantiers de fabrication de remarquable qualité grande taille comportant un véritable pont, surélevé, de « gariteas », embarcations munies d'un toit de feuilles de palmiers et servant d'habi- tation, etc... Un peu partout peuvent se voir des chantiers de fabrication de remarquable qualité. L'industrie agricole viendra elle aussi, non seulement l'industrie de conditionnement des cultures actuelles : thé, café, cacao, tabac, e t c . ou de traitement de certaines plantes (telles la canne à sucre), mais aussi, plus tard, celle des conserves de fruits (ananas et fruits moins connus de la Selva mais très agréables au goût), de boissons concen- trées (on rencontre certains jus de fruits locaux d'un goût incompara- blement supérieur à n'importe quelle boisson et en même temps à pro- priétés médicinales particulières). Un jour la Selva vendra du riz, du manioc, des bananes séchées, du lait concentré et de la viande. Mais il reste un bien long chemin à parcourir.

Telle est l'Amazonie de 1965, riche de promesses, riche d'une population en plein essor et d'une vitalité permettant toutes les espé- rances. On peut y étudier l'évolution profonde des populations au cours des siècles et constater la remarquable adaptation de l'homme aux dures conditions de la Selva. On s'imagine quelles furent les dif- ficultés de son installation dans ce monde inconnu, hostile, dangereux. Il lui fallut apprendre à connaître la nature des terrains, le régime des eaux, les propriétés des plantes, les dangers de la faune, les remèdes naturels, les produits comestibles, e t c . Très tôt l'Indien apprit à culti- ver quelques coins de terre autour de sa case et à élever quelques ani- maux. Il se trouve maintenant en face d'un monde qui s'industrialise, d'une agriculture qui diffère profondément de celle à laquelle il était accoutumé. Il fait preuve cependant d'une remarquable faculté d'adap- tation. Il mérite de recevoir, largement, l'aide des Pouvoirs publics et des Organisations Internationales.

Nous ne saurions trop rendre hommage, pour terminer, à la grande amabilité et à la serviabilité de nos collègues du Service Forestier et des Universités Péruviennes ainsi qu'à la gentillesse et à la cordialité des populations d'Amérique latine dont nous garderons toujours le souvenir.


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