Le Palais ducal de Nancy (1852) Lepage, 1 a

De Wicri Nancy
LePalaisDucalLasageFront.png
 
Le
Palais ducal
de Nancy
1329 - 1508
Introduction (pages 5 à 9)

Cette page contient la première partie du premier chapitre d'un livre écrit par Henri Lepage en 1852 : Le Palais ducal de Nancy.

L'ouvrage initial ne contient pas de chapitre d'introduction, mais le début du premier chapitre fait état de la situation du Palais ducal en 1850, avant d'entrer dans le vif du sujet.

Pour une meilleure lecture du texte dans un format numérique nous avons choisi d'extraire cette partie, rendant de fait l'introduction d'Henri Lepage plus explicite.

 
Le Palais ducal de Nancy
Vers le texte original

Iconographie introductive

Cette iconographie ne fait pas partie de l'ouvrage

Le plan du palais. La collégiale Saint-Georges se trouve à droite du plan
Vue aérienne actuelle. La collégiale, et une grande partie des bâtiments originaux, ont disparu.

Texte original

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PalaisDucalLepagePage6.png

Des deux monuments dont le duc Raoul avait doté sa capitale, l'un, l'insigne église collégiale Saint-Georges (1), a été rasé jusque dans ses fondements; l'autre, le Palais Ducal, amputé, dégradé, déshonoré, n'est plus que l'ombre de lui-même, et personne ne reconnaîtrait, dans cet édifice si déplorablement mutilé, la triomphante maison ducale dont parlait avec un patriotique orgueil Edmond du Boulay ; le magnificum Palatium qu'admirait le voyageur Jodocus Sincerus ; la résidence vraiment royale enfin, où Louis XIV et


  (1) Voir ma notice sur la collégiale St-Georges, insérée au tome Ier des Bulletins de la Société d'Archéologie lorraine


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Anne d'Autriche se trouvaient plus commodément qu'au Louvre. Il ressemble aujourd'hui à un cadavre dont on aurait détaché tous les membres et auquel il ne serait resté que le tronc. On ne voit plus rien, en effet, des bâtiments qui longeaient, d'un côté, les Cordeliers ; de l'autre, la Carrière, en s'appuyant sur Saint-Georges, et se reliaient par un vaste corps-de-logis; rien de cette fameuse tour, merveille d'architecture, jusqu'au haut de laquelle pouvaient monter les carosses de la cour; rien du parterre que terminait la rampe décorée de statues, chefs-d'œuvre de Drouin ; rien du jardin qui s'étalait en amphithéâtre sur le bastion des Dames, et d'où la vue se promenait sur le riant bassin de la Meurthe.

Une seule aile du Palais est encore debout ; mais la double façade de ce débris, si majestueux et si riche en souvenirs, n'a pas échappé complétement aux coups du vandalisme: elle a perdu: ici, les médaillons qui renfermaient les portraits de nos ducs ; là, la tourelle saillante dont l'empreinte se voit sur le mur ; ses énormes gargouilles, capricieuses fantaisies d'artiste, que rattachait l'une à l'autre un large cordon de pierre, maintenant brisé dans plusieurs endroits ; elle a perdu ses cheminées gracieuses, ses lucarnes avec leurs épis déchiquetés, et la crête qui surmontait le comble de sa toiture, pareille à une dentelle d'or (1).

Le Palais a subi, à l'intérieur, de non moins regrettables mutilations: la splendide salle d'Honneur, avec son riche plafond où brillaient, près du chiffre de Charles III, les croix et les alérions, emblèmes nationaux, n'existe plus; c'est à peine si la Galerie des Cerfs[NC 1], veuve de sa voûte où se mêlaient l'or et l'azur, porte quelques faibles traces des peintures qu'avait rajeunies le pinceau de Bellange ;


  (1) Cette crète, en cuivre doré, a été, dit-on, transportée à Vienne en Autriche.


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cette salle, jadis témoin de tant d'imposantes cérémonies, est devenue depuis longtemps un ignoble grenier à fourrage, tandis que les galeries inférieures sont transformées en écuries et qu'un épais badigeon couvre les belles sculptures de leurs chapiteaux.

NCY-Palais ducal porterie.jpg

Malgré ces dégradations dont ne sauraient trop gémir les amis des arts et des souvenirs historiques, on doit presque s'estimer heureux à la vue des portions si intéressantes du Palais qui ont eu le bonheur d'échapper comme par miracle à la destruction. D'une part, c'est l'ancien escalier de la tour de l'Horloge, resté à peu près intact, et qui conduit à la Galerie des Cerfs. Plus loin, c'est la splendide Porterie d'Antoine, type précieux et rare d'une époque qui vit s'accomplir une révolution dans l'architecture ; véritable frontispice d'une demeure princière, et bien digne de servir de passage aux cortèges pompeux qui suivaient nos ducs à leur entrée dans leur capitale ou les conduisaient à leur dernière demeure.

Derrière ce portail, rendu maintenant à sa magnificence primitive (1), se trouvent encore deux débris qui ont aussi survécu au temps et aux dévastations : c'est le porche et le vestibule qui I'avoisine, dont les voûtes ont conservé leurs clés historiées enrichies de portraits et de devises (2)[NW 1].


  (1) Les restaurations de la Porterie, commencées en 1848, ont été terminées en 1849. C'est M. Reber, artiste alsacien, mort récemment, qui les a exécutées. Quant à la statue du duc Antoine, elle est l'œuvre de M. Giormé Viard, de St-Clément, pensionnaire du département de la Meurthe et de la ville de Nancy. L'inauguration de cette statue, sur le portail, avec le modèle en plâtre, a eu lieu pendant la 17e session du Congrès scientifique de France, qui s'est tenue à Nancy, au mois de septembre 1850.

  (2) Le porche servait encore, il n'y a pas longtemps, de magasin à la ville ; le vestibule était occupé par les latrines des bureaux de la préfecture. Ces deux locaux ont été cédés, le premier par la ville, le second par le département, au Comité du Musée historique lorrain, qui les a fait restaurer et approprier, à l'aide de fonds provenant d'une souscription nationale, et y a placé provisoirement son Musée, dont l'ouverture a été faite au public le 23 août 1851. En commémoration de cet événement, le Comité a fait graver, sur une lame de cuivre, l'inscription suivante, où sont rappelés sommairement les faits qui se rattachent a la fondation du Musée lorrain :

SOUS L'ADMINISTRATION DE MM.


A. DE SlVRY, PRÉFET DE LA MEURTHE,
Lemoine, MAIRE DE NANCY,
Et La Direction De Mm.
Châtelain, Morey Et Vivenot, Architectes,
LA SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE LORRAINE
ET
LE COMITÉ DU MUSÉE HISTORIQUE LORRAIN,
REPRÉSENTÉS Par
Les Membres De Leur Bureau, Mm.
Henri Lepage, Président,
Alexandre Gény, Vice-président,
L'abbé Guillaume, Secrétaire-archiviste-trésorier,
Et Cu. De Saint-germain, Secrétaire Du Comité,
Ont,
A L'aide D'une Souscription Nationale,
Sous Les Auspices Du Gouvernement, D'après L'initiative Prise Par MM.
J. MONET, MAIRE DE NANCY,
ET
A. Brun, Préfet De La Meurthe,
Pour La Conservation Des Souvenirs De Toutes Les GLOIRES
DE L'ANCIENNE LORRAINE
(meurthe, Meuse, Vosges, Moselle, Haute-marne),
Fondé Ce Musée,
Solennellement Inauguré,
En Présence Du Congrès Scientifique De France,
Le 10 Septembre 1850,
ET DONT
LA PREMIÈRE SALLE A ÉTÉ OUVERTE AU PUBLIC


LE 25 AOUT 1851.

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Voilà ce qui reste de l'ancien Palais des ducs de Lorraine ;


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de cet édifice qui, au dire de Nicolas Remy (1), ne le cédait à aucun autre « en solidité de structure, commodité de logement, salubrité d'air et embellissement de tout ce que la main de l'homme y a pu apporter. » Touchant, d'un côté, à la collégiale princière de Saint-Georges ; de l'autre, à l'église funèbre des Cordeliers, il formait, avec ces deux monuments, un majestueux ensemble -qui explique l'admiration dont il était l'objet. Du reste, on peut s'en convaincre en jetant les yeux sur la planche de la Pompe funèbre de Charles III, où est représentée la façade sur la Grande-Rue avec tous ses détails d'architecture; et sur celles où Callot et Deruet nous montrent le Palais Ducal avec ses jardins et ses bâtiments, tel qu'il était dans la première moitié du XVIIe siècle, c'est-à-dire au temps de toute sa splendeur (2).



  (1) Discours des choses advenues en Lorraine, depuis le decez du duc Nicolas, jusques à celuy du duc René. Pont-à-Mousson, par Melchior Bernard... 1605.

  (2) Je parlerai plus loin de ces deux dernières gravures, qui occupent une place importante dans l'histoire du Palais Ducal.


Iconographie complémentaire

Gravure
Un plan réalisé en 1705 (source Gallica)

Notes complémentaires

Concernant la wikification du texte
  1. Dans l'édition originale, cette note est démarrée en page 7 et occupe la totalité de la page 8 - y compris la copie de l'inscription.
Notes explicatives
  1. Le palais a subi un incendie en 1871 qui a détruit les peintures de la Galerie des Cerfs