Ateliers numériques/Grandeur et démantèlement de l'IST au CNRS

De Émérites Lorraine

Quelques éléments du contexte historique nancéien

Cette section reprend un article publié en 2019.

Les débuts de l’informatique pour les données de la recherche à Nancy

L’informatique à Nancy démarre avec le mathématicien Jean Legras qui explore, dès 1954, les retombées de l’analyse numérique pour les ingénieurs. Il encourage la création des bibliothèques de fonctions pour les aider à s’approprier cette technologie naissante[1] . Il fonde ce qui deviendra l’Institut Universitaire de Calcul Automatique (IUCA) dans les années 1970, en s’appuyant sur une coopération avec le Centre de Recherche pour un Trésor de la Langue Française (CRTLF) du CNRS. Grâce à ce partenariat, l’IUCA acquiert, dès 1974, des compétences opérationnelles sur les moteurs de recherche, et par exemple Mistral, développé par la CII, une référence historique du savoir-faire français dans l’information numérique.

En 1963, un autre mathématicien, Claude Pair, bâtit les fondations d’une informatique plus théorique qui donnera naissance au Crin puis au Loria. Il lance des travaux autour des langages de programmation (Algol 68), des structures formelles ou des techniques de compilation. Cet ensemble s’avèrera particulièrement signifiant pour les débouchés autour des documents structurés et l’ingénierie XML[2] .

En 1980, la création d’un Groupement Scientifique ayant pour sigle ANL a joué un rôle essentiel pour nos orientations. L’Agence de l’Informatique (ADI), le CNRS, le Ministère en charge de la recherche, l’Inria et le CNET[3] voulaient créer un Atelier National du Logiciel pour transférer les logiciels issus des laboratoires vers l’industrie. Une étude a été lancée pour identifier les candidats et rédiger un catalogue basé sur des visites de laboratoire et sur des démonstrations. À la fin de l’étude, l’ADI a organisé 2 jours de séminaires et démonstrations où une cinquantaine d’équipes ont rencontré une centaine d’industriels. Ceux-ci ont été très sceptiques sur les missions d’un tel « Atelier », en gros : « Nous savons industrialiser des logiciels, vous ne savez pas dans quoi vous vous lancez ! ». En même temps, ils ont enchaîné : « Mais, nous avons besoin de l’étude que vous venez de faire. Et ça, nous ne savons pas le faire ! ». L’ANL est donc devenue une « Association Nationale du Logiciel » qui partageait le savoir par des tests de logiciels, des catalogues, un serveur, et des expositions. Grâce au soutien logistique et politique (Jean-Claude Rault, Robert Mahl) de l’ADI, nous avons pu monter des expositions internationales et notamment aux USA[4].

L’ANL publiait des catalogues et générait des serveurs (Mistral puis Texto), à partir de métadonnées. Impliqués dans la filière française de stations Unix (SM90), nous avons expérimenté des outils d’intelligence artificielle (Lisp, Prolog) sur nos données. Nous avons aussi mené des études comparatives. En effet, le modèle SGBD[5] relationnel nous paraissait plus séduisant que des traitements de fichiers dans des hiérarchies Unix, que nous vivions un peu comme du bricolage. Mais nos essais comparatifs donnaient toujours un avantage aux traitements basés en fait sur une modularité par flux de données. Cet avantage sera déterminant avec XML.

La suppression de l’ADI a déséquilibré l’équilibre financier de l’ANL. Une bonne partie de l’équipe a alors saisi l’opportunité de rejoindre l’Inist.


ConfEméritesIntro.pdf
ConfEméritesIntro.pdf

Voir aussi

Notes
  1. Signalons la bibliothèque Cartolab, de Jean-Laurent Mallet, qui sera la base du consortium GOCAD sur le traitement de données géologiques
    < http://www.ring-team.org/ >
  2. Voir la thèse de Jean-Claude Derniame, en 1966 : Étude d'algorithmes pour les problèmes de cheminement dans les graphes finis. Un document XML est précisément un graphe fini.
  3. Centre national d'études des télécommunications, devenu Orange Labs en 2007.
  4. Par exemple en 1984 à Orlando dans le cadre d’une conférence software engineering de l’IEEE, où nous avions 5 stands partagés chacun par un industriel et un laboratoire.
  5. Système de Gestion de Bases de Données.