Mémoire épique et Génie du lieu (2017) Tarabout : Différence entre versions

De Wicri Chanson de Roland
(L'article)
(Un théâtre chrétien au Kérala)
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et chrétienne, respectivement 24,7% et 19,0% de la population de l’État  au  recensement  de  
 
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hiérarchie de statuts similaire à celle qui caractérise les castes hindoues. Il est courant de distinguer trois  grands  groupes,  entre  lesquels  les  intermariages  sont  rares.  Les  chrétiens  dits
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« syriens »  ou  « de  Saint-Thomas »  affirment  descendre  de  convertis  du  premier  siècle  de
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églises  « orthodoxes »  (jacobites  et  chaldéennes)  ou  autocéphales.  Les  chrétiens  « latins »,
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statut très infériorisé<ref>Sur les Églises du Kérala, leurs rivalités, et leur intégration dans la société indienne, Gilles Tarabout, « L'anni-
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versaire du prélat. Aléas d'un "retour au mode de pensée national" pour les chrétiens de Saint-Thomas », in Jac-
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kie  Assayag  et  Gilles  Tarabout  (dir.),  Altérité  et  identité.  Islam  et  christianisme  en  Inde,  Paris,  EHESS,  1997, pp.303-331.
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Dimensions  indiquées  in  Sabeena  Raphy,  « Chavittu-Natakam.  Dramatic  Opera  of  Kerala »,  Sangeet  Natak, n°12, 1969, p.6</ref>.
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Version du 24 septembre 2021 à 11:47

L'article

Il existe à l’heure actuelle sur la côte sud-ouest de l’Inde, dans l’état régional du Kérala, un théâtre chrétien dont l’origine remonte au XVIe siècle et où sont célébrés, entre autres, les exploits de Charlemagne] et de ses pairs : le Chavittu Nâtakam, littéralement « théâtre en frappant des pieds ». Il est pratiqué au sein d’une petite communauté de catholiques, où prédominent des gens originaires de castes de pêcheurs et de récolteurs de vin de palme. Que peut représenter pour eux la geste carolingienne ? Les lignes qui suivent voudraient apporter un éclairage sur cette question et comprendre cette pratique théâtrale dans son contexte. La présentation du répertoire et de la scénographie y sera limitée aux éléments utiles pour ce propos.

J’ai seulement eu la possibilité au début des années 1980 d’assister à un « échantillon » de Chavittu Nâtakam lors d’un festival de musique, de théâtre et de danse à Trivandrum, la capitale du Kérala – festival destiné à présenter aux citadins comme aux touristes le patrimoine culturel de la région. J’utiliserai par conséquent très largement des études publiées[1]. Si cela interdit de procéder à une étude approfondie et originale du Chavittu Nâtakam en tant que tel, ces sources forment au contraire le matériau d’étude indispensable pour traiter des prises de position auxquelles il donne lieu, et de sa place dans les dynamiques sociales locales.

Un théâtre chrétien au Kérala

Le Kérala est l’un des états de l’Union indienne. Sa formation remonte à 1956, lors d’une réforme territoriale effectuée selon des critères linguistiques. La langue dominante y est le malayâlam, une langue dravidienne comme le tamoul, parlé dans l’état voisin du Tamil Nadu. Au plan religieux, le Kérala se caractérise par la présence d’importantes minorités musulmane et chrétienne, respectivement 24,7% et 19,0% de la population de l’État au recensement de 2001. Les chrétiens comprennent de nombreuses dénominations, qui tendent à reproduire une hiérarchie de statuts similaire à celle qui caractérise les castes hindoues. Il est courant de distinguer trois grands groupes, entre lesquels les intermariages sont rares. Les chrétiens dits « syriens » ou « de Saint-Thomas » affirment descendre de convertis du premier siècle de notre ère à l’issue d’une évangélisation qu’aurait menée l’apôtre Saint Thomas parmi les hautes castes locales. Ce groupe de chrétiens, qui se considère de plus haut statut que les autres, est réparti entre l’église catholique romaine, où ils suivent des rites « orientaux » (syro- malabar et syro-malankara – leur langue liturgique était autrefois le syriaque), et diverses églises « orthodoxes » (jacobites et chaldéennes) ou autocéphales. Les chrétiens « latins », ceux qui nous concernent plus directement ici, font remonter leur origine aux conversions effectuées par les missionnaires portugais au XVIe siècle parmi des castes de statut déconsi- déré vivant sur la côte – essentiellement, je l’ai indiqué, des castes de pêcheurs et de récol- teurs de vin de palme ; ces chrétiens sont tous des catholiques romains de rite latin ; ils ont des diocèses et des églises spécifiques, distincts de ceux des catholiques romains de rite oriental. Un troisième grand groupe de statuts est formé par les protestants de différentes dénomina- tions, qui descendent de convertis plus récents, XIXe ou XXe siècle ; ils sont généralement de statut très infériorisé[2].

Notes de l'article

  1. Le Chavittu Nâtakam a fait l’objet de deux thèses (que je n’ai pu consulter) soutenues par des chercheurs malayâlis : Chummal Choondal, « Foreign Influence on Theatrical Arts of Kerala with Special Reference to Cavittunatakam », Trivandrum, Université du Kérala, 1978 ; Joly Puthussery, « Idiom and Ideology. A Study of the Christian Performance Tradition in Kerala », Université de Hyderabad, 1997. Une étude comparativement dé-taillée a été publiée en malayâlam : Sabeena Raphy, Cavittunâtakam (oru caritrapathânam), Kottayam, NBS, 1964 (2e édition 1980). L’essentiel de la documentation disponible consiste en articles, en brèves mentions éparses, et, plus récemment, en textes ou vidéos sur internet (voir par exemple, des sites comme Wikipédia, You Tube, ou Keralatourism.org). Je remercie Caroline Cazanave de s’être intéressée à ce sujet, et Daniela Berti et Virginie Johan pour leurs remarques sur une première version de cette contribution.
  2. Sur les Églises du Kérala, leurs rivalités, et leur intégration dans la société indienne, Gilles Tarabout, « L'anni- versaire du prélat. Aléas d'un "retour au mode de pensée national" pour les chrétiens de Saint-Thomas », in Jac- kie Assayag et Gilles Tarabout (dir.), Altérité et identité. Islam et christianisme en Inde, Paris, EHESS, 1997, pp.303-331. Dimensions indiquées in Sabeena Raphy, « Chavittu-Natakam. Dramatic Opera of Kerala », Sangeet Natak, n°12, 1969, p.6

Notes

Liens externes
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01800670/document