Bull. Soc. natl. antiq. Fr. (1974) Werner : Différence entre versions

De Wicri Chanson de Roland
(Dans les Annales Petaviani)
(Dans les Annales Fuldenses antiquissimi)
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pas, il est vrai, son importance), remarquons qu'il y a d'autres annales qui reprennent la mention originale d'une façon assez exacte : 742. Karolus. Et voilà que l'éditeur donne, entre parenthèses, en «améliorant » la source éditée : «natus est <ref>(page 127, note 1) Voir les indications de Kurze, dans son édition citée dans la note précédente, p. 137, notes a et b, sur les lectures de deux autres manuscrits de ces Annales. — La «correction » erronée que nous citons s'applique aux Annales s. Amandi breves, et a été faite par Pertz, Mon. Germ, hist., dans Scriptores, t. 2, p. 184. </ref> »! Avouons qu'il devenait, après cela, difficile pour le chercheur, utilisant ces éditions pourtant estimées, de retrouver la vérité.
 
pas, il est vrai, son importance), remarquons qu'il y a d'autres annales qui reprennent la mention originale d'une façon assez exacte : 742. Karolus. Et voilà que l'éditeur donne, entre parenthèses, en «améliorant » la source éditée : «natus est <ref>(page 127, note 1) Voir les indications de Kurze, dans son édition citée dans la note précédente, p. 137, notes a et b, sur les lectures de deux autres manuscrits de ces Annales. — La «correction » erronée que nous citons s'applique aux Annales s. Amandi breves, et a été faite par Pertz, Mon. Germ, hist., dans Scriptores, t. 2, p. 184. </ref> »! Avouons qu'il devenait, après cela, difficile pour le chercheur, utilisant ces éditions pourtant estimées, de retrouver la vérité.
  
«Nous touchons ici à Un état d'esprit des érudits modernes qui devra devenir l'objet de notre critique rigoureuse aussi bien que les textes contemporains si nous voulons avoir une chance de bien comprendre ces derniers. En face de la mention, à l'année 747, de la nativitas de Charlemagne, Dom Bouquet, au xvine siècle, se basant sur les indications des meilleures sources concernant l'âge de Charlemagne à sa mort, constate : «uasci non potuit anno 747 ; sed eius «ortus in anno 742 necessario (!) collocandus est ». Au xixe siècle, Pertz, utilisant l'édition de Dom Bouquet, approuve implicitement le jugement de ce dernier et re¬ marque au sujet des Annales Laubacenses qui, elles aussi, donnent la date de 747 (en suivant les Annales Petaviani ) : «Karolum Magnum anno 742 natum esse, apud omnes «constat, nolui tarnen aliquid mutare (on l'a fait quelque-«fois, comme nous venons de le constater), quia annales «Petavianos in eundem errorem incidissi vidi2. » Quand l'érudit croit déjà connaître la vérité et ne se donne pas la peine d'expliquer les données divergentes présentées par les sources, ses chances de détecter la vérité s'amenuisent sin¬ gulièrement.
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«Nous touchons ici à Un état d'esprit des érudits modernes qui devra devenir l'objet de notre critique rigoureuse aussi bien que les textes contemporains si nous voulons avoir une chance de bien comprendre ces derniers. En face de la mention, à l'année 747, de la nativitas de Charlemagne, Dom Bouquet, au xvine siècle, se basant sur les indications des meilleures sources concernant l'âge de Charlemagne à sa mort, constate : «uasci non potuit anno 747 ; sed eius «ortus in anno 742 necessario (!) collocandus est ». Au xixe siècle, Pertz, utilisant l'édition de Dom Bouquet, approuve implicitement le jugement de ce dernier et re¬ marque au sujet des Annales Laubacenses qui, elles aussi, donnent la date de 747 (en suivant les Annales Petaviani ) : «Karolum Magnum anno 742 natum esse, apud omnes «constat, nolui tarnen aliquid mutare (on l'a fait quelque-«fois, comme nous venons de le constater), quia annales «Petavianos in eundem errorem incidissi vidi <ref>(page 127, note 2). Dom Bouquet, dans Recueil des historiens des Gaules et de la France (cité dorénavant HF), t. 2, Paris, 1739, p. 642, n. f ; Pertz, dans Mon. Germ. hist., dans Scriptores, t. 1, Hanovre, 1826, p. 10, col. 2, n. 1.</ref>. » Quand l'érudit croit déjà connaître la vérité et ne se donne pas la peine d'expliquer les données divergentes présentées par les sources, ses chances de détecter la vérité s'amenuisent sin¬ gulièrement.
  
 
===''Dans les Annales Petaviani''===
 
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Titre
La date de naissance de Charlemagne
Auteur
Karl Ferdinand Werner
In
Bulletin de la société nationale des antiquaires de France, n°253, 1974. pp. 116-143.
Source
Persée,
https://www.persee.fr/doc/bsnaf_0081-1181_1974_num_1972_1_8151

Cet article reprend une communication de Karl-Ferdinand Werner le 14 juin 1972 dans une séance de la Société nationale des antiquaires de France.

Elle traite la date de naissance de Charlemagne.

Avant-propos rédactionnel

L'article est retranscrit dans sa totalité avec des annotations sémantiques.

Pour une meilleures navigation hypertexte des titres intermédiaires (en italique) ont été ajoutés par la rédaction.

Les notes de base de page ont fait l'objet d'une renumérotation.

Communication sur la date de naissance de Charlemagne

116 «On sait peu de choses sur la jeunesse de Charlemagne. Même sa date de naissance ne nous est pas connue d'une manière absolument sûre[1]. Quant au jour de naissance, il nous est indiqué par une notice dans un manuscrit provenant de l'ancienne abbaye de Lorsch : IIII. Non. Apr. Nativitas domni et gloriosissimi Karoli imperatoris et semper Augusti[2]. L'hypothèse qu'il pourrait s'agir de la naissance des empereurs Charles II le Chauve et Charles III le Gros est exclue, d'une part, par le fait que nous connaissons le jour de naissance de Charles le Chauve, qui est le 13 juin et non pas le 2 avril ; d'autre part, par l'autorité de Bernhard Bischoff, qui confirme que la main qui a écrit le passage en question date de la première moitié du IXe siècle [3]. En acceptant ce témoignage visiblement digne de foi et, avec lui, la date du 2 avril comme jour de naissance de Charlemagne, nous arrivons à la question cruciale : le 2 avril de quelle année ? 117

« Or, presque la totalité des ouvrages modernes qu'on pourra consulter pour trouver une réponse nous proposent l'année 742, et cela souvent sans le moindre point d'interrogation. Quelques rares auteurs nous mettent en garde contre un excès de confiance, mais sans trop de conviction. Il s'est établi, effectivement, une «communis opinio » préférant cette date de 742 à d'autres qu'on a pu citer, comme 747. Elle est appuyée, en dernier lieu, par l'autorité de François-Louis Ganshof[4].

Une naissance illégitime ?

« Cette quasi-unanimité est d'autant plus remarquable que l'acceptation de 742 comme année de naissance du grand empereur a amené les historiens à admettre sa naissance illégitime, étant donné que la date de mariage de Pépin le Bref et Bertrade, si elle nous est donnée par deux sources d'une manière contradictoire, ici 744, là 749, tombe en tout cas après la naissance supposée de Charles en 742 [5]. Sur le fond d'une difficulté chronologique apparente, l'historiographie moderne et même récente a construit tout un édifice de suppositions. L'union des parents de Charlemagne n'aurait trouvé une forme légale qu'après sa naissance. Les uns, comme Calmette, ont parlé de la «bâtardise » de l'Empereur ; les autres, comme Kleinklausz, ont souligné plutôt qu'un tel fait s'adapte parfaitement aux mœurs de l'époque et ne pouvait scandaliser personne. Très finement, on a même remarqué qu'une naissance illégitime, 118 même d'un prince, ne choquait pas au milieu du vine siècle, mais devenait un scandale pour les auteurs du ixe, d'où le souci de cette période dominée par les idées plus strictes de l'Église en cette matière, de ne plus parler de la naissance de Charles[6]. Et Calmette à nous expliquer l'attitude d'Éginhard, le biographe de Charlemagne, au sujet de la naissance de son héros : «Tout d'abord le silence d'Éginhard, l'étrangeté de son exorde, trouverait par là (c'est-à-«dire la naissance illégitime) sa meilleure justification. La «confession d'ignorance (Eginhard dit ne rien savoir «sur la jeunesse de Charlemagne) du biographe devient «alors un artifice. C'est un voile adroitement jeté par «l'écrivain de cour pour dissimuler le vice initial sur lequel «il serait malséant d'attirer l'attention. » L'idée de ce silence bien calculé, développée dès 1885 par Brosien, est prise en considération par Simson, le savant auteur des Jahrbücher. Quant à la naissance illégitime, Ganshof et Bullough, eux aussi, sont d'accord[7]. Une fois en route, on a même trouvé d'autres signes troublants, comme cette inimitié entre Charles et son frère Carloman, qui serait l'expression, toujours d'après Brosien et Calmette, des tensions provoquées par la différence de naissance, Carloman, né après le mariage de ses parents, pouvant se considérer comme mieux placé que son aîné illégitime. Depuis Mühlbacher (en 1896), personne n'a réfuté avec des arguments valables la thèse de la naissance illégitime. Et pourtant, Mühlbacher est un fervent de la date de naissance de 742 ! Pour lui, les deux dates de mariages, contradictoires, n'ont aucune valeur. Pour lui, donc, le mariage parfaitement 119 légitime de Pépin et Bertrade a été célébré en 741 au plus tard[8].

«Ce n'était évidemment pas le désir de laver la mémoire de Charlemagne d'une tache supposée imméritée qui nous a amenés à réexaminer la question. Au cours de recherches sur le peu que nous pouvons savoir au sujet de la jeunesse de Charlemagne et l'évolution de sa personnalité, j'ai pu constater que la différence d'âge, généralement admise entre les deux fils de Pépin, Charles et Carloman, ne trouve aucun appui dans les textes contemporains — elle y est, au contraire, pratiquement exclue. On admet comme année de naissance de Charles 742, comme celle de Carloman 751, en se basant, pour ce dernier, sur une notice des Annales Petaviani. Si cela correspond à une différence d'âge de neuf ans, les événements connus, au contraire, nous montrent Carloman accompagner en guerre son père, la première fois, un an seulement après que nous vîmes son frère aîné accomplir le même acte. Pareillement, la première apparition de Charles dans un acte juridique date de 760, celle de Carloman datant de 762. L'année suivante, les deux frères reçoivent des mains de leur père, au même moment, des gouvernements propres, c'est-à-dire l'administration de plusieurs comtés [9]. Dans tout cela, il n'y a pas le moindre indice d'une différence d'âge de neuf ans. Les érudits qui l'ont admise ont d'ailleurs commis une faute assez grave sur le plan de la méthode. Ils acceptent sans ambage la date de 751 pour la naissance de Carloman, prise dans les mêmes Annales Petaviani, qui donnent pour la naissance de Charlemagne la date de 747, date qu'ils refusent catégoriquement !

120 Simson est un des rares historiens qui, après avoir accepté «742 » pour Charles, ne dissimule pas le fait qu'il est obligé de prendre «751 » pour Carloman dans une source dont il nie la valeur concernant la date de naissance du frère aîné[10].

«Ici, Une observation s'impose : ou bien les Annales Petaviani et leurs affirmations chronologiques au sujet de la famille carolingienne sont sans valeur et rien ne s'oppose, sous ce point de vue, à l'admission de 742 comme année de naissance de Charlemagne, celle de son frère cadet nous restant inconnue — ou bien les notices en question de ces annales sont valables, et Charles est né en 747, son frère en 751 et, par conséquent, leur différence d'âge est de quatre, et non pas de neuf ans. Rappelons, pour le moment, qu'une telle différence s'adapterait mieux aux faits que nous venons de rappeler sur l'histoire des deux frères sous le règne de Pépin III.

Eginhard

«Il nous a donc fallu reprendre l'examen des textes, et d'abord de ceux qui plaident en faveur de «742 ». Sim¬ son, qui les a résumés tous, doit admettre qu'il n'y a aucune preuve absolument sûre et contemporaine à la naissance des fils de Pépin ! Il y a des affirmations contradictoires, datant généralement de la période de la mort de l'empereur, au plus tôt ; de toutes ces affirmations, celle qui mérite, selon Simson, le plus de confiance, c'est celle qui propose 742. C'est ce verdict qu'on a suivi en prenant soin de ne pas citer la mise en garde assez sévère contre la valeur des textes qui parlent de 742 que Simson n'a pas 121 manqué de donner dans son étrange argumentation[11]. Or, lui et ceux qui le suivent sont visiblement dominés par le respect d'un témoin prestigieux : Eginhard, l'ami de l'em¬ pereur — dans les dernières années de celui-ci, il est vrai. Le biographe de Charlemagne nous affirme que celui-ci mourut anno aetatis suae septuagesimo secundo , ce qui donne, en déduisant cet âge de 814, la date de mort, environ l'année 742 pour la naissance. Simson l'a dit clairement : à côté de ce témoignage majeur, les autres qui parlent de 742 valent peu de chose[12].

«C'est Louis Halphen qui a écrit une critique très sévère quant à l'exactitude de la biographie de Charlemagne par Eginhard. Il a provoqué par cela l'indignation générale, non seulement chez les Allemands, mais aussi chez l'historien belge éminent, Ganshof, qui a écrit une réfutation. Qu'il nous soit permis de citer les mots secs consacrés à la biographie de Charlemagne déjà par Leopold von Ranke : «Das kleine Buch ist voll von historischen Fehlern[13]... » 122

Restons-nous condamnés à des appréciations personnelles qui ne permettent pas de trancher la question?

Sur la mort de Charlemagne

«En fait, nous pouvons acquérir Une certitude solide en ce qui concerne les connaissances qu'avaient les contemporains de la mort de l'empereur, dans les années qui suivirent 814, de l'âge et par conséquent de la date de naissance de Charlemagne. Les annales officieuses de la cour n'hésitent pas, dans une déclaration officielle et solennelle sur la mort de l'empereur, à le déclarer mort à soixante et onze ans et à y ajouter le mot circiter, fait qui se passe de commentaires. L'inscription tumulaire non moins solennelle, rapportée d'ailleurs par Eginhard lui-même, déclare de Charlemagne : decessit septuagenarius[14]. Là encore, les courtisans ne savent rien de précis : c'était un homme d'environ soixante-dix ans. C'est un fait indéniable qu'on ne savait pas, à la cour de Charlemagne, l'âge exact de celui-ci, fait qui semble extrêmement curieux et invraisemblable aux modernes, mais qui était tout à fait normal à l'époque. Rappelons que deux siècles plus tard, Helgaud de Fleury, biographe de Robert II et auteur, qui lui aussi connaissait personnellement le roi, dit que celui-ci est mort sexagena-rius, ut credimus [15]. Or, au xie siècle, le comput des années de l'incarnation était déjà répandu parmi les érudits et les monastères, sinon dans les usages du public, tandis que le milieu du vine siècle ne connaissait guère cet usage de compter les années même dans les monastères ! On oublie trop que par ce fait nous ne connaissons ni la date de nais¬ sance de Pépin II, ni celle de Charles Martel, ni celle de Pépin le Rref, ni celles de Carloman Ier et de ses fils qui, à l'époque de leur naissance, étaient beaucoup plus en Vue que les fils de Pépin, qui n'était que le frère cadet du maire du palais dominant, c'est-à-dire Carloman. Ce n'est donc pas un hasard que seulement en 759 les annales officieuses, 123 pour la première fois, donnent l'année de naissance d'un prince carolingien, à savoir Pépin, frère de Charlemagne et de Carloman, qui mourut dès l'âge de deux ans — car maintenant c'est le prestige du détenteur unique de la dignité royale qui fait mentionner les dates concernant sa famille dans des annales désormais organisées selon le com-put de l'incarnation[16].

Retour à Eginhard

« Revenons à Eginhard. Non seulement il n'était contemporain que des dernières décennies de la vie de l'empereur, mais il écrivit, comme nous le savons aujourd'hui, seulement vers 830 [17]. Or, le biographe n'hésite pas à nous déclarer qu'il ne sait plus rien ni de la naissance ni de la jeunesse de Charles et qu'il ne connaît personne qui pourrait l'éclairer là-dessus ni des documents aptes à le faire[18]! En effet, ni les Annales royales, ni les historiographes de la famille carolingienne qui travaillaient sous les ordres des comtes Hildebrand et Nivelung (continuations du Pseudo-Frédégaire) n'en parlaient. Aucune des annales contemporaines du milieu du VIIIe siècle, comme nous allons le voir, ne donnait une date de naissance de Charlemagne. Voilà que pour une fois Eginhard est précis et nous dit la vérité, et on ne le croit pas. On nous dit : Eginhard veut cacher quelque chose. Et pourtant, étant donné qu'il est, en cet endroit de la biographie où il nous assure de ne plus rien savoir sur le jeune Charlemagne, en train de raconter les hauts faits de Pépin le Bref, et les débuts de Charles en 768 — pourquoi ne continue-t-il pas tout simplement à raconter l'histoire de Charles, sans revenir à sa naissance et à sa jeunesse ? C'est cela qui aurait été Vraiment habile pour cacher un secret. Mais le biographe fait le contraire et revient expressément 124 sur la naissance de son héros pour nous dire qu'il n'en sait rien. Or, son modèle littéraire était Suétone, qui parle dans les mêmes termes de la naissance, de l‘infantia, de la pueritia des empereurs, comme le signale d'une manière très commode l'édition d'Ëginhard par Halphen[19]. Eginhard, qui a choisi ce modèle pour que sa biographie soit vraiment digne d'un empereur aussi glorieux que les empereurs des anciens Romains — Eginhard sait qu'il aura des lecteurs connaissant leur Suétone. Il lui faut donc expliquer pourquoi, sur ces points là, il ne suit pas son modèle.

«Il ne reste plus qu'une seule énigme dans l'explication d'Ëginhard et qui a été évoquée souvent par les critiques. Pourquoi le biographe, tout en nous révélant au début de son œuvre son incapacité de donner des précisions sur la naissance de son héros, en donne, à la fin de la biographie, l'âge précis de soixante-douze ans qu'aurait eu Charles à sa mort? Cette contradiction apparente de ces deux affir¬ mations intriguait tellement les érudits qu'ils ont même prétendu, d'ailleurs à tort, que nativitas, dans l'affirmation première, ne voulait pas dire «naissance », mais, par exemple, «origines [20] ». La réponse est pourtant simple, et Halphen l'avait pratiquement déjà donnée. Dans son édition, il a parfaitement montré que le biographe, dans le passage sur la mort de l'empereur, ne fait que paraphraser les affirma¬ tions des Annales royales. (Rappelons, pour mieux comprendre les errements de la critique historique, que l'édition des Annales royales par Kurze, dans les Monumenta Germaniae historica, est basée sur l'hypothèse erronée que les Annales auraient utilisé la biographie d'Ëginhard, et que l'éditeur de cette biographie, le savant Holder-Egger, sait parfaite¬ ment que c'est le contraire qui est vrai, mais qu'il ne veut pas déparer la magnifique biographie par l'indication mes¬ quine des sources utilisées par Eginhard — et cela contraire¬ ment aux usages précieux introduits par les Monumenta 125 dans l'édition des textes [21] !) Or, les Annales royales disent que Charles avait «71 ans environ » au moment de sa mort. Éginhard, comme il l'a dit au début de sa biographie, n'a pas d'autres connaissances, mais il a un modèle littéraire, toujours Suétone, et celui-ci dit d'Auguste qu'il est mort septuagesimo et sexto aetatis anno. Il est donc absolument impossible pour Eginhard de reprendre le circiter peu classique des Annales royales. Alors, il fait de cet «environ 71 » des annales l'âge «précis » de soixante-douze ans, tout en suivant, quant à la forme, Suétone : anno aetatis suae septuagesimo secundo [22]. Ni l'une ni l'autre des affirmations des annales et de la biographie n'ont la moindre valeur en dehors du fait qu'elles indiquent, par leur flottement, qu'on ne savait pas l'âge précis de Charlemagne et qu'on le supposait être de l'ordre de soixante-dix ans. C'est donc l'inscription tumulaire qui, dans son imprécision, est le témoin le plus véridique. Rappelons ici nos remarques sur l'indication sexagenarius, ut credimus, donnée par Helgaud sur Robert II, et les notes données dans l'édition magistrale de cette source par M. Bautier, selon lesquelles nous avons toutes les raisons de supposer que Robert II, à sa mort, avait environ cinquante-huit ans[23]. Cela ne va pas trop mal avec ce septuagenarius de l'inscription, qui, s'il est né en avril 747, serait mort quelques mois avant avoir atteint l'âge de soixante-sept ans.

«A ceux qui douteraient encore du procédé que nous attribuons à Eginhard, nous rappelons qu'il a agi en ce qui concerne l'heure de la mort de l'empereur d'une manière identique. Ce que l'on savait et dont on se souvenait encore vers 830, c'était le fait que Charlemagne mourut à. l'aube : ... luce adveniente , comme dit Thégan, le biographe de Louis le Pieux. Le seul qui donne l'heure «précise », c'est encore Eginhard (et, évidemment, les sources postérieures basées sur lui). Et c'est encore Suétone qui nous 126 en donne l'explication. Il dit de la mort de son empereur : XI III. kal. septembr. hora diei nona, et Eginhard de dire pareillement : V. kal. febr. hora diei tertia[24]. Cette «précision » purement littéraire et rhétorique ne peut servir de base sérieuse pour la reconstruction des faits.

Dans les Annales Fuldenses antiquissimi

«Mais n'y a-t-il pas, à défaut d'Éginhard, des annales carolingiennes indiquant 742 comme l'année de naissance de Charles? Simson n'en faisait pas grand état, les jugeant tardives et d'une valeur plutôt médiocre. Or, il y a plus que cela. Non seulement aucune annale avant le ixe siècle ne donne cette date — les plus anciennes qui le donnent sont victimes d'une erreur curieuse. Il s'agit des Annales Fuldenses antiquissimi que Pertz avait éditées avec, pour 742, la phrase : Carolus rex Francorum, ce qui ne pouvait être dit que de Charlemagne et, par conséquent, devait s'appliquer à sa naissance. Et voilà que Sickel, dès 1865 (!), avait publié un mémoire dans lequel il démontrait que le manuscrit original de ces Annales qui, lui, date du vme siècle, donne : DCCXXXXII. + Karolus dux Francorum [25]. C'est donc la mort de Charles Martel, relatée avec une marge d'erreur minime (le grand-père de Charlemagne est mort le 22 octobre 741) et tout à fait normale dans les annales de l'époque, qui est à l'origine de cette «date de naissance » supposée d'un autre Charles. Ce n'est pas là une simple hypothèse de notre part. Nous avons deux manuscrits des mêmes annales, datant du ixe siècle, dans lesquelles on a remplacé le mot dux par celui de rex, en supprimant la croix avant le nom. Pour bien terminer ces constatations fâcheuses pour une science qui négligeait de tenir compte d'une découverte faite il y a plus de cent ans (et pourtant indiquée dans les Jahrbücher de Simson qui ne reconnut 127 pas, il est vrai, son importance), remarquons qu'il y a d'autres annales qui reprennent la mention originale d'une façon assez exacte : 742. Karolus. Et voilà que l'éditeur donne, entre parenthèses, en «améliorant » la source éditée : «natus est [26] »! Avouons qu'il devenait, après cela, difficile pour le chercheur, utilisant ces éditions pourtant estimées, de retrouver la vérité.

«Nous touchons ici à Un état d'esprit des érudits modernes qui devra devenir l'objet de notre critique rigoureuse aussi bien que les textes contemporains si nous voulons avoir une chance de bien comprendre ces derniers. En face de la mention, à l'année 747, de la nativitas de Charlemagne, Dom Bouquet, au xvine siècle, se basant sur les indications des meilleures sources concernant l'âge de Charlemagne à sa mort, constate : «uasci non potuit anno 747 ; sed eius «ortus in anno 742 necessario (!) collocandus est ». Au xixe siècle, Pertz, utilisant l'édition de Dom Bouquet, approuve implicitement le jugement de ce dernier et re¬ marque au sujet des Annales Laubacenses qui, elles aussi, donnent la date de 747 (en suivant les Annales Petaviani ) : «Karolum Magnum anno 742 natum esse, apud omnes «constat, nolui tarnen aliquid mutare (on l'a fait quelque-«fois, comme nous venons de le constater), quia annales «Petavianos in eundem errorem incidissi vidi [27]. » Quand l'érudit croit déjà connaître la vérité et ne se donne pas la peine d'expliquer les données divergentes présentées par les sources, ses chances de détecter la vérité s'amenuisent sin¬ gulièrement.

Dans les Annales Petaviani

«Nous allons reprendre maintenant l'examen des textes proposant la date de 747. Il n'y en a qu'un seul, les Annales Petaviani , car deux autres qui donnent aussi cette date en dépendent. Après tout, ce que nous avons dit sur la chance 128 minime qu'une date de naissance d'un fils de maire du palais soit notée selon l'ère de l'incarnation, il serait éton¬ nant qu'il en soit autrement. Il nous faudra même, dans le cours de notre examen, pouvoir expliquer comment cette date de 747, si elle a une valeur, a pu être notée et comment cette notice a pu survivre. Or, sous ce point de vue, les Annales Petaviani nous donnent un spectacle aussi étonnant qu'unique. Elles seules mentionnent non seulement les dates de naissance de Charlemagne et de Carloman pour les années 747 et 751, mais aussi celle de Gisèle, leur sœur (757), et celle de Pépin, fils de Carloman (770). Pour com¬ pléter ce beau tableau de chasse, citons la mention que Remigius, frère de Pépin III, et donc autre membre de la famille carolingienne, est devenu, en 755, évêque de Rouen1. Et voilà que toutes ces données sur cette dynastie, autant que nous pouvons les vérifier, s'avèrent d'une exactitude étonnante. Remigius fut évêque de Rouen en 755 comme nous le confirment les Gesta abbatum Fontanellensium, œuvre contemporaine. Gisèle naquit en 757, date confirmée par une lettre du pape Paul Ier. Le fils de Carloman, dont nous ne connaissons le nom que par nos annales, est Vrai¬ ment né en 770, car un autre pape parle, à cette époque, de la naissance d'un fils de Carloman2. On ne niera pas que ces constatations augmentent considérablement la valeur des indications pour le moment non contrôlables des mêmes annales, c'est-à-dire les deux naissances de Charlemagne et de Carloman en 747 et 751 respectivement, qui nous inté¬ ressent, évidemment, le plus. Des érudits qui, comme Hahn et Kurze, avaient fait ces mêmes constatations, en ont

1. Annales Petaviani, ed. Pertz, Mon. Germ, hist., dans Scriptores, t. 1, p. 11. Voir la citation complète de ces passages ci-dessous, p. 135. Pour les détails des éditions et des manuscrits de ces Annales, nous renvoyons à Werner, Geburtsdatum, p. 136 sqq.

2. Gesta abbatum Fontanellensium, ed. S. Loewenfeld, Hanovre, 1886, p. 36 = Gesta ss. patrum Fontanéllensis coenobii, ed. Doms F. Lohiers et J. Laporte, Rouen-Paris, 1936, p. 62 ; cf. L. Duchesne, Fastes épiscopaux de l'ancienne Gaule, t. 2, 2® éd., Paris, 1910, p. 209 sq. Quant à la confir¬ mation des dates de naissance de Gisèle et de Pépin par des lettres papales conservées dans le Codex Carolinus, ed. Mon. Germ, hist., dans Epistolae, t. 3, Berlin, 1892, nos 14 et 17, p. 511 sq. et 565 sq., voir aussi Werner, Geburts¬ datum, p. 140, η. 92, sur les datations qu'elles ont reçues par les érudits.

129

tiré nécessairement les mêmes conclusions : il faut prendre au sérieux les dates de 747 et de 751. Comment se fait-il que, malgré cela, l'affaire ne soit pas réglée depuis long¬ temps et la date de naissance de Charlemagne universel¬ lement acceptée soit toujours l'année 742? Comment se fait-il que Hahn lui-même a perdu beaucoup de sa convic¬ tion dans une publication ultérieure1?

«Le doute a été jeté sur l'authenticité des notices des Annales Petaviani concernant 747 et 751 par la critique de textes des différents éditeurs. Nous venons de voir com¬ ment Dom Bouquet et Pertz, étant convaincus à l'avance de 1' «erreur » commise par ces Annales, étaient d'accord qu'il devait s'agir d'une interpolation sans valeur. Or, ils pouvaient alléguer des arguments sérieux pour confirmer leur supposition. Car, s'il y a trois manuscrits plus ou moins complets qui nous conservent le texte des Annales Peta-viani, les mentions concernant la naissance des deux princes carolingiens ne se retrouvent que dans un seul ! Ce serait donc le scribe de celui-ci qui aurait introduit ces interpo¬ lations ou les aurait copiées sur un texte des Annales déjà interpolé. Par comble de malchance pour Hahn, cet érudit avait utilisé une source sans valeur pour défendre sa thèse de la naissance de Charlemagne en 747. La Translatio sancti Germant, comme Hahn la connaissait et comme Waitz allait encore l'éditer dans les Monumenta Germaniae historica, prétendait que Charlemagne, à l'âge de sept ans (puer sep-tennis), aurait été témoin de la translation du saint, ac-

1. Heinrich Hahn, Sur le lieu de naissance de Charlemagne , dans Mémoires couronnés et autres, publiés par l'Académie royale de Belgique, t. 11, Bruxelles, 1861, p. 76 sq. ; Friedrich Kurze, dans Neues Archiv, t. 28, 1903, p. 34 sq. Hahn était devenu moins affirmatif dans ses Jahrbücher des Fränkischen Reiches (741-752), Berlin, 1863, p. 240 sqq., où il ne défendait plus que l'éga¬ lité de chance de la date de 747 en face de celle de 742. Rappelons qu'à l'époque de la rédaction de ses ouvrages, il ne pouvait pas encore connaître le texte qui, en datant le mariage de Pépin III de 744, pouvait appuyer l'hypothèse d'une naissance de Charlemagne en 747 : les Annales Prumienses n'ayant été découvertes dans un manuscrit de Madrid qu'en 1887, date de leur pre¬ mière publication par A. Goldmann, dans le Neues Archiv, 12, 1887, p. 403-407.

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compagnée de miracles et que l'on datait de 754 — ce qui revenait, pour la naissance de Charlemagne, à 747 ! Fichte¬ nau a encore utilisé ce texte comme authentique et en a tiré des conclusions sur la psychologie religieuse de Charle¬ magne. Or, Krusch avait, entre temps, découvert le bon manuscrit de la translation et par là avait pu démontrer l'interpolation flagrante du passage consacré à Charlemagne. Krusch n'a pas manqué d'ironiser sur la thèse de Hahn, et par cela la supposition d'une naissance de Charlemagne en 747 semblait définitivement condamnée. En 1959 encore, Ganshof ne manquait pas de rappeler l'erreur de Hahn1.

«Mais on aurait pu arguer d'abord qu'une supposition erronée sur une autre source n'a, en soi, rien à voir avec la question de la valeur des notices contenues dans un des manuscrits des Annales Petaviani, ensuite que l'exactitude des données sur la famille carolingienne dans ce même manuscrit donnerait plutôt à penser qu'il conserve une tradition d'une grande valeur, sauvée de l'oubli par un hasard heureux, qu'à une interpolation. Car d'où un inter-polateur tardif et sans connaissances aurait-il pu avoir ces données précises et exactes, conservées dans aucune autre source? Là encore, c'est l'édition des Annales Peta-viani par Pertz qui a tranché la question. Car elle sépare nettement les indications concernant Gisèle, Remigius et le fils de Carloman de celles consacrées à Charlemagne et à Carloman. Pour ces deux dernières, elle indique qu'elles n'existent que dans un seul des manuscrits, appelé par Pertz «A ». Quant aux autres notices en question, elles se¬ raient, selon Pertz, données dans deux manuscrits, A et B, et ne manqueraient que dans le troisième, C, qui, lui, d'ailleurs, est incomplet. Nous serions donc en présence de notices «bonnes », confirmées par le meilleur manuscrit,

1. Translatio Germani episcopi Parisiaci, ed. G. Waitz, Mon. Germ, hist., dans Scriptores, t. 15, p. 5-8. C'est Holder-Egger qui fit, le premier, la dé¬ couverte de l'interpolation, dans Neues Archiv, t. 18, p. 274 sqq. La bonne édition par Krusch se trouve Mon. Germ, hist., dans Scriptores rerum Mero-vingicarum, t. 7, Hanovre et Leipzig, 1920, p. 422-428 ; cf l'introduction de l'éditeur p. 368 sq., et n. 4, sur les thèses de Hahn, Sur le lieu de naissance (voir la note précédente), p. 78 sqq. Cf. Fichtenau (ouvrage cité ci-dessus, p. 118, n. 1), p. 42 sq., et Ganshof (cité ci-dessus, p. 116, n. 3), p. 47. 131

mais aussi par celui qui a été l'objet d'interpolations, et de notices «mauvaises » ne se trouvant que dans le manus¬ crit interpolé1. Ces jugements de l'éditeur Pertz ont dominé jusqu'à nos jours l'état de la question et, étant donné le prestige que son édition des Petites annales carolingiennes conserve toujours 2, les historiens ne voyaient pas la moindre cause de revenir sur la question. Et cela d'autant moins qu'en 1841 Angelo Mai publiait un texte des Annales Peta-viani d'après un manuscrit romain, le Vaticanus Reginen-sis 520, qu'on devait tenir pour un manuscrit resté inconnu à Pertz et qui, lui non plus, ne contenait pas les passages de 747 et 751 sur les princes carolingiens 3.

1. Confronter les indications de Pertz dans le texte de son édition des Annales Petaviani, Mon. Germ, hist., dans Scriptores, t. 1, p. 11 sq., et dans son introduction, Ibid., p. 5.

2. Il suffit, à cet égard, de citer le passage, consacré à cette édition des pe¬ tites annales carolingiennes de Pertz, dans le manuel des sources du haut Moyen Age, le Wattenbach-Levison, Deutschlands Geschichtsquellen im Mittelalter, dans Vorzeit und Karolinger, fasc. 2, Weimar, 1953, p. 181, où le rédacteur de cette dernière édition, Wilhelm Levison, reprend textuelle¬ ment, sauf un changement à la fin du passage, le jugement donné dès les 4e, 5e et 7e éditions du Wattenbach, pour ne pas citer que ceux-ci, parus respectivement en 1877, 1885 et 1904. S'il y a des reproches à formuler, ils s'adressent moins à un érudit dont les éditions faites dès 1826 ont beau¬ coup de mérites, qu'à ceux qui se sont basés tranquillement et pendant un siècle et demi, sur le texte donné par Pertz, en échafaudant une masse con¬ sidérable d'hypothèses sur ces annales sans se donner la peine de les vérifier sur les manuscrits. Je cite, pour montrer que je ne suis pas le seul à le cons¬ tater, les remarques du regretté Lothar Boschen, dans l'avant-propos de son livre cité p. 117, n. 2 : «(Il ne pouvait pas recourir toujours aux ma¬ nuscrits) Wo jedoch die Handschriften selbst oder Mikrofilme benutzt wor¬ den sind, ist das Misstrauen, das gegenüber den älteren Annaleneditionen ohnehin geboten erscheint, nur bestärkt worden. » Quand je rédigeais la version allemande de mon étude, je ne disposais pas encore du livre de Bos¬ chen. Terminons ces remarques un peu désabusées par le constat suivant : le nouveau Repertorium Fontium Historiae Medii Aevi, dont personne ne niera la valeur et l'extrême utilité, donne sur les manuscrits des Annales Petaviani rien qu'un renvoi sur l'introduction de l'édition de Pertz (t. 2, Rome, 1967, p. 315, col. 1). Le collaborateur du Repertorium était donc si convaincu de la valeur de cette édition, qu'il n'a même pas remarqué que cette introduction ne donne pas les cotes des manuscrits en question. Or, la première édition du Potthast, dont le Repertorium est appelé à remplacer la seconde, parue en 1896, nous cite les cotes exactes de deux manuscrits de ces annales dès 1862 (August Potthast, Bibliotheca historica Medii Aeci, Berlin, 1862, p. 134, col. 2).

3. Angelo Mai, Spicïlegium Romanum, t. 6, Rome, 1841, p. 180-190,

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«Tout dépend donc de l'exactitude de l'édition de Pertz et, pour terminer notre enquête, il nous faut bien entrer dans les détails concernant les manuscrits des Annales Peta¬ viani. Or, si tout le monde était d'accord de faire les louanges des éditions pertziennes des annales carolingiennes, un autre éditeur et médiéviste éminent, Georg Waitz, successeur de Pertz dans la direction des Monumenta Germaniae His-torica, n'a pas hésité à émettre des doutes sérieux quant à l'utilisation des manuscrits de nos annales par Pertz. Par une perspicacité remarquable, Waitz a reconnu, sans avoir vu le manuscrit en question, que le texte publié par Mai, c'est-à-dire le manuscrit romain, doit être identique avec le manuscrit «Β » de Pertz qui avait appartenu à Alexandre Petau, ce qui a valu aux Annales leur nom érudit «Petaviani ». Lors d'une visite à Rome, Waitz a pu confirmer sa thèse qui, pourtant, n'a pas provoqué la révision de l'édition des Annales Petaviani qui s'imposait1. Or, la découverte de Waitz révèle que les indications de l'édition de Pertz sur le contenu du manuscrit «Β » ne correspondent souvent pas au contenu du manuscrit romain, pourtant identique avec B. Seule conclusion possible : Pertz n'a pas tenu compte de ce manuscrit, il ne l'a jamais vu. Il a pris les lectures de ce manuscrit dans l'édition de nos annales faite par André Duchesne d'après un Codex Petavianus (dont nous sommes en train de parler) et un Codex Tilianus, ainsi nommé d'après

sous le titre Fasti Karolini — il ne semble pas encore avoir identifié ce texte comme étant une version des Annales Bertiniani. Le manuscrit de Rome provenait de l'abbaye de Corbie — ■ Kurze, dans Neues Archiv, t. 28, 1903, p. 33, en fait par erreur un manuscrit de Korvey en Saxe, c'est-à-dire de la Nova Corbeia.

1. G. Waitz, Uber die «Annales Petaviani » und Mosellani, dans Nach¬ richten von der Kgl. Gesellschaft der Wissenschaften··· zu Göllingen, 1875, n° 1, p. 1-17, surtout p. 4 et η. 1 ; cf. le même, dans Neues Archiv, t. 2, p. 329, et les remarques de Isaac Bernays, Zur Kritik karolingischer Annalen, Stras¬ bourg, 1883, p. 86 sqq. Il est significatif que Simson, Jahrbücher, p. 12, n. 3, à l'endroit décisif où il parle du fait que 747 n'est donné comme année de naissance de Charlemagne que dans un seul des manuscrits des Annales Petaviani, se garde de préciser dans lequel ! Il cite l'article de Waitz, sans plus, sachant que, là-dedans, on dit que le manuscrit B, dans lequel, selon Pertz, se trouve ce passage, est identique au manuscrit de Rome qui, lui, ne le contient pas !

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son propriétaire, Jean du Tillet, évêque de Meaux et grand collectionneur de manuscrits, mort en 1570 *. Tout en dé¬ nommant ces manuscrits d'une manière critique et utile «A », pour le Tilianus, et «Β » pour le Petavianus, Pertz n'a donc pas vu ce dernier et «choisi » les lectures sur l'édi¬ tion de Duchesne avec un succès inégal. Cette hypothèse que Pertz, dont nous connaissons les mérites qu'il a eu, en d'autres cas, par la découverte ou la bonne interprétation de nombreux manuscrits, n'aurait pas vu tous les manuscrits des Annales Petaviani , se trouve confirmée par une obser¬ vation très simple. Dans l'édition de 1823, parue dans le tome Ier des Monumenta, Pertz ne donne malheureusement pas de cotes des manuscrits «A », «Β » et «C ». Bien sûr, il les désigne comme Tilianus, Petavianus (deux noms don¬ nés par l'édition de Duchesne) et Masciacensis (ce dernier, un nom donné par l'éditeur de la version donnée par un manuscrit provenant de l'abbaye de Massay en Berri et publiée par Philippe Labbé), mais il ne nous dit pas les bibliothèques dans lesquelles ils se trouvaient en 1826. Or, dans le tome III des Monumenta, Pertz donne des recti¬ fications concernant le Masciacensis, le manuscrit «C », d'après l'inspection de son manuscrit qu'il a vu lui-même, après l'édition de 1823, et dont il nous révèle maintenant la cote : c'est le ms. 50 de la Bibliothèque universitaire de Genève 2. Il est donc facile de se convaincre que Pertz n'a pas vu non plus le dernier des manuscrits en question, «A », le Codex Tilianus qui n'est autre que le ms. lat. 4995

1. A. Duchesne, Historiae Francorum Scriplores, t. 2, Paris, 1636, p. 6-10, sous le titre Annales alii Francorum, ab anno 708. usque ad annum 800. Ces «autres Annales » qui sont précédées dans cette édition par les Annales surnommées plus tard Annales Nazariani, n'ont reçu le nom de Petaviani que par l'édition de Dom Bouquet, H. F., t. 2, p. 641 sq. Sur Jean du Tillet, voir les observations de K. A. Eckhardt, dans son édition du Pactus Legis Salicae, Monum. Germ, hist., dans Leges nalionum Germanicarum, t. IV, 1, Hanovre, 1962, p. xxvn sq.

2. Le texte du manuscrit provenant de Massay a été utilisé par Pertz dans le t. 1 des Scriplores d'après l'édition de Ph. Labbe, Nova bibliotheca mss. librorum, t. 2, Paris, 1675, p. 733-736 ; d'après le manuscrit dans le t. 3 des Scriplores, Hanovre, 1839, p. 169 sq.

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de la Bibliothèque nationale à Paris. Nous avons comparé ces trois manuscrits et découvert de multiples erreurs dans l'édition de Pertz qu'il serait inutile d'énumérer ici et dont on ne s'étonnera plus après ce que nous venons de re¬ later x.

«Ce qui importe pour nous, c'est la solution de l'énigme concernant les passages jugés comme «mauvais » par Pertz et séparés, par lui, des passages «bons » sur les autres membres de la famille carolingienne. Constatons les faits : ce n'est pas du tout dans le manuscrit «Β » que se trouvent les mentions concernant la famille carolingienne, mauvaises ou bonnes, comme l'a cru Pertz, mais dans le manuscrit «A », celui de Paris. Mais surtout, elles s'y trouvent toutes, c'est-à-dire sans la moindre différence pour les mentions de 747 et 751 et pour les autres concernant 757, 770 et 755. D'autre part, toutes ces mentions sont tout à fait étrangères au manuscrit «Β », de Rome, et au manuscrit «C », de Genève, dont il faut dire qu'il est un témoin misérable des Annales Petaviani , fort incomplet, ce qui n'était pas indiqué par Pertz dans la mesure désirable pour une bonne édition2. Il n'y a donc jamais eu «interpolation » des deux dates de 747 et 751, mais seulement conservation d'un ensemble de notices concernant la dynastie carolingienne, ensemble ex¬ trêmement précis et conservé par l'heureux hasard qui l'a fait être copié dans une des versions des Annales Petaviani et conservé, par cela, jusqu'à nos jours.

Un examen du manuscrit latin 4995

«Après ces éclaircissements, nous pouvons reprendre l'analyse de ces passages précieux, pour mieux en com¬ prendre le contenu et, peut-être, en dégager une hypothèse valable sur la date et les circonstances qui les ont vu naître.

1. Nous en donnons des exemples dans Werner, Geburtsdatum, p. 144, η. Ill, et p. 145, η. 112.

2. Le fait, par exemple, que le Codex Masciacensis ne débute qu'avec l'année 726 pour des annales qui commencent au plus tard avec l'an 708 n'est pas indiqué par Pertz, ni au t. 1 ni au t. 3 des Scriptores, après qu'il eut connaissance du manuscrit. Ce fait est pourtant indiqué déjà par Doin Bouquet, H. F., t. 2, p. 641, il. a. Pour notre utilisation de ce manuscrit à la Bibliothèque universitaire de Genève, nous tenons à remercier M. Phi¬ lippe Monnier, conservateur au Département des manuscrits, qui nous a beaucoup aidé.

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Reproduisons donc ici ces quelques phrases qui se distinguent du texte des Annales Petaviani par le fait qu'ils ne sont données que dans le ms. lat. 4995 de la Bibliothèque nationale :

747 : ... et ipso anno fuit natus Karolus rex.

751 : ... et fuit natus Karolomannus rex.

755 : In hoc anno domnus Remedius adeptus est sedem ecclesie Rotomagense, et Pipinus superauit Longobardos, cum magno munere reuersus est in regno suo.

756 : ... et superauit Saxones... (se. Pippinus ).

757 : In eodem anno moritur Stephanus papa et natiuitas Gislane...

770 : natiuitas Pipino filio Karlemanni1 . . .

«Le simple fait que les «interpolations » s'arrêtent à 770, et cela dans le contexte d'annales allant jusqu'à l'an 799, donne à penser que nous sommes en présence de notes prises en 770 ou peu après et intégrées ultérieurement dans nos annales. Une autre observation mène plus loin. En nous rappelant les circonstances particulièrement tragiques qui accompagnaient la disparition de la veuve du roi Car-loman et de ses enfants après la mort de celui-ci survenu

i. Nous donnons le texte d'après le manuscrit, le ms. lat. 4995 de la Bi¬ bliothèque nationale, où il se trouve au fol. 2 v°-3 v°. Ce n'est pas ici le lieu de s'étendre sur le caractère des Annales Petaviani en général. Soulignons seulement que le manuscrit que nous venons de citer contient exclusivement des textes juridiques (commentaires, capitulaires — dont celui de 803, Mon. Germ, hist., dans Capitularia, t. 1, n° 39, nous fait reconnaître que notre manuscrit, donnant seul un prologue important concernant le comte de Paris, provient de la région parisienne), précédés par nos Annales. Or, aussi le Petavianus, Je God. Reginensis 520, contient des textes de ce genre, entre autres la Decretio Childeberti et une partie du Pactus pro lenore pacis. Et un manuscrit perdu des Annales, mais signalé et cité par Pierre Pithou, Annalium et historiae Francorum ab a. Christi 708. ad annum 990. Scriptores coaetanei XII, Paris, 1588, sur la feuille précédant la première page, et cité par Pertz, Scriptores, t. 1, p. 5, était «ex antiquissimo co dice legis Salieae cui subiunctum fuit chronicon (c'est-à-dire nos annaJes) ad annum 799 ». Tout cela porte à croire, étant donné que le Masciacensis de Genève, dont Eckhardt (voir ci-dessus, p. 133, n. 1), p. x, prétend à tort qu'il contenait aussi des textes législatifs, n'était qu'une copie postérieure et défectueuse, que les Annales Petaviani, dont on a déjà signalé, dans la critique des sources, le caractère général et non localisé, étaient le résultat d'un travail quasi érudit pour donner une chronologie des rois carolingiens, accompagnant les textes législatifs émanés des rois.

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14 juin

le 4 décembre 771 et la prise de pouvoir de Gharlemagne dans le royaume de son frère cadet, nous constaterons tout de suite qu'aucun auteur ou annaliste sensiblement posté¬ rieur à cette mort et à l'anéantissement de la lignée de Car-loman ne pouvait avoir intérêt à parler de la naissance de Pépin, fils de Carloman. Rappelons que l'essai du roi lom¬ bard de gagner le pape à la cause des fils de Carloman, acte hostile à Charlemagne, a été neutralisé immédiatement par ce dernier1. Tout porte donc à supposer dans ces notes sur les dates de vie de personnages appartenant à la dynastie ca¬ rolingienne les traces d'une activité annalistiqUe proche de la cour de Carloman, activité qui prit fin immédiatement après la fin de ce roi. Sont cités dans ces notes le père de Carloman, Pépin, son oncle Remedius /Remigius, son frère Charles, sa sœur Gisèle et finalement son fils Pépin. Étant donné l'unité de ce «bloc » de notices, conservé dans un seul manuscrit et ne paraissant pas ailleurs, nous n'avons plus aucun motif de mettre en doute la valeur des indications sur 747 et 751 qui doivent être aussi précises que celles sur 755, 757 et 770. Quelle ironie de l'histoire que la Vraie date de nais¬ sance de Charlemagne nous soit conservée par des notes prises dans l'entourage de Carloman, l'ennemi sans fortune de celui qui allait être le seul roi des Francs et le chef d'un nouvel Empire.

«Est-ce que nous disposons, en dehors de ces éclaircis¬ sements que nous avons pu donner sur les Annales Peta-viani et les erreurs dont elles ont été l'objet, d'un texte qui confirmerait qu'avec la date de 747 nous détenons vraiment la vérité sur l'époque de naissance de Charlemagne? Ce texte existe, et il a même été signalé depuis longtemps — aussi pouvons-nous avouer n'avoir découvert que des erreurs. C'est Mühlbacher qui, d'une manière malheureuse¬ ment trop dédaigneuse et par là moins efficace, a utilisé ce témoignage. Il s'agit de la lettre que le prêtre irlandais Cathuulf adressait, vers 775, à Charles, roi encore jeune, auquel il rappelle les bienfaits de Dieu dont il a été l'objet.

1. Cf. Peter Classen, Karl der Grosse, das Papsttum und Byzanz, dans Karl der Grosse, publié par W. BraunfeJs, Düsseldorf, 1965, 3e éd. (vendue aussi séparément), 1967, p. 547 sq., et Werner, Geburtsdatum, p. 153.

Κ. F. WERNER. — -DATE DE NAISSANCE DE CHARLEMAGNE 137

Parmi ceux-là, à côté du fait que Dieu a laissé mourir son frère Carloman avant lui (!), Cathuulf parle du fait que Charles doit sa vie même d'une manière particulière à l'ac¬ tion de Dieu, en rappelant les prières solennelles que ses parents firent faire pour avoir leur premier fils. Mühiba cher, qui, tout en soutenant l'année de naissance 742, ne voulait absolument pas admettre la naissance illégitime à Charle¬ magne, se contentait de plaisanter, en tirant profit de ce texte : généralement, les bâtards ne sont pas appelés par l'effusion de prières 1. Mais il aurait dû insister sur un argu¬ ment absolument tranchant. Si, vers 775, longtemps avant toutes les autres sources dont nous disposons à ce sujet, Cathuulf écrit à son très cher Charles (Carolo carissimo) que son père et surtout sa mère avaient eu recours à des prières spéciales pour avoir des enfants, dont Charles sera le premier (illorum namque precum specialiter Deum peten-tîum, maxime matris, sicut Deo placuit inde, conceptus...), l'hypothèse de la liaison illégitime des parents tombe ipso facto, car il était impensable que l'Église ait procédé à des prières pour un concubinat qu'elle n'acceptait pas, même s'il s'agissait d'une «Friedelehe » entre le maire du palais et une dame noble. Mieux encore : si Pépin et Berthe ont jugé nécessaire d'implorer une progéniture auprès du Sei¬ gneur, il est évident qu'après leur mariage ils n'eurent pas d'enfant dans les délais habituels. Si nous nous rappelons qu'un texte provenant de l'abbaye de Prüm, fondée par la grand-mère de Bertrade et propriété spéciale de Pépin, indique l'an 744 comme celui du mariage de Pépin et Berthe 2,

1. Mühlbacher (ouvrage cité ci-dessus, p. 119, n. 1), p. 83 sq. — 1 La lettre de Cathuulf est publiée par E. Dümmler, Mon. Germ, hist., dans Epistulae, t. 4, Berlin, 1895, p. 501-505, le passage nous intéressant ici et cité par nous un peu plus bas, se trouvant p. 502.

2. Il s'agit de la notice donnée par les Annales Prumienses et citée ci-dessus, p. 117, n. 2. Déjà Ganshof (ouvrage cité ci-dessus, p. 116, n. 3), p. 51, soulignait la valeur d'une notice venant de Prüm et la préférait à la date de 749, donnée par les Annales Bertiniani pour le mariage de Pépin. Bos-chen (ouvrage cité ci-dessus, p. 117, n. 2), p. 188, conclut, lui aussi : «Die Nachricht aus Prüm kann··· auf eine zuverlässige lokale Uberlieferung des Klosters zurückgehen. » La main «h » qui l'a intégrée dans le manuscrit appartient, comme le montre Boschen, à un auteur qui travaille dans la première moitié du xe siècle, à Prüm.

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14 JUIN

nous voilà en concordance parfaite avec la naissance du premier enfant, Charles, le 2 avril 747.

«Il y a d'autres choses qui, maintenant, s'expliquent mieux. La date de 751 s'avérant exacte pour la naissance de Carloman, on comprend pourquoi Pépin, dans un acte non daté, mais datable par les érudits entre 750 et 751 (il est le dernier que nous ayons du maire du Palais Pépin, avant son accession à la dignité royale), parle de ses enfants au pluriel, et cela pour la première fois. Pépin, devenu roi en octobre 751, l'acte est donc de 751 (date de naissance de Carloman), mais avant le mois d'octobre1. Ce petit fait a son importance. Carloman, non seulement ne se distingue pas de Charles par une union plus légitime de ses parents au moment de sa naissance, il est aussi, comme Charles, né d'un maire de Palais, et non d'un roi.

«Récemment, un des meilleurs spécialistes de l'histoire carolingienne, Peter Classen, en soulignant dans un article important sur la succession royale les mariages très précoces des princes carolingiens, s'étonnait du fait que Charlemagne aurait eu vingt-huit ans au moment de son premier mariage officiel, si l'opinion de Ganshof sur sa naissance en 742 était valable. Nous savons maintenant qu'il n'avait que vingt-trois ans. Déjà Mühlbacher était en difficulté devant la vie d'un prince qui aurait vécu vingt-six ans avant d'accéder au trône et dont les sources ne parlent guère — image peut ressemblante du vigoureux Charlemagne. Ces observations ont amené cet historien si solide à des suppositions absolument gratuites : «Peut-être Charles ne «pouvait-il pas se souvenir de ses années de jeune homme «avec beaucoup de plaisir, période qui le voyait condamné «à l'inactivité aussi longtemps que son père vivait. » Mais Charles n'avait que vingt et un ans, en 768, et le silence relatif des sources sur ses activités avant cette date s'ex¬ plique parfaitement. C'est à l'âge de vingt-quatre ans qu'il prit en main la totalité de la monarchie franque, après la

1. Sur cet acte, voir on dernier lieu Ingrid Heidrieh, Titulatur und Ur¬ kunden der arnulfingischen Hausmeier, dans Archiv für Diplomatik, t. 11 /12, 1965-1966, n° A 21, p. 246. Cf. aussi Mühlbacher, Regesten (ci-dessus, p. 121, n. 1), n° 58.

Κ. F. WERNER. — · DATE DE NAISSANCE DE CHARLEMAGNE 139

mort de son frère qui, malgré l'âge de vingt ans seulement à sa mort, avait déjà eu deux enfants d'un mariage légitime1. A vingt-sept ans, Charles est roi des Lombards, et il ceint la couronne impériale en homme de cinquante-trois ans. Dans la première jeunesse des deux frères, finalement, on comprend mieux pourquoi, lors de la réception du pape Etienne par les envoyés de Pépin le menant au palais de Ponthion (fin 753, début 754), Charles seul est de la partie et non son frère Carloman : celui-ci n'avait que deux ans2!

Le mariage de Berthe et Pépin

«Mais revenons aux parents et à l'importance politique de leur mariage. Que Berthe /Bertrada, issue d'une des familles les plus nobles du royaume et dont le père, comte de Laon, portait le nom mérovingien de Charibert, ait consenti à une union non légitimée avec Pépin était une supposition assez invraisemblable. Nous savons maintenant qu'il s'agissait d'un mariage de plein droit, célébré en 744 par le plus jeune des maires du palais à l'âge d'environ trente ans3. Cette date plus précise nous permet également de mieux situer les circonstances et la portée politique de cette alliance. Par une thèse préparée sous ma direction à l'Université de Mannheim par M. Schüssler, ainsi que par une découverte que je pouvais faire, à ce sujet, moi-même, nous connaîtrons plus exactement les frontières des territoires gouvernés respectivement par Pépin III et son frère Car-loman. En dehors de la Neustrie, qu'on lui attribue généralement, Pépin commandait aussi dans tout le ducatus Mosellensis, dont faisaient partie les villes importantes de Metz et de Trêves. D'autre part, Garloman, en dehors de l'Austrasie et des régions à l'est du Rhin, semble avoir administré tout le territoire au nord-est de l'ancienne Neustrie jusqu'à

1. Peter Classen, Karl der Grosse und die Thronfolge im Frankenreich, dans Festschrift für Hermann Heimpel, t. 3, Goettingue, 1972, p. 109-134 ; le passage en question, p. 112 et n. 18. — -La citation d'après Mühlbacher (ouvrage cité ci-dessus, p. 119, n. 1) se trouve à la p. 85. — Sur les deux en¬ fants de Carloman, voir Werner, Geburtsdalum, p. 153, n. 143.

2. Cf. Werner, Geburtsdatum, p. 152.

3. Le père de Bertrade nous est indiqué par les Annales Beriiniani , voir ci-dessus, p. 117, n. 2. L'année approximative de la naissance de Pépin (vers 714) et partant son âge en 744 résulte de remarques concernant son âge au moment de sa mort, en 768 ; cf. Mühibaeher, Regesten, n° 53 g.

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l'embouchure de la Seine. Et voilà que Pépin se lia avec la fille du comte de Laon et avec une famille qui avait des possessions très étendues en Eifel, près de la région de Trêves1. Quant à la date de ce mariage, elle coïncide avec le début d'une politique plus indépendante de la part de Pépin qu'on voyait agir, jusqu'à, 744, dans le sillage de la politique de son frère aîné. C'était Carloman qui avait lancé l'influence prépondérante de saint Boniface et de ses compagnons anglo-saxons dans l'Église et dans la réforme appliquée à elle. Theodor Schieffer, dans son ouvrage ma¬ gistral sur saint Boniface, souligne à plusieurs reprises qu'en 744 c'en était fini de l'influence de la réforme boni-facienne dans le territoire de Pépin. Et Schieffer de con¬ clure : il faut y voir l'influence de l'aristocratie franque sans qu'on puisse en apercevoir les détails 2. C'est cette aristocra¬ tie, avec laquelle Pépin avait fait son alliance en 744, qui réus¬ sit à obtenir une réforme ecclésiastique proprement franque et plus conciliable avec ses intérêts. Elle semble avoir causé, au moins partiellement, la crise politique de Carloman qui mena à son abdication et ouvrit la voie vers la royauté au mari de Bertrade qui a toujours su gagner un assenti¬ ment assez large de l'aristocratie pour sa politique. Vu sous ce jour, le rôle politique prépondérant joué par Bertrade

1. Un diplôme de Charlemagne relatant un jugement en faveur de l'abbaye de Mettlach (sur la Sarre) permet, comme nous l'avons montré dans Geburtsdatum, p. 155, n. 148, à établir que Pépin a succédé, dans la région de Trêves et Metz, à son père Charles-Martel, et cela immédiatement, et non seulement après la démission de son frère Carloman comme maire du palais (Mon. Germ, hist., dans Diplomata Karolinorum, t. 1, n° 148, p. 201 sq.). Par cela se dissout la difficulté que Theodor Schieiïer, Angelsachsen und Franken. Zwei Studien zur Kirchengeschichte des 8. Jahrhunderts, Abhand¬ lungen der Mainzer Akademie der Wissenschaften, 1950, n° 20, p. 1458, n. 1, a voulu voir dans le fait de la nomination de Chrodegang comme évêque de Metz dès 742. Il a voulu supposer qu'elle ne prit lieu en 747, après la prise de pouvoir de Pépin à Metz, qu'il croyait plus tardive — étant donné que Chrodegang était un partisan fidèle de Pépin. — Sur les possessions de la famille de Bertrade, voir surtout Eduard Hlawitschka, Zur landschaft¬ lichen Herkunft der Karolinger, dans Rheinische Viertel] ahrsblälter, t. 27, 1962, p. 1 sqq., et, du même, Merowingerblut bei den Karolingern ?, dans Adel und Kirche. Gerd Tellenbach zum 65. Geburtstag, Fribourg (Bade), 1968, p. 72 sqq.

2. Th. Schieffer, Winfried-Bonifatius und die christliche Grundlegung Eu¬ ropas, Fribourg, 1954, p. 225 sqq.

Κ. F. WERNER. --DATE DE NAISSANCE DE CHARLEMAGNE 141

après la mort de Pépin nous étonnera moins. Tout cela donne à penser que cette femme et son arrière-fond aris¬ tocratique ont été importants pour les débuts de la royauté des Carolingiens, dont elle était la première reine.

Conclusions

«Résumons nos conclusions. En 814, à la mort de Charle¬ magne, on ne connaissait pas exactement l'âge qu'avait atteint l'empereur ni, par conséquent, l'année de sa nais¬ sance. On se bornait à indiquer qu'il avait quitté ce monde à l'âge d'environ soixante-dix ans. Eginhard, qui a écrit sa biographie plus tard, vers 830, confirme que lui aussi ne sait rien de précis sur la naissance de son héros. Mais, obligé de suivre son modèle littéraire, Suétone, afin d'ériger un monument digne à la gra,ndeur de l'empereur, il donne finalement l'âge «précis » et l'heure de mort «précise » comme Suétone l'avait fait pour Auguste. Or, depuis le ixe siècle, il se trouvait des gens qui prenaient à la lettre l'affirmation d'Éginhard que Charlemagne avait atteint l'âge de soixante-douze a,ns, et qui, par calcul, en arrivaient à la date de 742 pour la naissance de l'empereur. Quelques-uns, en faisant cela, pouvaient même profiter d'un hasard curieux, c'est-à-dire de la mention de la mort de Charles (Martel) à l'année de 742 (au lieu de 741), pour la changer, ou bien la méprendre, pour la mention de la naissance de son petit-fils. Quoi qu'il en soit, la conviction de tenir là la date exacte de la naissance de Charlemagne était si grande que des érudits des xvine et xixe siècles en arrivèrent à condamner, jusque dans l'arrangement et les commentaires de leurs éditions, les sources qui osaient affirmer une autre date, celle de 747. L'avis favorable donné à cette date ici ou là, par exemple, au xvne siècle par Charles Le Cointe1, au xixe par Hahn, n'avait aucune chance de s'imposer. Or, dans les années 80 du siècle dernier, la découverte des An¬ nales Prumienses dans un manuscrit de Madrid livrait une date de mariage des parents de Charlemagne, 744, qui semblait confirmer définitivement une possibilité indiquée vaguement par une seule version des Annales royales , con¬ servée dans les Annales de Saint-Bertin, c'est-à-dire la nais-

1. Ch. Le Cointe, Annales ecclesiasiici Francorum , t. 5, Paris, 1673, p. 175.

142

21 JUIN

sance de Charlemagne avant l'union légitime de Pépin et de Bertrade. Depuis cette époque, la large majorité des historiens, convaincue de l'exactitude de 742 comme année de naissance, était bien obligée d'admettre la «bâtardise » de Charlemagne. Quelques-uns, il est vrai, préféraient ne pas en parler, en adoptant une attitude que la critique historique supposait avoir été celle d' Eginhard ! Il s'est donc créé un mythe qui a la particularité de ne pas être Un mythe authentique, expression de la façon de sentir des contemporains, mais un mythe artificiel, inventé par une science dont la tâche est précisément de détruire les mythes, mais aussi de les comprendre. Essayons donc de comprendre, de tirer la leçon d'une erreur qui se base, comme nous venons de le constater, sur toute une série de bévues, d'inexactitudes, d'utilisation de données point contrôlées. L'historien est guetté partout par l'erreur, de¬ puis les constatations du premier témoin des événements et des faits, à travers les fautes de lecture, d'écriture et d'interprétation jusqu'aux hypothèses erronées et pas suffi¬ samment «falsifiées », c'est-à-dire réfutées par une véri¬ fication stricte. C'est donc une leçon de modestie — et de circonspection en face de résultats de notre discipline qui nous sont présentés comme définitivement acquis — · que nous tirons de ces observations qui nous ont permis non seule¬ ment de dégager l'époque de naissance de Charlemagne parvenu à nos jours par des notes parfaitement authentiques dans un manuscrit de la Bibliothèque nationale, mais aussi l'importance d'un mariage politique qui, loin d'avoir été illégitime, était à la base et de la royauté carolingienne et de la naissance du plus grand de ses souverains. »

Discusssion

M. J. Boussard, m. r., remarque que l'édition de Labbé est très médiocre et de peu de valeur.

M. A. Boutemy, a. c. é., note que l'extraordinaire est que jusqu'à maintenant personne ne se soit reporté aux manuscrits originaux.

M. M. François, m. r., s'associe à tout ce qu'a dit M. Werner et approuve la critique qui a été faite des publications faites jusqu'ici des annales.

M. P. Riche, a. c. n., dit qu'on a, attribué la médiocre éduca¬ tion de Charlemagne à sa soit-disant bâtardise.

M. J.-P. Lemarignier, m. r. , se rallie à, l'opinion de M. Wer¬ ner. La mentalité des rédacteurs des Annales est à rechercher dans le fait que ces rédacteurs passent volontiers sur certains faits gênants. Il y a un très grand intérêt au fait que les co¬ pistes des textes législatifs insèrent en tête des tables chronolo¬ giques portant la date de naissance des personnages royaux alors au pouvoir. En ce qui concerne la «pseudo-bâtardise » de Charle¬ magne, est-ce que la législation canonique sur le mariage et la légitimité ne serait pas venue de cette «bâtardise » ?

M. R.-H. Bautier, m. r., félicite M. Werner de cette excel¬ lente leçon d'histoire et de critique des textes publiés dans des éditions anciennes et insuffisantes et trop souvent reproduites sans critique. Il faudrait absolument, comme le préconise M. Wer¬ ner, en revenir aux textes authentiques et aux manuscrits exis¬ tants et non se contenter d'en référer à Pertz dont il faut se méfier et éviter de l'utiliser.

Notes de l'article

  1. (page 116, note 1) Voir K. F. Werner, Das Geburlsdatum Karls des Grossen (cité dorénavant «Geburtsdatum »), dans Francia (nouvelle revue de l'Institut historique allemand à Paris), t. 1, Munich, 1973, p. 115-157, article qui donne des citations plus larges des sources imprimées et manuscrites et des travaux modernes. Cela n'empêche pas que nous considérons cette version française que nous avons eu l'honneur de présenter à la Société des Antiquaires de France comme une édition non seulement différente, mais améliorée, car nous pouvions disposer de quelques éléments qui nous étaient encore inconnus au moment de la rédaction de l'article en allemand, et la forme que nous avons pu donner aux développements de notre enquête, profitant d'un certain recul, nous paraît être plus claire et ordonnée.
  2. (page 116, note 2) Le premier à signaler ce texte « a nemine hactenus observatus » a été Jean Mabillon, De re diplomatica, Supplementum, cap. 9, Paris, 1704, p. 38. Le manuscrit de Lorsch est aujourd'hui le ms. Phillips 1869 de la Staatsbibliothek de Berlin.
  3. (page 116, note 3) Cf. F.-L. Ganshof, Over de Geboorledalum van Karel de Grote, dans Dancwerc. Opstellen aangeboden aan prof. Dr D. Enklaar, Groningue, 1959, p. 45 et n. 8. C'est l'éminent érudit belge qui a provoqué l'expertise de M. Bernhard Bischoff.
  4. (page 117, note 1)Voir la note précédente, Ganshof, p. 49. Un choix de prises de positions pour 742 donne Werner, Geburlsdatum, p. 115, n. 1.
  5. (page 117, note 2) Annales Prumienses, ed O. Holder-Egger, Mon. Germ, hist., dans Scrip-lores, t. XV, 2, p. 1290 : 744. [ Cojniunctio Pippini regis et Berirade regine. Une nouvelle édition sensiblement améliorée de ces Annales vient d'être établie par le regretté Lothar Boschen, dans son livre Die Annales Prumienses, Düsseldorf, 1972, p. 78 sqq., le passage cité s'y trouvant p. 79. — · Annales Bertiniani, ed G. Waitz, Hanovre, 1883, p. 1 : 749. Pippinus con-iugem duxil Berlradam cognomine Berlam Cariberti Laudunensis comitis filiam. La nouvelle édition critique do ces Annales par Félix Grat, Jeanne Vielliard, Suzanne Clémencet et Léon Levillain, Annales de Sainl-Bertin, Paris, 1964, ne reproduit pas les parties antérieures à l'année 830, qui ne sont que la reproduction des Annales royales, recension C3 de l'édition F. Kurze, Annales regni Francorum, Hanovre, 1895, dans laquelle le scribe a intercalé ce passage, manquant dans les autres manuscrits des Annales royales. — · Quant à la valeur relative des deux textes cités, voir ci-dessous, p. 137, n. 2.
  6. (page 118, note 1) J. Calmette, Charlemagne. Sa vie et son œuvre, Paris, 1945, p. 43 ; A. Kleinklausz, Charlemagne, Paris, 1934, p. 1 sq. Cf. aussi Ganshof, Geboorte-datum, p. 51 : Charles est «een bastaard ». C'est Heinrich Fichtenau, Das karolingische Imperium. Soziale und geistige Problematik eines Grossreichs, Zurich, 1949, p. 47, qui constate l'illégitimité de Charlemagne comme un fait donné, renvoit sur l'institution germanique de «Friedelehe » et souligne la position progressivement intransigeante de l'Église.
  7. (page 118, note 2) Calmette, Charlemagne, p. 44 ; M. Brosien, Karl der Grosse, Leipzig, 1885, p. 5 ; Bernhard Simson, Jahrbücher des Fränkischen Reiches unter Karl dem Grossen, vol. 1, 2e éd., Leipzig, 1888, p. 13 ; Ganshof (voir la note précédente) ; D. Bullough, The Age of Charlemagne, Londres, 1965, édition allemande : Karl der Grosse und seine Zeit, Wiesbaden, 1966, p. 40.
  8. (page 199, note 1) Brosien, p. 5 ; Galmette, p. 44 ; E. Mühlbacher, Deutsche Geschichte unter den Karolingern, Stuttgart, 1896, p. 87 sq.
  9. (page 199, note 2) Annales Petaviani, ed. G. H. Pertz, Mon. Germ, hist., dans Scripiores, t. 1, p. 11 : 751. ... Et fuit natus Karolomannus rex. Ann. regni Francorum, ed. Kurze, loc. cit., p. 18, à l'an 761 ; Ann. s. Amandi, Mon. Germ, hist., dans Scriptores, t. 1, p. 10, à l'an 762, pour les premières campagnes des deux princes. Le premier acte qui nomme Charles : Mon. Germ, hist., dans Diplomata Karolinorum, t. 1, n° 14, p. 20, ligne 8 sqq. Les deux frères en¬ sembles dans un acte du 13 août 762 : H. Beyer, Mittelrheinisches Urkun-denbuch, t. 1, Coblence, 1860, n° 16, p. 19-22. La nomination des deux princes en 763 : Annales Mosellani, Mon. Germ, hist., dans Scriptores, t. 16, p. 496 : 763. dédit rex Pippinus aliquos comptados filiis suis.
  10. (page 120, note 1) Simson, Jahrbücher, p. 13, n. 7 : «··· so dass auch diese Angabe (nais¬ sance de Carloman en 751) nicht als sicher gelten kann und vielleicht sogar ebenso unrichtig ist wie jene. » Généralement, on n'a même pas pris en con¬ sidération que l'on acceptait une des affirmations des Annales Petaviani et en refusait l'autre. Mentionnons, pour avertir le lecteur, que par une simple erreur, la différence d'âge des deux princes a été indiquée par Ganshof, qui se base clairement sur «742 » pour Charlemagne et sur «751 » pour Carloman, comme s'élevant à sept, et non à neuf ans, dans l'un des meilleurs manuels qui existent : Histoire générale, fondée par G. Glotz, section Moyen Age, t. I, 2, Paris, 1940, p. 437 (en indiquant l'âge de Carloman par «dix-neuf » au lieu de «dix-sept »). Cela a induit en erreur d'autres qui consultaient cet ouvrage capital, par exemple Bullough, ouvr. cité, p. 40.
  11. (page 121, note 1) Simson, Jahrbücher, p. 11 sq. On préférait même, comme autorité, Mühlbacher, dans ses Regesten des Kaiserreicks unter den Karolingern, 751-918, 2® éd., Innsbruck, 1908, n° 130 b, qui réfutait toute autre date que 742, en se basant sur L. Oelsner, Jahrbücher des fränkischen Reiches unter König Pippin, Leipzig, 1871, Appendice IV : «Zum Geburtsjahr Karls des Gros¬ sen », p. 486.
  12. (page 121, note 1) Simson, p. 11 : «Doch hat Einhard's Zeugniss wenigstens mehr Gewicht als das theils unbestimmte, theils unzuverlässige der Annalen, wenn auch freilich kein entscheidendes ( !). » Eginhard, Vila Karoli, chap. 30, ed. O. Hol-der-Egger, Hanovre et Leipzig, 1911 (la 6e éd. dans les Mon. Germ, hist.), p. 35 ; éd. L. Halphen, Éginhard. Vie de Charlemagne, Paris, 1923, 3e éd. revue et améliorée, 1947, p. 86.
  13. (page 121, note 3) L. Halphen, Études critiques sur l'histoire de Charlemagne, Paris, 1921, p. 60-103, voir p. 79 ; F. L. Ganshof, Notes critiques sur Éginhard, biographe de Charlemagne, dans Revue belge de philologie et d'histoire, t. 3, 1924, p. 725-758 ; cf. aussi F. L. Ganshof, L'historiographie dans la monarchie franque···, dans La storiografia altomedioevale (Settimane di studio del Centro italiano sull'alto medioevo, vol. 17), Spolète, 1970, p. 631-685, surtout p. 645-649, avec la remarque sur Halphen, p. 647, n. 61 : «(II) s'est montré extrêmement et injustement sévère pour Éginhard. » Selon nous, on peut parfaitement savoir gré à Éginhard de nous avoir laissé ce document humain d'une valeur inestimable pour la connaissance de la civilisation carolingienne et même de Charlemagne et en critiquer sévèrement les imprécisions et les erreurs. Leopold von Ranke, Zur Kritik fränkisch-deutscher Reichsannalisten, dans Sämmtliche Werke, t. 51/52, Leipzig, 1888, p. 97.
  14. (page 122, note 1) Ann. regni Francorum, a. 814, ed. Kurze, p. 140 ; Eginhard, Vila Ka-roli, chap. 31, ed. Holder-Egger, p. 35 sq., ed. Halphen, p. 88, le texte de l'inscription tumulaire.
  15. (page 122, note 2) Helgaud de Fleury. Vie de Robert le Pieux. Epiloma vilae regis Rolberli Pii. Texte édité, traduit et annoté par Robert-Henri Bautier et Gilette Labory, Paris, 1965, p. 134 (chap. 29).
  16. (page 123, note 1) Ann. regni Francorum, a. 759, ed. Kurze, p. 16. Voir Werner, Geburls¬ datum, p. 125, η. 34, pour les autres annales qui en parlent.
  17. (page 123, note 2) Martin Lintzel, Die Zeit der Entstehung von Einhards Vita Karoli, dans Ausgewählte Schriften, t. 2, Berlin, 1961, p. 27-42, surtout p. 40 (l'article de Lintzel a été publié d'abord en 1933).
  18. (page 133, note 3) Nous donnons in-extenso ce passage capital : De cuius (sc. Karoli) nativitate atque infanlia vel etiam pueritia quia neque scriptis usquam aliquid declaratum est, neque quisquam modo superesse iiwenilur, qui horum se dical habere notiliam, scribere ineptum iudicans···, Vita Karoli, chap. 4, ed. Ilolder-Egger, p. 6 sq., ed. Halphen, p. 16.
  19. (page 124, note 1) Éginhard, Vila Karoli, ed. Halphen, p. 17, n. 3.
  20. (page 124, note 2) Voir, contre cette idée exprimée par Oelsner (cf. ci-dessus, p. 121, n. 1) : Werner, Geburtsdatum, p. 127 sq.
  21. (page 125, note 1) Ibid., p. 124 et n. 30.
  22. )page 125, note 2) Passage d'Éginhard cité ci-dessus, p. 121, n. 2, et surtout les remarques de l'éditeur, ed. Halphen, p. 87, n. 3.
  23. (page 125, note 3) Bautier (cf. ci-dessous, p. 122, n. 2), p. 87, n. 4.
  24. (page 126, note 1) Voir les passages cités à la p. 121, n. 2, donnant aussi l'heure de la mort de l'empereur, et Thegan, Vita Hludovici, chap. 7, Mon. Germ, hist,, dans Scriptores, t. 2, p. 592.
  25. (page 126, note2) Annales Fuldenses antiquissimi, ed. Pertz, Mon. Germ, hist., dans Scriptores, t. 3, p. 116 ; édition améliorée par P. Kurze en appendice de son édition des grandes Annales Fuldenses, Hanovre, 1891, p. 137 sq. ; Th. Sickel, Uber die Originalhandschrift der «Annales Fuldenses antiquissimi », dans Forschungen zur deutschen Geschichte, t. 4, 1865, p. 458.
  26. (page 127, note 1) Voir les indications de Kurze, dans son édition citée dans la note précédente, p. 137, notes a et b, sur les lectures de deux autres manuscrits de ces Annales. — La «correction » erronée que nous citons s'applique aux Annales s. Amandi breves, et a été faite par Pertz, Mon. Germ, hist., dans Scriptores, t. 2, p. 184.
  27. (page 127, note 2). Dom Bouquet, dans Recueil des historiens des Gaules et de la France (cité dorénavant HF), t. 2, Paris, 1739, p. 642, n. f ; Pertz, dans Mon. Germ. hist., dans Scriptores, t. 1, Hanovre, 1826, p. 10, col. 2, n. 1.

Compléments

Le manuscrit Latin 4995 :

BnF, manuscrit latin 4995 Gallica page 4.jpg

Voir aussi

Source
https://www.persee.fr/doc/bsnaf_0081-1181_1974_num_1972_1_8151