Roland à Roncevaux (Larousse - G.D.U. XIXe siècle)
Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle
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Cet article est extrait du Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle.
Il décrit l'opéra Roland à Roncevaux d'Auguste Mermet.
Sommaire
Avant-propos
De la rédaction Wicri
L'article du dictionnaire offre trois partitions musicales. Deux sont bien relatives à l'opéra de Mermet. En revanche, une autre est extraite d'un opéra de Piccinni.
Nous avons donc intégré un ensemble de facsimilés en fin d'article :
- les 2 pages du Grand dictionnaire contenant la description de l'opéra ;
- 2 pages correspondant au premier passage musical, issu du final de l'acte III ;
- 2 pages correspondant au deuxième passage musical, issu de l'opéra de Piccinni ;
- 2 pages correspondant au premier passage musical, issu de l'acte I de Mermet.
L'article
Extrait 1 (final)
Roland à Roncevaux
Roland à Roncevaux, Opéra en quatre actes, paroles et musique de M. A. Mermet ; représenté à l’Académie nationale de musique le 3 octobre 1864. De tous les guerriers que les légendes du cycle carlovingien ont rendus célèbres, le paladin Roland était le personnage le plus propre à figurer sur notre première scène lyrique. Il se présentait déjà entouré de l’auréole brillante des fictions de la poésie, et l’auteur du livret n’a eu qu’à disposer dans une suite de scènes les principaux épisodes du poëme en langue franco-normande de Théroulde, intitulé : la Chanson de Roland.
Le comte Ganelon, envoyé en Espagne par Charlemagne pour faire aux Sarrasins des propositions de paix, commence par rendre la liberté à la fille de l’émir de Saragosse, Saïda, qu’il retenait prisonnière. Une belle châtelaine, Alde, éprise en secret des exploits de Roland, repousse les offres de Ganelon, qui veut l’épouser malgré elle. Les deux femmes, qui se sont liées dans leur malheur par des sentiments d’amitié, se concertent pour empêcher cette union que doit bénir 1'archevêque Turpin. Un violent orage force Roland à accepter l’hospitalité dans le château. Il est accueilli par Alde comme un libérateur, et il pourrait s'apercevoir de la passion qu’il inspire si son « cœur d’acier » n’était resté jusqu’alors volontairement inaccessible à l’amour. Apprenant que Ganelon veut opprimer une faible femme, il le provoque et lui ferait payer cher sa félonie, si l’archevêque n’arrêtait leurs bras au nom de Charlemagne. Ganelon se dispose à enlever la belle châtelaine ; mais Saïda vient au secours de son amie et lui offre, auprès de l'émir son père, un asile qu’elle accepte. Le second acte transporte la scène dans le palais de l’émir. Celui-ci se soumet en apparence aux conditions dictées par Charlemagne. Roland, malgré le serment qu’il a fait de ne jamais se laisser surprendre par l’amour, ne peut résister aux beaux yeux de la châtelaine. Ganelon, en proie à la jalousie et à la fureur, n’hésite plus à consommer la plus noire trahison. Il forme avec l’émir le dessein de surprendre le paladin dans le défilé de Roncevaux. Roland et les douze pairs conduisent l’arrière-garde de l’armée, qui doit quitter l’Espagne pour retourner en France.
La scène, au troisième acte, représente le vallon de Roncevaux. Le paladin raconte à l’archevêque Turpin comment sa fameuse épée Durandal est venue en sa possession et à quelle condition elle doit rester invincible. Il lui confesse qu’il n’est plus maître de son cœur. Turpin lui conseille de rester fidèle à son serment et d’oublier la femme dont il est épris. Roland est agité de mille pensées contraires ; Alde n’a que lui pour protecteur, et il l’aime. Un pâtre vient annoncer que le val est cerné par les ennemis ; les soldats francs accourent et crient à la trahison. Les douze pairs pressent Roland de sonner de son cor d’ivoire pour avertir Charlemagne du danger qui les menace. Le guerrier refuse :
Quelle honte m’est proposée !
Ne plaise à Dieu qui fit ciel et rosée
Que pour des Sarrasins je sonne l’olifan.
L’archevêque bénit les combattants, et tous se précipitent sur les pas de Roland.
Au quatrième acte, qui n’est à proprement parler qu’un tableau, Roland vient de tuer le traître Ganelon ; mais, mortellement blessé, c’est au milieu des cadavres qui jonchent la terre qu’il sonne enfin de son cor d’ivoire ; il succombe. Charlemagne apparaît au fond du théâtre pour voir le corps de son neveu emporté sur les boucliers. En présence d’un livret si bien conçu pour l’effet théâtral, il y a peu d’intérêt à en signaler les anachronismes et les inexactitudes historiques, à rappeler, par exemple, que ce furent les Vascons, et non les Sarrasins, qui exterminèrent l’arrière-garde de l’armée de Charlemagne en 778.
L’opéra de M. Mermet a réussi de prime abord, grâce au caractère français et sympathique du sujet, et ensuite à la clarté du style musical, à l’allure martiale, franche et décidée des périodes mélodiques. On ne saurait assurément mettre Roland en parallèle avec les grands ouvrages du répertoire : la Juive, les Huguenots, Guillaume Tell ; il ne saurait non plus soutenir la comparaison avec les principaux ouvrages de Donizetti, de Bellini, de Verdi, avec Lucu, la Favorite, Norma, le Trouvère ; mais il peut être classé au premier rang des opéras du troisième ordre, qui ont mérité du succès à cause de certaines qualités saillantes. Dans Roland, on remarque peu ou point de situations tendres ; il n'y a ni duos ni cavatines, ni même de ces ensembles à deux et trois mouvements qui sont pour l’auditeur une source d’impressions variées. L’inspiration du compositeur est entraînée comme fatalement vers l’accent guerrier, la force rythmique et la sonorité. Le corps de l’ouverture est peu dessiné. Des appels fréquents de trompettes, une marche guerrière donnent le ton général de l’ouvrage. Les morceaux les plus saillants du premier acte sont : la Chanson de Roland, dite par un pâtre, et le final, dont la mélodie est large et puissante d’effet : Superbes Pyrénées. Cette Chanson de Roland n’a aucune couleur historique. Il semble qu’elle aurait dû fournir le thème principal de l’ouvrage. On sait le parti que Meyerbeer a tiré du Choral de Luther dans les Huguenots. La Chanson de Roland, que Taillefer entonna en 1066 avant la bataille d’Hastings, était une sorte de plain-chant d’un caractère héroïque et religieux, d’ailleurs très-favorable au développement musical. Dans le second acte, nous signalerons le chœur du complot : Roncevaux, vallon triste et sombre, dont la phrase mère est fort belle, mais qui est développée d’une manière insuffisante. Le troisième acte, qui a décidé du succès de l’œuvre, renferme de beaux fragments : la chanson mélancolique du pâtre, un chant de guerre, une farandole dont les ondulations serpentent dans la montagne et descendent sur la scène sur un motif de danse fort animé ; la lecture de la devise gravée sur l’épée Durandal : Je suis Durandal, du plus dur métal ; la scène de la confession, un bon trio entre Turpin, Roland et Alde, et le finale : En avant. Montjoie et Charlemagne.' Les rôles de cet opéra ont été créés par Gueymard, Belval, Cazaux, Warot, Mme Gueymard et Mlle Camille de Maesen.
Deuxième extrait musical
Nous donnons l’air de Médor : Je vivrai, si c’est votre envie :
Troisième extrait musical
Nous donnons encore la chanson de Roland : Dans les combats, etc.
DEUXIÈME STROPHE.
La-bas, dans la plaine sanglante,
Brille une épée étincelante,
Rouge comme un soleil couchant ;
C’est Durandal au dur tranchant 1
Dans les combats, etc.
Facsimilés
Le Grand Dictionnaire
Extrait de l'opéra de Mermet (page 29 Acte III scène VII)
Extrait de l'opéra de Piccinni
Extrait de l'opéra de Mermet (page 29 Acte I scène II)