Mémoires d'outre-tombe d'un peuplier (1850) Méthivier/Chapitre X

De Wicri Bois
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Comment il est prouvé par le fait de la plantation solennelle des peupliers, que la révolution a affaibli l'esprit d'un grand nombre de Français.


 
 

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    Mémoires d'outre-tombe d'un peuplier mort au service de la République (2e édition) / par l'abbé J.-S. Méthivier.
Chapitre X

 

<= Comment les peupliers, avec leur petit bon sens, se sont tirés d'affaires ; et comment les Français, avec leur grand esprit, se sont mis dedans <=

 

=> Comment les mots LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ, furent en grande vogue, et comment, dans ma simplicité de peuplier, je les pris pour une énigme. =>
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Le texte original


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Comment il est prouvé par le fait de la plantation solennelle des peupliers, que la révolution a affaibli l'esprit d'un grand nombre de Français.

Comprenons la liberté, et ne la défigurons pas.

Un arbre planté sur la place publique, le lendemain d'une révolution sociale, par la volonté d'un peuple intelligent, doit être une idée, et la nature, la forme, les produits de cet arbre doivent être des symboles.

Or, Français, regardez ce peuplier.

Raide et guindé dans sa pose, froid et prétentieux dans son élévation, dominant de sa tête


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redressée et vaniteuse tous les arbres dé la contrée;

Et vous en faites le symbole de l'égalité chez un peuple de frères !

Arbre égoïste, absorbant lui seul tout le suc d'un vaste terrain, il étend, il étend toujours ses racines insatiables, et, pour entretenir sa superbe inutilité, il condamne à une vie languissante et à une mort prématurée les jolis arbustes et les plantes utiles placés dans son voisinage;

Et vous en faites le symbole de la fraternité chez un peuple d'égaux !

Arbre trois et quatre fois stérile, épuisant le sol qui le nourrit et ne lui rendant rien ; pas d'ombrage, pas de fleurs, pas de parfums, pas de fruits ;

Et vous en faites le symbole de cette liberté féconde qui ne coûte rien et vivifie tout !

Si j'avais à représenter l'égoïsme, l'arrogance, la prétention, l'incapacité, je planterais un peuplier, et je dirais : Voyez !

Son bois même ne saurait devenir, sous la main de l'ouvrier, ni une charpente solide, ni un meuble gracieux, ni un instrument de labourage ; à peine peut-on en tirer quelques planches lugubres pour un cercueil ; Et c'est cela que vous dressez dans les carrefours de nos cités pour être, aux yeux d'une nation spirituelle, l'emblème de sa vie, de sa prospérité, dé sa régénération, de son bonheur !


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Évidemment ici l'idée manque et le contre-sens abonde.

Français !

Est-ce que la liberté n'est pas un arbre à fruits?

Est-ce que l'égalité n'est pas un arbre de moyenne grandeur?

Est-ce que la fraternité ne doit pas nous entrelacer de ses guirlandes de fleurs?

Est-ce que nos idées libérales et pures ne doivent pas, comme un parfum répandu, embaumer les nations lointaines et les attirer à nous?

Est-ce que la République n'offrira pas son ombrage à tous les droits pour les abriter, et les fruits rafraîchissants de ses institutions à toutes les âmes qui ont faim et soif de la justice?

Et c'est avec un peuplier, le plus stérile et le plus insignifiant des arbres, que vous exprimez ces belles et saintes espérances de la France et du monde !

Au reste, savez-vous ce que c'est qu'un arbre de la liberté?

C'est un autre drapeau de la patrie, pris non parmi les tissus de Lyon ou de Paris, mais dans le jardin des délices planté de la main de Dieu ; un drapeau représentant aussi la pensée et l'amour de la France ; un drapeau que les vents ne déchirent pas, que l'eau et le soleil ne décolorent pas, qui boit la rosée du matin et se sent plus fort, qui rajeunit sa verdure dans les pluies du soir, que Dieu


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bénit à chaque printemps en jetant du haut du ciel une couronne de fleurs sur sa tête, et qui, aux jours de l'automne, incline vers la terre ses branches chargées de fruits.

Voilà l'arbre, l'image de la liberté.

Français, vous comprenez à présent ce que la révolution a enlevé de justesse à votre esprit, de délicatesse à votre goût, d'élévation à votre génie, puisque ayant à choisir entre les ouvrages de Dieu l'arbre qui devait désormais être le symbole vivant de votre immortelle liberté, vous n'avez découvert rien de mieux qu'un peuplier !

Et ce choix a paru si ridicule aux yeux de la simple nature, que le peuplier lui-même, victime privilégiée de votre jugement égaré, n'a pu s'empêcher de protester contre par cette légère critique , et de rire de vous dans son trop rare feuillage !


Voir aussi

Dans le réseau Wicri :

La page de référence « Mémoires d'outre-tombe d'un peuplier (1850) Méthivier/Chapitre X » est sur le wiki Wicri/France.

Comment il est prouvé par le fait de la plantation solennelle des peupliers, que la révolution a affaibli l'esprit d'un grand nombre de Français. +