Mémoires d'outre-tombe d'un peuplier (1850) Méthivier/Chapitre IX

De Wicri Bois
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Comment les peupliers, avec leur petit bon sens, se sont tirés d'affaires ;

et comment les Français, avec leur grand esprit, se sont mis dedans.


 
 

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    Mémoires d'outre-tombe d'un peuplier mort au service de la République (2e édition) / par l'abbé J.-S. Méthivier.
Chapitre IX

 

<= Les citoyens Tirepart et Penserouge continuent leur entretien. <=

 

=> Comment il est prouvé par le fait de la plantation solennelle des peupliers, que la révolution a affaibli l'esprit d'un grand nombre de Français. =>
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Comment les peupliers, avec leur petit bon sens, se sont tirés d'affaires


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Comment les peupliers, avec leur petit bon sens, se sont tirés d'affaires ; et comment les Français, avec leur grand esprit, se sont mis dedans.
Des extravagances dites par des gens d'esprit, des sottises faites par des gens habiles., voilà les révolutions.
Peut-on cueillir des raisins sur les épines et des figues sur les ronces? — Oui, oui, et de magnifiques ! s'écrient les socialistes. —
Non, a dit le créateur des raisins et des épines, des figues et des ronces.

Les aveux pleins de vérité du citoyen Tirepart furent longtemps le sujet de mes méditations solitaires. Je me demandais comment un petit nombre d'hommes, n'ayant au front ni la splendeur du génie, ni la douce lumière de la vertu, ne possédant pas dans toutes leurs prétendues doctrines philosophiques, politiques et sociales, assez d'idées saines pour organiser une école de village ; je me demandais comment les révolutionnaires socialistes avaient pu arrêter un instant devant leurs tréteaux le peuple français si spirituel et si frondeur, et comment la nation la plus éclairée s'était laissé prendre aux promesses irréalisables, aux


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utopies impossibles, aux remèdes mortifères qui n'enlèvent le mal que parce qu'ils ôtent la vie. Et mes réflexions me conduisirent à un résultat que j'ose à peine vous faire connaître. Je trouvai, chers Français, que les mots nouveaux et encore in- compris ont une puissance magique sur votre sémillante intelligence, et que le premier venu, Pierre Leroux ou Louis Blanc ou tout autre, qui du haut d'une borne vous parle d'égalité, de réforme , de progrès, d'organisation du travail, de droit au travail, remue vos âmes et exalte vos têtes ; et aussitôt, dans votre enthousiasme, vous le saluez par de solennelles acclamations, révélateur des temps modernes, et rénovateur de la société vieillie. « Parlez, lui criez-vous, parlez, ô « grand homme! la France attend de vos lèvres la « vie, la richesse et la grandeur. » Il parle donc : pour mieux l'entendre le mouvement des machines s'arrête, le bruit des usines se tait, les grands fourneaux s'éteignent, les tribus ouvrières sortent des ateliers ; et après l'avoir entendu elles ne veulent reprendre ni la lime, ni le marteau , ni la scie, ni la cognée, ni le pic, ni le rabot; le révélateur les appelle à d'autres destinées, et voilà qu'ils se promènent dans les rues de la cité en vociférant l'épouvante et l'émeute ; sur leur passage les boutiques se ferment, l'industrie s'effraye, le crédit s'évanouit, les capitaux s'enfouissent, en quelques mois la propriété perd un milliard de sa valeur, et la France


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commerciale et industrielle quinze cent millions : alors vous apercevez, mais un peu tard, intelligents Français, que progrès signifie abaissement, que réforme signifie ruine, qu'organisation du travail signifie désorganisation du travail et des travailleurs, et que droit au travail signifie droit à ne rien faire.

Peuple étonnant, dont la flamboyante imagination multiplie les jouissances par ses charmantes illusions, et les douleurs par ses cruels mécomptes, et pour qui cinq mots d'un sens obscur, exploités plutôt qu'expliqués par des sophistes, enfantent plus de calamités que ne lui en apporteraient cinq cent mille cosaques se jetant sur le pays, la lance d'une main et la flamme de l'autre. Excusez mon agreste franchise et permettez-moi d'opposer à la légèreté, à l'étourderie, à l'imprévoyance qui vous livrent aux décevantes utopies des fous et des intrigants le récit d'un fait instructif, emprunté à l'histoire moderne des peupliers. En 1789, époque, comme vous l'appelez, de transformation sociale, un savant naturaliste français avait, disait-il dans un mémoire poétiquement écrit, trouvé le moyen d'enlever aux peupliers leur humiliante stérilité. A l'aide d'une opération qui ne compromettait ni notre taille élevée, ni notre beauté pyramidale, il s'engageait à couronner nos tètes de fruits magnifiques et succulents ; et ce moyen était fort simple : on retranchait la moitié de nos racines (car le savant naturaliste prouvait


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Notes de l'article


Comment les peupliers, avec leur petit bon sens, se sont tirés d'affaires ; +