Histoire naturelle (Buffon)/Tome 15/Description 1478

De Wicri Animaux
Georges-Louis Leclerc de Buffon.jpg
Georges-Louis Leclerc de Buffon
Histoire Naturelle (1749)
I - Tome II - III / / IV - V - VI - VII - VIII - IX - X - XI - XII - XIII - XIV - Tome XV
XVI - XVII - XVIII - XIX - XX - XXI - XXII - XXIII - XXIV / / XXV - XXVI - XXVII - XXVIII - XXIX
XXX - XXXI - XXXII - XXXIII - XXXIV - XXXV - XXXVI / / XXXVII - XXXVIII / / P I - P II - P III - P IV - P V / / C
Buffon Hist Nat E.O. Tome 15 f9.jpg
Buffon Hist Nat E.O. Tome 15 f226.jpg
 

Le Squelette d'un nain.

Le nain dont on a tiré ce squelette a été bien connu, parce qu'il a passé la plus grande partie de sa vie à Lunéville dans le Palais du feu Roi de Pologne, Stanislas I, Duc de Lorraine et de Bar ; et que M. le Comte de Tressan a fait la relation de fa vie dont je vais rapporter ici un extrait. Il naquit dans les Vosges au village de Plaisne le 11 Novembre 1741 ; le père et la mère étaient des paysans bien constitués et assez forts pour travailler à la terre : ils ont assuré que ce nain, au moment de sa naissance pesait à peine une livre et un quart. On ne fait pas quelles étaient alors les dimensions de son corps, mais on peut juger qu'il était très petit, parce qu'il fut présenté sur une assiette pour être baptisé, et qu'il coucha dans un sabot pendant longtemps. Sa bouche, quoique bien proportionnée au reste du corps n’était pas assez grande pour recevoir le mamelon de la mère ; il ne lui fut pas possible d'en tirer du lait, mais il parvint à téter une chèvre qu'on lui donna pour nourrice , et qui en fit très bien les fonctions; elle accourait d'elle même à la voix de l'enfant. Il eut la petite vérole à six mois et il en guérit sans autres secours que les soins de sa mère et le lait de la chèvre. Il commença d'articuler quelques mots à l'age de dix-huit mois. A deux ans, il se soutenait sur ses jambes , et il marchait presque sans aide ; on lui fit alors des souliers qui n'avaient que dix-huit lignes de longueur. II fut attaqué de plusieurs maladies graves, dont il guérit ; mais la petite vérole fut la seule qui parût sur sa peau. I1 n'eut jusqu'à l'age de six ans que des légumes, du lard et des pommes de terre pour aliments ; son père et sa mère ne pouvaient

Buffon Hist Nat E.O. Tome 15 f227.jpg

pouvaient lui donner que 1a nourriture grossière et l'éducation rustique des villageois des Vosges. Âgé de six ans, il n'avait qu'environ quinze pouces de hauteur, et it ne pesait que treize livres : il était d'une jolie figure, bien proportionné dans toutes les parties du corps ; il avait une bonne santé , mais son intelligence ne passait pas les bornes de l'instinct. Ce fut alors roi de Pologne ayant entendu parler de cet enfant singulier, le fit venir à Lunéville, lui donna le nom de Bébé et le garda dans son Palais.

Bébé quittant sa dure condition de paysan pour jouir de toutes les commodités de la vie, dans l'abondance toutes choses, n'éprouva aucun changement pour le corps ni pour l'esprit. II conserva sa bonne santé jusqu'à l'âge de quinze ou seize ans ; mais l'accroissement de son corps fut aussi lent qu'auparavant, & if ne put pas profiter de la bonne éducation qu'il était à portée de recevoir ; les leçons de ses maitres lui furent inutiles ; il ne donna jamais de preuves qu'il eût quelque notion de la religion, ni qu'il fut capable de raisonner ; il ne pouvait pas même apprendre la musique ni danser, il battait seulement quelques temps assez juste, et il ne dansait qu'autant que son maitre dirigeait ses pas et ses mouvements par des signes : il était susceptible de passions , telles que le désir ardent, la colère et la jalousie.

A l'âge de quinze ou seize ans, Bébé n'avait que vingt-neuf pouces de hauteur; jusqu'à ce temps, il n'y avait eu aucun dérangement dans l'accroissement des différentes parties de son corps ; mais alors la puberté produisit sur les organes de la génération un trop grand effet qui causa le dépérissement du reste du corps

« Les forces commencèrent bientôt à s'épuiser, l'épine du dos se courba , la tête se pencha, ses jambes s'affaiblirent, une omoplate se déjeta , son nez grossit considérablement ; Bébé perdit la gaieté »
Buffon Hist Nat E.O. Tome 15 f228.jpg
«et devint valétudinaire ; cependant il grandit encore de près de quatre pouces dans les quatre années suivantes. »

M. le Comte de Tressan avait prévu que ce nain mourrait de vieillesse avant trente ans; en effet, des l'âge de vingt-un ans, il était déjà caduc et décrépit; dans sa vingt-deuxième année , qui fut la dernière de fa vie, a peine pouvait-il faire cent pas de fuite il paroissait accablé. Au mois de Mai 1764, il eut un rhume avec un peu de fièvre , et il tomba dans une espèce de létargie, qui avait quelques moments d'interruption, mais à peine pouvait-il parler ; cependant on assure il avait des idées plus nettes que dans sa meilleure santé son agonie fut très longue: il mourut le 9 Juin 1764, âgé de près de vingt-trois ans : il avait alors trente-trois pouces de hauteur.

« Sa Majelté Polonoife toujours attentive aux progres des 9> Sciences , ordonna 51 fquelette conferve. . . . A P'ouverture de la tete, on a trouve un 20 des os pariétaux un peu plus épais que > tendu ; il y 5 en quelques endroits adhérens a la plevre ; les cotes évalces dun 21 coté, formoient de plus grands arcs que de Pautre; de celui - ci n elles étoient plus courtes , & tout cela fuivant la courbure irre- guliere de la poitrine : d'ailleurs tous les vifceres étoient fains...»

M. Ronnow, premier Médecin du Roi de Pologne, fit décharner les Os & les mit dans une reftes des chairs : enfuite, il les envoya par ordre de Sa Majefté Polonoife a M. le Comte de Saint-Florentin, qui le fit remettre a11 Cabinet. Jai fait monter le fquelette, il na de chaque cote; M. Ronnow mavoit averti quil en manquoit deux. Quoique Pon n'ait pas compté les cotes avant la diffection, il me paroit que celles qui manquent fe feroient trouvées a feur

que dans les cinq derniers jours de fa vie, que le corps de ce nain fut ouvert, & fon

Pautre & le diploé dif.

avoit de Yeau dans la poitrine ; les poumons étoient

faire macérer les que onze

eau courante pour

cotes

Buffon Hist Nat E.O. Tome 15 f229.jpg

place & qu'elles ont été perdues dans la suite, car le nombre des vertèbres dorfales est complet, & on voit fur la douzième les facettes articulaires des dernières faufles côtes qui ne font pas dans le fquelette; il manquoit auffi dans ce {quelette quelques os des carpes 8e des doigts que j'ai fait remplacer. La hauteur du fquelette eft de trente-trois pouces comme étoit celle du nain vivant ; le poignet & la main n'ont que trois pouces de longueur, prife depuis l'extrémité inférieure de l'os du rayon julquau bout du doigt du milieu; le pied n'eft long que de quatre pouces, depuis la partie poftérieure du calcaneum jugu'à l'extrémité du fecond doigt; il y a fur différentes parties du quelette des marques de difformité 8& de maladie; la colonne vertébrale forme deux finuofités, l'une à la partie fupérieure de la poitrine, & l'autre plus longue s'étend depuis le milieu de la poitrine jufqu'au baffin ; la première eft concave à droite 8 convexe à gauche; la feconde eft en fens contraire, de forte que ces deux finuolités donnent à la colonne vertébrale la figure d'une S romaine. -Ce vice avoit influe fur la courbure & la direction des côtes, & avoit par conféquent changé la forme naturelle de la capacité de la poitrine; mais je ne peux pas avoir une idée julte de ce changement, n'ayant pas vu les. - portions cartilagineufes des côtes, parce qu'on n'a envoyé au Cabinet que les portions offeufes des côtes féparément des os du fternum. Il ne reftoit aucun cartilage, & tous les os étoient féparés les uns des autres; on les avoit préparés par une macé- ration trop longue, qui les avoit tous léparés des ligamens 8 des cartilages, & qui après avoir diffout la moëlle avoit revêtu les os des mains & des pieds d'une forte de croûte blanche, qui avoit l'apparence d'une fubftance favonneufe. Il paroît à peu près fur le milieu de la face externe de chacun des os pariétaux

Buffon Hist Nat E.O. Tome 15 f230.jpg

des rugofités faillantes. Il n'y a aucune dent, & les bords de leurs alvéoles font en partie détruits, principalement dans la mâchoire inférieure; on n'y voit plus que le fond d'un feul alvéole, où étoit la dernière dent.

pieds pouces lignes cm
Longueur de la tête depuis le bout des mâchoires jusqu'à l'occiput 0 5 2 13.94
La plus grande largeur de la tête. 0 4 1 11.02
Longueur de la mâchoire du deflous, depuis fon extrêmité antérieure jufqu'au bord poftérieur de l'apophyfe condyloïde.
Épaisseur de la partie antérieure de l'os de la mâchoire du deffus.

Diftance entre les orbites & l'ouverture des narines. . Longueur de cette ouverture. Largeur • Longueur des os propres du nez. Largeur à l'endroit le plus large. Largeur des orbites. Hauteur. Hauteur de l'apophyle épineufe de la feconde vertèbre. Largeur. •• Longueur de la huitième côte qui eft la plus longue. Longueur du fternum... Longueur du corps des dernières vertèbres lombaires qui font les plus longues.. Largeur de la partie fupérieure de l'os de la hanche.. Longueur de l'os depuis le milieu de la cavité cotyloïde jufqu'au milieu du côté fupérieur. . Longueur des trous ovalaires. Largeur

pieds. pouces, lignes.

5 • 4. 3• 2. 4• 5• 63. 4. 23. 2. 3• 6. 10. 4• 6. 3• 92 6. 3• I. 3° 11.

Source gallica.bnf.fr / AU

Buffon Hist Nat E.O. Tome 15 f231.jpg
Buffon Hist Nat E.O. Tome 15 f232.jpg


Voir aussi