Histoire naturelle (Buffon)/Tome 13/La girafe
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Cette page introduit l'article La girafe par Monsieur de Buffon dans le tome XIII de son encyclopédie[NDLR 1].
Sommaire
La girafe (par Monsieur de Buffon)
LA GIRAFFE ([1])
La girafe [L 1] est un des premiers, des plus beaux, des plus grands animaux, et qui sans être nuisible est en même temps l'un des plus inutiles ;
[2]
la
disproportion énorme de ses jambes, dont celles de devant sont une fois plus
longues que celles de derrière, fait obstacle à l'exercice de ses forces; son
corps n'a point d'assiette, sa démarche est vacillante, ses mouvements sont
lents et contraints ; elle ne peut ni fuir ses ennemis dans l'état de liberté ([L 2]),
ni servir ses maîtres dans celui de domesticité ; aussi l'espèce en est peu
nombreuse et a toujours été confinée dans les déserts de l'Éthiopie et de quel-
ques autres provinces de l'Afrique méridionale et des Indes ([L 3]). Comme
ces contrées étaient inconnues des Grecs, Aristote ne fait aucune mention de cet animal ;
[3]
mais Pline en parle, et Oppien ([2]) le décrit d'une manière qui
n'est point équivoque. Le camelopardalis, dit cet auteur, a quelque ressemblance au chameau ; sa peau est tigrée comme celle de la panthère, et
son cou est long comme celui du chameau ; il a la tête et les oreilles petites,
les pieds larges, les jambes longues, mais de hauteur fort inégale ; celles de devant sont beaucoup plus élevées que celles de derrière, qui sont fort
courtes et semblent ramener à terre la croupe de l'animal; sur la tête près
des oreilles il y a deux éminences semblables à deux petites cornes droites ;
[l 529]
au reste, il a la bouche comme un cerf, les dents petites et blanches, les
yeux brillants, la queue courte et garnie de poils noirs à son extrémité. En
ajoutant à cette description d'Oppien celles d'Héliodore et de Strabon, l'on
aura déjà une idée assez juste de la girafe. Les ambassadeurs d'Éthiopie, dit
Héliodore, amenèrent un animal de la grandeur d'un chameau, dont la peau
était marquée de taches vives et de couleurs brillantes , et dont les parties
postérieures du corps étaient beaucoup trop basses, ou les parties antérieures beaucoup trop élevées; le cou était menu, quoique partant d'un
corps assez épais ; la tête était semblable pour la forme à celle du chameau,
et pour la grandeur n'était guère que du double de celle de l'autruche, les
yeux paraissaient teints de différentes couleurs; la démarche de cet animal
était différente de celle de tous les autres quadrupèdes qui portent en
[4]
marchant leurs pieds diagonalement, c'est-à-dire le pied droit de devant avec
le pied gauche de derrière ; au lieu que la girafe marche l'amble naturelle-
ment en portant les deux pieds gauches ou les deux droits ensemble ; c'est
un animal si doux qu'on peut le conduire partout où l'on veut avec une petite
corde passée autour de la tête (a). Il y a, dit Strabon, une grande bête en
Éthiopie qu'on appelle camelopardalis, quoiqu'elle ne ressemble en rien à
la panthère, car sa peau n'est pas marquée de même ; les taches de la pan-
thère sont orbiculaires, et celles de cet animal sont longues et à peu près
semblables à celles d'un faon ou jeune cerf qui a encore la livrée :
il a les parties postérieures du corps beaucoup plus basses que les anté-
rieures, en sorte que vers la croupe il n'est pas plus haut qu'un bœuf, et
vers les épaules il a plus de hauteur que le chameau : à juger de sa légèreté
par cette disproportion, il ne doit pas courir avec bien de la vitesse ; au
reste, c'est un animal doux qui ne fait aucun mal, et qui ne se nourrit que
d'herbes et de feuilles (b). Le premier des modernes qui ait ensuite donné
une bonne description de la girafe est Belon. « J'ai vu, dit-il, au château du
» Caire, l'animal qu'ils nomment vulgairement zumapa; les Latins l'ont an-
» ciennement appelé camelopardalis, d'un nom composé de léopard et cha-
» meau , car il est bigarré des taches d'un léopard et a le cou long comme
» un chameau ; c'est une bête moulte belle, de la plus douce nature qui soit,
» quasi comme une brebis, et autant amiable que nulle autre bête sauvage ;
» elle a la tête presque semblable à celle d'un cerf, hormis la grandeur,
» mais portant de petites cornes mousses de six doigts de long, couvertes de
» poil ; mais en tant où il y a distinction de mâle à la famelle, celles des mâles
» sont plus longues ; mais, au demeurant, en tant le mâle que la femelle,
» ont les oreilles grandes comme d'une vache, la langue d'un bœuf et noire;
» n'ayant point de dents dessus la mâchelière, le cou long, droit et grêle, les
» crins déliés et ronds, les jambes grêles, hautes, et si basses par derrière
(a) Héliodore, lib. x.
(b) Strabon, lib. XVI et XVII.
IX. 34
Notes de la partie rédigée par Buffon
Notes relatives au titre
[1]
Giraffe, mot dérivé de Girnaffa, Siraphah, Zurnaba, nom de cet animal en langue
arabe, et que les Européens ont adopté depuis plus de deux siècles; camelopardalis en grec
et en latin.
Pline donne l'étymologie de ce nom composé.
- « Camelorum, dit-il, aliqua similitudo in aliud transfertur animal : Nabin Æthiopes vocant, collo simiJem equo, pedibus et cruribus bovi, camelo capite, albis maculis rutilum colorem distinguentibus, unde appellata camelopardalis, dictatoris Cæsaris circensibus ludis primum visa Romæ. Ex eo subinde cernitur, aspectu magis quam feritate conspicua : quare etiam ovis feræ nomen invenit. » Hist. nat., lib. VIII, cap. XVIII. —
- Giraffe, que les Arabes nomment zurnapa, et que les Grecs et les Latins nomment camelopardalis. Belon, Observ., feuill. 118, fig. ibid., verso.
- Camelopardalis, Camelopardalin facræ litteræ vocant Zamer. Deuter, 14. Ubi Chaldaïica tranflatio habet Deba ; Arabica, Saraphah; Perfica,Seraphah ; féptuaginta Camelopardalin. Hieronimus Camelopardum.
- Gesner, Historia quadripedibus, p147, fig. pag. 149. Ubi legitur, Camelopardalis, icon ex charta quadem nuper impressa Norimbersæ.... Surnapa nomine altitudine ad fummum verticem fupra quinque orgyas, corniculis duobus ferrei coloris, pilo levi &7 compofito pulchro; diligenter 7 probe depiclum Conflantinopoli et in Germaniam ranfriffim , anno 1559:
- Camelopardalis. Aldrov. de quad, Bi. pag. 927, fig. pag. 931.
- Camelopardalis. Jonston, de quad. pag. 102 , Je. 2. 29, 40, 41
- Camelopardalis. Prosper Alpin. Hist if. LED vol, 1 1, page 12 36 Âg4s Tab. 14.
- Camelopardalis. Cervus noi ? mplicifé LES, pe anticis 18° in ÈS. Linn. %; Nat. edit. X, pag. 66.
Notes dans le texte
- ↑ Voir #Notes relatives au titre
- ↑ Oppian., de Venat., lib. m.
Dans la réédition de Lanessan
Notes de Lanessan
Dans l'Histoire naturelle de Buffon=
Compléments
- Suppléments tome III tome 32), Addition à l'article de la giraffe, p. 320
- Suppléments tome VII tome 36), Nouvelle addition à l'article de la giraffe, p. 345
Planches
- Dans la Collection des animaux quadrupèdes de Buffon, formant 362 planches d'animaux coloriées, servant à toutes les éditions des œuvres de cet auteur. Tome 2
- Dans les suppléments
Voir aussi
- Notes de la rédaction;