Dix-Huitième Siècle (2004) Ehrard
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Cet article reprend le texte d'une communication présentée le 14 décembre 2001 au colloque Buffon. L'écriture de la science, organisé à l'ENS de la rue d'Ulm par Béatrice Didier. Titre annoncé : Écritures [au pluriel] de chats.
L'article
Écritures de chats
- À Minouroux
Tout s'est joué entre le stylo et l'ordinateur. Tout se joue entre le singulier et le pluriel. Un soir du printemps 2001, je m'apprêtais à décliner l'invitation reçue de Béatrice Didier. Le thème du colloque auquel elle me conviait était séduisant, mais sur «l'écriture de la science » je n'avais vraiment rien à dire. Au moment de prendre la plume j'ai été arrêté par un scrupule : devais-je ajouter à la déception de ma correspondante la peine de déchiffrer une écriture de moins en moins lisible ? D'un autre côté, une conviction ancienne, héritée de ma mère et bien antérieure à l'invention de l'ordinateur, me dissuadait de transformer par le recours à la machine une correspondance amicale en lettre d'affaires. Devais-je privilégier la lisibilité ou l'amitié ? A la recherche d'une inspiration je me retournai et vis derrière moi mon chat, commodément installé devant la réimpression Pergamon de l'Encyclopédie. Je me levai, pris le premier volume, cherchai, lus l'article «Chat »... et n'en crus pas mes yeux. Je fis alors trois mètres vers le fond de la pièce, explorai mon vieux Buffon de 1817 (1), et dus me rendre à l'évidence : là aussi Minouroux était calomnié. Bien plus, s'agissant d'auteurs que j'avais depuis longtemps adoptés, j'étais coresponsable de la calomnie : je lui devais réparation.