Le Buffon choisi de Benjamin Rabier/Domestiques/Chat
Le chat
Le Buffon choisi de Benjamin Rabier (1924) L'homme - Animaux domestiques - Animaux sauvages - Oiseaux - Poissons - Cétacés - Tables Le chien ![]() |
Cette page introduit le chapitre dédiée au chat dans la partie dédiée aux animaux domestiques du Buffon choisi de Benjamin Rabier.
Sommaire
Le chat
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Le chat est un domestique infidèle qu on ne garde que par nécessité, pour l'opposer à un autre ennemi domestique
encore plus incommode et qu'on ne peut chasser : car nous ne comptons pas les gens qui, ayant du goût
t pour toutes les bêtes, n'élèvent des chats que pour s'en amuser: l'un est l' usage, l' autre l' abus; et quoique
ces animaux, surtout quand ils sont jeunes, aient de la gentillesse, ils ont en même temps une malice innée, un caractère
faux, un naturel pervers, que l'âge augmente encore et que l'éducation ne fait que masquer. De voleurs déterminés ils
deviennent seulement, lorsqu'ils sont bien élevés, souples et flatteurs comme les fripons ; ils ont la même adresse, la
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même subtilité, le même goût pour faire le mal, le même penchant à la petite rapine; comme eux, ils savent couvrir
leur marche, dissimuler leur dessein, épier les occasions, attendre, choisir, saisir l'instant de faire leur coup, se dérober
ensuite au châtiment, fuir et demeurer éloignés jusqu'à ce qu'on
les rappelle. Ils prennent aisément des habitudes de société, mais
jamais des mœurs : ils n'ont que l'apparence de l'attachement ;
on le voit à leurs mouvements obliques, à leurs yeux équivoques ;
ils ne regardent jamais en face la personne aimée ; soit défiance
ou fausseté, ils prennent des détours pour en approcher, pour
chercher des caresses, auxquelles ils ne sont sensibles que pour
, le plaisir qu'elles leur font. Bien différent de cet animal fidèle,
dont tous les sentiments se rapportent à la personne de son
maître, le chat paraît ne sentir que pour soi, n'aimer que sous
condition, et, par cette convenance de naturel, il est moins
incompatible avec l'homme
qu'avec le chien, dans lequel
tout est sincère.
Le chat est joli, léger, adroit et propre : ii aime ses aises, il cherche les meubles les plus mollets pour s'y reposer et s'ébattre.
Les jeunes chats sont gais, vifs, jolis, et seraient aussi très propres à amuser les enfants, si les coups de patte n'étaient pas à craindre ; mais leur badinage, quoique toujours agréable et léger, n' est jamais innocent, et bientôt il se tourne en malice habituelle; et comme ils ne peuvent exercer ces talents avec quelque avantage que, sur les plus petits animaux, ils se mettent à l'affût près d'une
cage, ils épient les oiseaux, les souris, les rats et deviennent d'eux-mêmes, et sans y être dressés, plus habiles à la chasse que les chiens les mieux instruits. Leur naturel, ennemi
de toute contrainte, les rend incapables d'une éducation suivie.
Ils se plaisent à épier, attaquer et détruire assez indiffé- remment tous les animaux faibles, comme les oiseaux, les jeunes lapins, les levrauts, les rats, les souris, les mulots, les chauves- souris, les taupes, les crapauds, les grenouilles, les lézards et les serpents. Ils n'ont aucune docilité, ils manquent aussi de la finesse de l'odorat, qui, dans le chien, sont deux qualités émi- nentes ; aussi ne poursuivent-ils pas les animaux qu'ils ne voient
plus, ils ne les chassent pas, mais ils
les attendent, les attaquent par surprise, et après s'en être joués longtemps, ils les tuent sans aucune nécessité, lors même qu'ils sont le mieux nourris et qu'ils n'ont aucun besoin de cette proie pour satisfaire leur appétit.
La cause physique la plus immédiate de ce penchant qu'ils ont à épier et surprendre les autres animaux vient de
l'avantage que leur donne la conformation particulière de leurs yeux. La pupille, dans l'homme, comme dans la plupart des animaux, est capable d'un certain degré de contraction et de dilatation; elle s'élargit un peu lorsque la lumière manque, et se rétrécit lorsqu'elle devient trop vive. Dans l'œil du chat et des oiseaux de