Histoire naturelle (Buffon)/Tome 6/Le chevreuil

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Georges-Louis Leclerc de Buffon
Histoire Naturelle (1749)
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Cette page introduit l'article Le chevreuil par Monsieur de Buffon dans le tome VI de son encyclopédie[NDLR 1].

Le chevreuil (par Monsieur de Buffon)

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Le chevreuil

Buffon Lanessan Tome 9 page f39.jpg[l 29] Le cerf, comme le plus noble des habitants des bois, occupe dans les forêts les lieux ombragés par les cimes élevées des plus hautes futaies : le chevreuil [L 1] comme étant d'une espèce inférieure, se contente d'habiter sous des lambris plus bas, et se tient ordinairement dans le feuillage épais des plus jeunes taillis ; mais s'il a moins de noblesse, moins de force, et beaucoup moins de hauteur de taille, il a plus de grâce, plus de vivacité, et même plus de courage que le cerf [1] ; il est plus gai, plus leste, plus éveillé ; Buffon Hist Nat E.O. Tome 6 f275.jpg[199] sa forme est plus arrondie, plus élégante, et sa figure plus agréable ; ses yeux surtout sont plus beaux, plus brillants, et paraissent animés d'un sentiment plus vif ; ses membres sont plus souples, ses mouvements plus prestes, et il bondit, sans effort, avec autant de force que de légèreté. Sa robe est toujours propre, son poil net et lustré; il ne se roule jamais dans la fange comme le cerf; il ne se plaît que dans les pays les plus élevés, les plus secs, où l'air est le plus pur ; il est encore plus rusé, plus adroit à se dérober, plus difficile à suivre ; il a plus de finesse, plus de ressources d'instinct. Car, quoiqu'il ait le désa- vantage mortel de laisser après lui des impressions plus fortes, et qui donnent aux chiens plus d'ardeur et plus de véhémence d'appétit que l'odeur du cerf, il ne laisse pas de savoir se soustraire à leur poursuite par la rapidité de sa première course et par ses détours multipliés ; il n'attend pas, pour employer la ruse, que la force lui manque ; dès qu'il sent, au contraire, que les pre- miers efforts d'une fuite rapide ont été sans succès, il revient sur ses pas, retourne, revient encore, et lorsqu'il a confondu par ses mouvements opposés la direction de l'aller avec celle du retour, lorsqu'il a mêlé les émanations présentes avec les émanations passées, il se sépare de la terre par un bond, et, se jetant à côté, il se met ventre à terre, et laisse, Buffon Hist Nat E.O. Tome 6 f276.jpg[200] sans bouger, passer près de lui la troupe entière de ses ennemis ameutés.

Reproduction et éducation

Il diffère du cerf et du daim par le naturel, par le tempérament, par les Buffon Lanessan Tome 9 page f40.jpg[l 30] mœurs, et aussi par presque toutes les habitudes de nature : au lieu de se mettre en hardes comme eux et de marcher par grandes troupes, il demeure en famille ; le père, la mère et les petits vont ensemble, et on ne les voit jamais s'associer avec des étrangers ; ils sont aussi constants dans leurs amours que le cerf l'est peu ; comme la chevrette produit ordinairement deux faons, l'un mâle et l'autre femelle, ces jeunes animaux, élevés, nourris ensemble, prennent une si forte affection l'un pour l'autre qu'ils ne se quittent jamais, à moins que l'un des deux n'ait éprouvé l'injustice du sort, qui ne devrait jamais séparer ce qui s'aime ; et c'est attachement encore plutôt qu'amour, car, quoiqu'ils soient toujours ensemble, ils ne ressentent les ardeurs du rut qu'une seule fois par an, et ce temps ne dure que quinze jours ; c'est à la fin d'octobre qu'il commence et il finit avant le 15 de novembre. Ils ne sont point alors chargés, comme le cerf, d'une venaison surabondante; ils n'ont point d'odeur forte, point de fureur, rien en un mot qui les altère et qui change leur état ; seulement ils ne souffrent pas que leurs faons restent avec eux pendant ce temps; le père les chasse, comme pour les obliger à céder leur place à d'autres qui vont venir et à former eux-mêmes une nouvelle famille : Buffon Hist Nat E.O. Tome 6 f277.jpg[201] cependant, après que le rut est fini, les faons reviennent auprès de leur mère et ils y demeurent encore quelque temps, après quoi ils la quittent pour toujours, et vont tous deux s'établir à quelque distance des lieux où ils ont pris naissance.

La chevrette porte cinq mois et demi; elle met bas vers la fin d'avril, ou au commencement de mai. Les biches, comme nous l'avons dit, portent plus de huit mois, et cette différence seule suffirait pour prouver que ces animaux sont d'une espèce assez éloignée pour ne pouvoir jamais se rapprocher, ni se mêler, ni produire ensemble une race intermédiaire : par ce rapport, aussi bien que par la figure et par la taille, ils se rapprochent de l'espèce de la chèvre autant qu'ils s'éloignent de l'espèce du cerf ; car la chèvre porte à peu près le même temps, et le chevreuil peut être regardé comme une chèvre sauvage, qui, ne vivant que de bois, porte du bois au lieu de cornes [2]. La chevrette se sépare du chevreuil lorsqu'elle veut mettre bas; elle se recèle dans le plus fort du bois pour éviter le loup, qui est son plus dangereux ennemi. Au bout de dix ou douze jours les jeunes faons ont déjà pris assez de force pour la suivre : lorsqu'elle est menacée de quelque danger, elle les cache dans quelque endroit fourré ; elle fait face, se laisse chasser pour eux ; mais tous ses soins n'empêchent pas que les hommes, les chiens, les loups, ne les lui enlèvent souvent, c'est là leur temps le plus critique et celui de la grande destruction Buffon Hist Nat E.O. Tome 6 f277.jpg[202] de cette espèce, qui n'est déjà pas trop commune : j'en ai la preuve par ma propre expérience. J'habite souvent une Buffon Lanessan Tome 9 page f41.jpg[l 31] campagne dans un pays [3] dont les chevreuils ont une grande réputation; il n'y a point d'année qu'on ne m'apporte au printemps plusieurs faons, les uns vivants pris par les hommes, d'autres tués par les chiens; en sorte que, sans compter ceux que les loups dévorent, je vois qu'on en détruit plus dans le seul mois de mai que dans le cours de tout le reste de l'année ; et ce que j'ai remarqué depuis plus de vingt-cinq ans, c'est que, comme s'il y avait en tout un équilibre parfait entre les causes de destruction et de renouvelle- ment, ils sont toujours, à très peu près, en même nombre dans les mêmes cantons. Il n'est pas difficile de les compter, parce qu'ils ne sont nulle part bien nombreux, qu'ils marchent en famille, et que chaque famille habite séparément; en sorte que, par exemple, dans un taillis de cent arpents il y en aura une famille, c'est-à-dire trois, quatre ou cinq ; car la chevrette, qui produit ordinairement deux faons, quelquefois n'en fait qu'un, et quelque- fois en fait trois, quoique très rarement. Dans un autre canton, qui sera du double plus étendu, il y en aura sept ou huit, c'est-à-dire deux familles ; et j'ai observé que dans chaque canton cela se soutient toujours au même nom- bre, à l'exception des années où les hivers ont été trop rigoureux et les neiges Buffon Hist Nat E.O. Tome 6 f278.jpg[203] abondantes et de longue durée ; souvent alors la famille entière est détruite; mais, dès l'année suivante, il en revient une autre, et les cantons qu'ils aiment de préférence sont toujours à peu près également peuplés. Cependant on prétend qu'en général le nombre en diminue, et il est vrai qu'il y a des provinces en France où l'on n'en trouve plus ; que, quoique communs en Écosse, il n'y en a point en Angleterre ; qu'il n'y en a que peu en Italie ; qu'ils sont bien plus rares en Suède [4] qu'ils ne l'étaient autrefois, etc. Mais cela pourrait venir ou de la diminution des forêts, ou de l'effet de quelque grand hiver, comme celui de 1709, qui les fit presque tous périr en Bourgogne, en sorte qu'il s'est passé plusieurs années avant que l'espèce se soit rétablie : d'ailleurs ils ne se plaisent pas également dans tous les pays, puisque dans le même pays ils affectent encore des lieux particuliers ; ils aiment les colli- nes ou les plaines élevées au-dessus des montagnes ; ils ne se tiennent pas dans la profondeur des forêts, ni dans le milieu des bois d'une vaste étendue; ils occupent plus volontiers les pointes des bois qui sont environnées de terres labourables, les taillis clairs et en mauvais terrain, où croissent abon- damment la bourgène, la ronce, etc.

Les faons restent avec leurs père et mère huit ou neuf mois en tout ; et lorsqu'ils se sont séparés, c'est-à-dire vers la fin de la première année de leur âge, Buffon Hist Nat E.O. Tome 6 f279.jpg[204] leur première tête commence à paraître sous la forme de deux dagues beaucoup plus petites que celles du cerf ; mais ce qui marque encore une grande différence entre ces animaux, c'est que le cerf ne met bas sa tête Buffon Lanessan Tome 9 page f42.jpg[l 32] qu'au printemps, et ne la refait qu'en été, au lieu que le chevreuil la met bas à la fin de l'automne, et la refait pendant l'hiver. Plusieurs causes con- courent à produire ces effets différents. Le cerf prend en été beaucoup de nourriture, il se charge d'une abondante venaison, ensuite il s'épuise par le rut au point qu'il lui faut tout l'hiver pour se rétablir et pour reprendre ses forces; loin donc qu'il y ait alors aucune surabondance, il y a disette et défaut de substance, et par conséquent sa tête ne peut pousser qu'au prin- temps, lorsqu'il a repris assez de nourriture pour qu'il y en ait de superflue.

Le chevreuil, au contraire, qui ne s'épuise pas tant, n'a pas besoin d'autant de réparation ; et comme il n'est jamais chargé de venaison, qu'il est toujours presque le même, que le rut ne change rien à son état, il a dans tous les temps la même surabondance ; en sorte qu'en hiver même, et peu de temps après le rut, il met bas sa tête et la refait. Ainsi, dans tous ces animaux, le superflu de la nourriture organique, avant de se déterminer vers les réser- voirs séminaux et de former la liqueur séminale, se porte vers la tête, et se manifeste à l'extérieur par la production du bois, de la même manière que dans l'homme le poil et la barbe annoncent et précèdent la liqueur séminale ; Buffon Hist Nat E.O. Tome 6 f280.jpg[205] et il paraît que ces productions, qui sont pour ainsi dire végétales, sont for- mées d'une matière organique, surabondante, mais encore imparfaite et mêlée de parties brutes, puisqu'elles conservent dans leur accroissement et dans leur substance les qualités du végétal, au lieu que la liqueur séminale, dont la production est plus tardive, est une matière purement organique, entièrement dépouillée des parties brutes, et parfaitement assimilée au corps de l'animal (*).

Lorsque le chevreuil a refait sa tête, il touche au bois, comme le cerf, pour la dépouiller de la peau dont elle est revêtue, et c'est ordinairement dans le mois de mars, avant que les arbres commencent à pousser; ce n'est donc pas la sève du bois qui teint la tête du chevreuil : cependant elle devient brune à ceux qui ont le pelage brun, et jaune à ceux qui sont roux, car il y a des chevreuils de ces deux pelages, et par conséquent cette cou- leur du bois ne vient, comme je l'ai dit (a), que de la nature de l'animal et de l'impression de l'air. A la seconde tête, le chevreuil porte déjà deux ou trois andouillers sur chaque côté; à la troisième, il en a trois ou quatre; à la quatrième, quatre ou cinq, et il est bien rare d'en trouver qui en aient davantage : on reconnaît seulement qu'ils sont vieux chevreuils à l'épais- seur du merrain, à la largeur de la meule, à la grosseur des perlures, etc.

Tant que leur tête est molle, elle est extrêmement sensible : j'ai été témoin d'un coup de fusil, dont la balle coupa net l'un des côtés du refait de la tête, qui commençait à pousser; le chevreuil fut si fort étourdi du coup,

(a) Voyez ci-devant l'histoire du cerf.

(*) Ces considérations n'ont aucune valeur. Buffon Lanessan Tome 9 page f43.jpg[l 33] qu'il tomba comme mort : le tireur, qui en était près, se jeta dessus et le saisit par le pied; mais le chevreuil, ayant repris tout d'un coup le senti- ment et les forces, l'entraîna par terre à plus de trente pas dans le bois, quoique ce fût un homme très vigoureux ; enfin ayant été achevé d'un coup de couteau, nous vîmes qu'il n'avait eu d'autre blessure que le refait coupé par la balle. L'on sait d'ailleurs que les mouches sont une des plus grandes incommodités du cerf, lorsqu'il refait sa tête ; il se recèle alors dans le plus fort du bois où il y a le moins de mouches, parce qu'elles lui sont insuppor- tables lorsqu'elles s'attachent à sa tête naissante : ainsi, il y a une com- munication intime entre les parties molles de ce bois vivant, et tout le système nerveux du corps de l'animal. Le chevreuil, qui n'a pas à craindre les mouches parce qu'il refait sa tête en hiver, ne se recèle pas; mais il marche avec précaution et porte la tête basse pour ne pas toucher aux branches.

Dans le cerf, le daim et le chevreuil, l'os frontal a deux apophyses ou éminences sur lesquelles porte le bois : ces deux éminences osseuses com- mencent à pousser à cinq ou six mois, et prennent en peu de temps leur entier accroissement ; et, loin de continuer à s'élever davantage à mesure que l'animal avance en âge, elles s'abaissent et diminuent de hauteur chaque année ; en sorte que les meules, dans un vieux cerf ou dans un vieux chevreuil, appuient d'assez près sur l'os frontal, dont les apophyses sont devenues fort larges et fort courtes : c'est même l'indice le plus sûr pour reconnaître l'âge avancé dans tous ces animaux. Il me semble que l'on peut aisément rendre raison de cet effet, qui d'abord paraît singulier, mais qui cesse de l'être, si l'on fait attention que le bois qui porte sur cette éminence presse ce point d'appui pendant tout le temps de son accroisse- ment; que, par conséquent, il le comprime avec une grande force tous les ans pendant plusieurs mois ; et comme cet os, quoique dur, ne l'est pas plus que les autres os, il ne peut manquer de céder un peu à la force qui le comprime, en sorte qu'il s'élargit, se rabaisse et s'aplatit toujours de plus en plus par cette même compression réitérée à chaque tête que forment ces animaux. Et c'est ce qui fait que, quoique les meules et merrain grossis- sent toujours, et d'autant plus que l'animal est plus âgé, la hauteur de la tête et le nombre des andouillers diminuent si fort, qu'à la fin, lorsqu'ils parviennent à un très grand âge, ils n'ont plus que deux grosses dagues, ou des têtes bizarres et contrefaites dont le merrain est fort gros et dont les andouillers sont très petits.

Comme la chevrette ne porte que cinq mois et demi, et que l'accroisse- ment du jeune chevreuil est plus prompt que celui du cerf, la durée de sa vie est plus courte, et je ne crois pas qu'elle s'étende à plus de douze ou quinze ans tout au plus. J'en ai élevé plusieurs; mais je n'ai jamais pu les garder plus de cinq ou six ans ; ils sont très délicats sur le choix de la


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nourriture; ils ont besoin de mouvement, de beaucoup d'air, de beaucoup d'espace, et c'est ce qui fait qu'ils ne résistent que pendant les premières années de leur jeunesse aux inconvénients de la vie domestique. Il leur faut une femelle et un parc de cent arpents, pour qu'ils soient à leur aise : on peut les apprivoiser, mais non pas les rendre obéissants, ni même fami- liers; ils retiennent toujours quelque chose de leur naturel sauvage; ils s'épouvantent aisément, et ils se précipitent contre les murailles avec tant de force, que souvent ils se cassent les jambes. Quelque privés qu'ils puissent être, il faut s'en défier ; les mâles surtout sont sujets à des caprices dangereux, à prendre certaines personnes en aversion, et alors ils s'élancent et donnent des coups de tête assez forts pour renverser un homme, et ils le foulent encore avec les pieds lorsqu'ils l'ont renversé.

Les chevreuils ne raient pas si fréquemment, ni d'un cri aussi fort que le cerf; les jeunes ont une petite voix courte et plaintive, mi. mi, par laquelle ils marquent le besoin qu'ils ont de nourriture; ce son est aisé à imiter, et la mère, trompée par l'appeau, arrive jusque sous le fusil du chasseur.

En hiver, les chevreuils se tiennent dans les taillis les plus fourrés, et ils vivent de ronces, de genêt, de bruyère et de chatons de coudrier, de marsaule, etc. Au printemps, ils vont dans les taillis plus clairs, et brou- tent les boutons et les feuilles naissantes de presque tous les arbres : cette nourriture chaude fermente dans leur estomac et les enivre de manière qu'il est alors très aisé de les surprendre ; ils ne savent où ils vont ; ils sortent même assez souvent hors du bois, et quelquefois ils approchent du bétail et des endroits habités. En été, ils restent dans les taillis élevés, et n'en sortent que rarement pour aller boire à quelque fontaine dans les grandes sécheresses ; car, pour peu que la rosée soit abondante ou que les feuilles soient mouillées de la pluie, ils se passent de boire. Ils cherchent les nour- ritures les plus fines ; ils ne viandent pas avidement comme le cerf, ils ne broutent pas indifféremment toutes les herbes, ils mangent délicatement, et ils ne vont que rarement aux gagnages, parce qu'ils préfèrent la bourgène et la ronce aux grains et aux légumes.

La chair de ces animaux est, comme l'on sait, excellente à manger; cependant il y a beaucoup de choix à faire ; la qualité dépend principale- ment du pays qu'ils habitent, et, dans le meilleur pays, il s'en trouve encore de bons et de mauvais : les bruns ont la chair plus fine que les roux ; tous les chevreuils mâles qui ont passé deux ans, et que nous appelons vieux brocards, sont durs et d'assez mauvais goût; les chevrettes, quoique du même âge, ou plus âgées, ont la chair plus tendre ; celle des faons, lorsqu'ils sont trop jeunes, est mollasse ; mais elle est parfaite lorsqu'ils ont un an ou dix-huit mois ; ceux des pays de plaines et de vallées ne sont pas bons ; ceux des terrains humides sont encore plus mauvais; ceux qu'on élève dans


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des parcs ont peu de goût ; enfin, il n'y a de bien bons chevreuils que ceux des pays secs et élevés, entrecoupés de collines, de bois, de terres laboura- bles, de friches, où ils ont autant d'air, d'espace, de nourriture, et même de solitude qu'il leur en faut; car ceux qui ont été souvent inquiétés sont maigres, et ceux que l'on prend après qu'ils ont été courus ont la chair insipide et flétrie.

Répartition géographique

Cette espèce, qui est moins nombreuse que celle du cerf, et qui est même fort rare dans quelques parties de l'Europe, paraît être beaucoup plus abon- dante en Amérique. Ici, nous n'en connaissons que deux variétés : les roux qui sont les plus gros, et les bruns qui ont une tache blanche au derrière, et qui sont les plus petits ; et comme il s'en trouve dans les pays septentrionaux aussi bien que dans les contrées méridionales de l'Amérique, on doit pré- sumer qu'ils diffèrent les uns des autres peut-être plus qu'ils ne diffèrent de ceux d'Europe : par exemple, ils sont extrêmement communs à la Loui- siane (a), et ils y sont plus grands qu'en France ; ils se retrouvent au Brésil, car l'animal que l'on appelle cujuacu-apara ne diffère pas plus de notre che- vreuil que le cerf de Canada diffère de notre cerf ; il y a seulement quelque différence dans la forme de leur bois, comme on peut le voir dans la planche du cerf de Canada donnée par M. Perrault, et dans la planche 37, figures 1, 2 où nous avons fait représenter deux bois de ces chevreuils du Brésil, que nous avons aisément reconnus par la description et la figure qu'en a don- nées Pison. « Il y a, dit-il (b) , au Brésil des espèces de chevreuils dont les » uns n'ont point de cornes et s'appellent cujuacu-été, et les autres ont des » cornes et s'appellent cujuacu-apara : ceux-ci, qui ont des cornes, sont » plus petits que les autres; les poils sont luisants, polis, mêlés de brun et » de blanc, surtout quand l'animal est jeune ; car le blanc s'efface avec l'âge.

» Le pied est divisé en deux ongles noirs, sur chacun desquels il y en a un » plus petit qui est comme superposé; la queue courte, les yeux grands et » noirs, les narines ouvertes, les cornes médiocres, à trois branches, et qui » tombent tous les ans ; les femelles portent cinq ou six mois ; on peut les » apprivoiser, etc. Margrave ajoute que l'apara a des cornes à trois branches, » et que la branche inférieure de ces cornes est la plus longue et se divise » en deux. » L'on voit bien, par ces descriptions, que Yapara n'est qu'une variété de l'espèce de nos chevreuils, et Ray soupçonne (c) que le cujuacu- été n'est pas d'une espèce différente de celle du cujuacu-apara, et que celui-ci est le mâle et l'autre la femelle. Je serais tout à fait de son avis, si Pison ne disait pas précisément que ceux qui ont des cornes sont plus petits

(a) On fait aussi beaucoup d'usage, à la Louisiane, de la chair de chevreuil : cet animal y est un peu plus grand qu'en Europe, et porte des cornes semblables à celles du cerf; mais il n'en a pas le poil ni la couleur ; il sert aux habitants ainsi que le mouton ailleurs. Mém.

sur la Louisiane, par M. Dumont, t. Ier, p. 75.

(b) Pison. Hist. Brasil., p. 98, où l'on en voit aussi la figure.

(c) Ray, Synops. animal, quadr., p. 90.


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que les autres : il ne me paraît pas probable que les femelles soient plus grosses que les mâles dans cette espèce au Brésil, puisqu'ici elles sont plus petites. Ainsi, en même temps que nous croyons que le cujuacu-apara n'est qu'une variété de notre chevreuil, à laquelle on doit même rapporter le ca- preolus marinus de Jonston, nous ne déciderons rien sur ce que peut être le cujuacu-été, jusqu'à ce que nous en soyons mieux informés.

Notes de la partie rédigée par Buffon

Notes relatives au titre
* Le Chevreuil ; en Grec,  ; en Latin, Capreolus, Capriolus' ; en Italien, Capriolo ; en Espagnol, Zorlito, Cabronzillo montes ; en Portugais, Cabra montes ; en Allemand, Rehe ; en Anglais, Roe-Deer ; en Suédois, Ra-Diur ; en Danois, Raa-Diur ; en Écossais, Roe-Buck.
Dorcas, Aristotelis. Caprea, Plinii.
Capra, Capreolus sive Dorcas, Gesner. Icon. anim. quadr. pag. 64.
Capriolus, Jonston. Hist. anim. quadr. tab. 33.
Dorcas Scotiæ perfamiliaris, Charleton. de différent. animal. pag. 9. 12.
Caprea, Plinii. Capreolus vulgo,
Cervulus silvestris septentrionalis nostras, Ray, Synop. anim. quadr. pag. 89.
Cervus cornibus ramosis, teretibus, erectis. Linn. Cervus minimus, Capreolus, Cervulus, Caprea, cornibus brevibus ramosis, annuatim deciduis. Klein. Quadr. Hist. Nat. page 24.
« * » [F 1]
Notes au fil de l'article
  1. (page 198 note a)
    Lorsque les faons sont attaqués, le chevreuil qui les reconnait pour être à lui prend leur défense ; et quoique ce soit un animal assez petit, il est assez fort pour battre un jeune cerf et le faire fuir. Nouveau traité de la Vénerie. Paris, 1750, p. 178.
  2. (Lanessan page 30 note *)
    Par la nature des cornes, le Chevreuil est beaucoup plus voisin du Cerf que de la Chèvre. Chez cette dernière, les cornes sont creuses et persistantes, tandis que chez le Chevreuil elles sont pleines et tombent chaque année comme chez le Cerf.
  3. (page 202 note a)
    Montbard en Bourgogne.
  4. (page 203 note b) Linn. Faun. Suec.

Planches de l'article

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Buffon Hist Nat E.O. Tome 6 f315.jpg
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Description du chevreuil (par Monsieur Daubenton)

Dans le Cabinet du Roi

Dans la réédition de Lanessan

Notes de Lanessan

  1. Cervus capreolus L. ou Capreolus vulgaris de certains zoologistes.

Dans la réédition de Flourens

  1. Flourens précise :
    Cervus capreolus (Linn. ). — Ordre des Ruminants; genre Cerf (Cuvier. ).

Notes de la rédaction

  1. Cette transcription s'appuie sur la version originale de Buffon en utilisant la modernisation du texte par Lanessan.

Voir aussi

Source