Histoire naturelle (Buffon)/Tome P5/Ésoce/Brochet : Différence entre versions
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L'ésoce brochet et l'ésoce américain
Histoire Naturelle (1749) I - II - III / / IV - V - VI - VII - VIII - IX - X - XI - XII - XIII - XIV - XV XVI - XVII - XVIII - XIX - XX - XXI - XXII - XXIII - XXIV / / XXV - XXVI - XXVII - XXVIII - XXIX XXX - XXXI - XXXII - XXXIII - XXXIV - XXXV - XXXVI / / XXXVII - XXXVIII / / P I - P II - P III - P IV - Poissons tome V / / C |
Sommaire
L'ésoce brochet et l'ésoce américain
et
l'ésoce américain
L'ésoce brochet
Le brochet est le
requin des eaux douces ; il y règne en tyran dévastateur, comme le requin au milieu des
[298]
mers.
S’il a moins de puissance, il ne rencontre pas de rivaux aussi redoutables ; si son empire est moins
[299]
étendu, il a moins d'espace à
parcourir pour assouvir sa voracité ; si sa proie
est moins variée, elle est souvent plus abondante,
et il n'est point obligé, comme le requin, de traverser d'immenses profondeurs pour l'arracher à
ses asyles. Insatiable dans ses appétits, il ravage
avec une promptitude effrayante les viviers et les
étangs. Féroce sans discernement, il n'épargne
pas son espèce, il dévore ses propres petits. Goulu
sans choix, il déchire et avale, avec une sorte de
fureur, les restes mêmes des cadavres putréfiés.
Cet animal de sang est d'ailleurs un de ceux auxquels la nature a accordé le plus d'années : c'est
pendant des siècles qu'il effraie, agite, poursuit,
détruit et consomme les faibles habitants des eaux
douces qu'il infeste ; et comme si, malgré son insatiable cruauté, il devait avoir reçu tous les dons,
il a été doué non seulement d'une grande force,
d'un grand volume, d'armes nombreuses, mais
encore de formes déliées, de proportions agréables, de couleurs variées et riches.
L'ouverture de sa bouche s'étend jusqu'à ses
yeux. Les dents qui garnissent ses mâchoires sont
fortes, acérées et inégales : les unes sont immobiles,
[300]
fixes et plantées dans les alvéoles ; les autres,
mobiles, et seulement attachées à la peau, donnent au brochet un nouveau rapport de conformation avec le requin. On a compté sur le palais
sept cents dents de différentes grandeurs, et disposées sur plusieurs rangs longitudinaux, indépendamment de celles qui entourent le gosier.
Le corps et la queue, très allongés, très souples
et très vigoureux, ont, depuis la nuque jusqu'à
la dorsale, la forme d'un prisme à quatre faces
dont les arêtes seraient effacées.
Pendant sa première année, sa couleur générale est verte ; elle devient, dans la seconde année,
grise et diversifiée par des taches pâles, qui,
l'année suivante, présentent une nuance d'un
beau jaune. Ces taches sont irrégulières, distribuées presque sans ordre, et quelquefois si nombreuses, qu'elles se touchent et forment des bandes ou des raies. Elles acquièrent souvent l'éclat
de l'or pendant le temps du frai, et alors le gris
de la couleur générale se change en un beau
vert[1]. Lorsque le brochet séjourne dans des
eaux d'une nature particulière, qu'il éprouve la
disette, ou qu'il peut se procurer une nourriture
trop abondante, ses nuances varient. On le voit,
dans certaines circonstances, jaune avec des taches
noires. Au reste, parvenu à une certaine grosseur,
il a presque toujours le dos noirâtre et le ventre
blanc avec des points noirs.
[301]
L’œsophage et l'estomac montrent de grands plis pâles ou rouges, par le moyen desquels l'ani- mal peut rejeter à volonté les substances qu'il avale dans les accès de sa voracité, et qu'il ne peut pas digérer. Cette faculté lui est commune avec la morue, ainsi qu'avec les squales, et particulièrement avec le requin, dont elle le rapproche encore. L'estomac est d'ailleurs très long ; et, comme de ses grandes dimensions résulte une très grande abondance de sucs digestifs, dont l'action très-vive se manifeste par les appétits violents qu'elle produit, il n'est pas surprenant que le canal intestinal proprement dit soit très court, et n'offre qu'une sinuosité, comme dans un très grand nombre d'animaux féroces et carnassiers.
Le foie est long et sans division ; la vésicule du fiel grosse ; le fiel jaune ; la laite double, ainsi que l'ovaire ; le péritoine blanc et brillant ; l'épine dorsale composée de soixante-une vertèbres ; le nombre des côtes est de soixante.
L'organe de l'ouïe renferme un troisième osselet pyramidal, garni à sa base d'un grand nombre
de petits aiguillons, et placé dans la cavité qui sert
de communication aux trois canaux demi-circulaires. Cet organe contient aussi une sorte de rudiment d'un quatrième canal demi-circulaire, qui
communique avec le sinus par lequel se réunissent
les trois canaux auxquels le nom de demi-circulaire a été donné.
[302]
Voilà donc le sens de l'ouïe du
brochet plus parfait que celui de presque tous les
autres poissons osseux. Cet avantage lui donne un
nouveau trait de ressemblance avec le requin et
les squales ; il lui donne de plus la facilité d'éviter
de plus loin un ennemi dangereux, ou de s'assurer
de l'approche d'une proie difficile à surprendre ;
et, d'après l'organisation particulière de son
oreille, on doit être moins étonné que l'on ait remarqué, du temps même de Pline, la finesse de
son ouïe, et que, sous Charles IX, roi de France,
des individus de l'espèce que nous décrivons,
réunis dans un bassin du Louvre, vinssent, lorsqu'on les appelait, recevoir la nourriture qu'on
leur avait préparée.
La vessie natatoire du brochet est simple, mais grande ; et sans cet instrument, ce poisson ne parcourrait pas avec la rapidité qu'il développe, les espaces qu'il franchit, contre les courants des fleuves impétueux, et au milieu des eaux les plus pures, et par conséquent les moins pesantes et les moins propres à le soutenir.
C'est en effet dans les rivières, les fleuves, les lacs et les étangs, qu'il se plaît à séjourner. On ne le voit dans la mer que lorsqu'il y est entraîné par des accidents passagers, et retenu par des causes extraordinaires, qui ne l'empêchent pas d'y dépérir ; mais on l'a observé dans presque toutes les eaux douces de l'Europe.
Belon a écrit qu'il l'avait vu dans le Nil, où il
croyait que les anciens lui avaient donné le nom
d'Oxyrhynchus [2]
[303]
(museau pointu). Mon collègue, M. Geoffroy, professeur du Muséum d'histoire naturelle, va publier une dissertation très
savante sur les animaux de l'Égypte, dans laquelle
on trouvera à quel poisson, différent de celui que
nous examinons, les anciens avaient réellement
appliqué cette dénomination d'Oxyrhynque.
Notes de l'article
- Note associée au titre
- Esox lucius.
- Lançon, quand il est très-jeune.
- Lanceron, id.
- Poignard, quand il est d’une grosseur moyenne.
- Carreau, quand il est plus gros.
- Béquet, dans quelques départements de France.
- Bechet, ibid.
- Lucs, ibid.
- Lupule, ibid.
- Luccio, en Italie.
- Luzzo, ibid.
- Trigle, à Malte.
- Grashecht (quand il n’a qu’un an), en Allemagne.
- Hecht, ibid.
- Stukha, en Hongrie.
- Csuka, ibid.
- Szuk, en Pologne.
- Szuka, ibid.
- Zurcha, chez les Calmouques.
- Tschortan, en Tatarie.
- Aug, en Livonie.
- Tschuk, en Russie.
- Tschuw, ibid.
- Schurtan, ibid.
- Scheschuk, ibid.
- Giadde, en Suède.
- Gidde, en Danemark.
- Snoek, en Hollande.
- Geep-visch, ibid.
- Pike, en Angleterre.
- Pikerelle, ibid.
- Kamas, au Japon.
- Esox lucius. Linné, édition de Gmelin.
- Ésoce brochet. Daubenton et Haüy, Encyclopédie méthodique.[NDLR 1]
- Id. Bonnaterre, planches de l’Encyclopédie méthodique.[NDLR 2]
- Bloch, pl. 32.
- Faun. Suecic. 355.
- Meiding. Ic. pisc. Austr. t. 10.
- Esox rostro plagioplateo. Artedi, gen. 10, spec. 53, syn. 26.
- Lucius. Auson. Mos. v. 122.
- Id. Wotton. lib. 8, cap. 190, fol. 169.
- Brochet. Rondelet, des poissons de rivière, chap. 11.
Lucius. Salvian. fol. 94, b. 95. Id. Gesn. p. 500, 501, et (germ.) 175 b. Id. Schonev. p. 44. Id. Aldrovand. lib. 5, cap. 39, p. 630, 635. Id. Jonston. lib. 3, tit. 3, cap. 5, tab. 29, fig. 1. Thaum. p. 417. Id. Charleton, p. 162. Id. Willughby, p. 236. Id. Raj. p. 112. Gronov. Mus. 1, n. 28. Bellon, Aquat. p. 292, It. p. 104. Brochet. Camper, Mémoires des Savans étrangers, 6. p. 177. Pike. Brit. Zoology, 3, p. 270, n. 1. Brochet. Valmont-Bomare, Dictionnaire d’histoire naturelle. 2 Esox americanus. Esox lucius americanus, B. Linné, édition de Gmelin.
- Autres notes
Notes de la rédaction Wicri
- ↑ Sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58307072/f147.item
- ↑ Sur Biodiversity Heritage Library :
https://www.biodiversitylibrary.org/item/44034#page/9/mode/1up
et notamment la planche 72 https://www.biodiversitylibrary.org/item/110813#page/423/mode/1up
Voir aussi
- Source
- http://www.buffon.cnrs.fr/ice/ice_page_detail.php?lang=fr&type=text&bdd=buffon&table=buffon_hn&typeofbookDes=hnp&bookId=56&pageChapter=L%E2%80%99%C3%A9soce+brochet%2C+et+l%E2%80%99%C3%A9soce+am%C3%A9ricain.&pageOrder=360&facsimile=off&search=no&num=&nav=1
- https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6236990w/f425.item