Mélodie (Jean-Jacques Rousseau)

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Mélodie


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MÉLODIE, s. f. Succession de Sons tellement ordonnés selon les loix du Rhythme & de la Modulation, qu'elle forme un sens agréable à l'oreille ; la Mélodie vocale s'appelle Chant ; & l'Instrumentale, Symphonie. £ L'idée du Rhythme entre nécessairement dans celle de la Mélodie : un Chant n'est un Chant qu'autant qu'il est mesuré ; la même succession de Sons peut recevoir autant de caracteres, autant de Mélodies différentes,


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qu'on peut la scander différemment ; & le seul changement de valeur des Notes peut défigurer cette même succession au point de la rendre méconnoissable. Ainsi la Mélodie n'est rien par elle - même -, c'est la Mesure qui la détermine , & il n'y a point de Chant sans le Tems. On ne doit donc pas comparer la Mélodie avec l'Harmonie , abstraction faire de la Mesure dans toutes les deux : car elle est essenrielle à l'une & non pas à l'autre.

La Mélodie se rapporte à deux principes differens , selon la maniere dont on la considere. Prise par les rapports des Sons & par les regles du Mode, elle a son principe dans l'Harmonie ; puisque c'est une analyse harmonique qui donne les Degrés de la Gamme , les cordes du Mode, & les loix de la Modulation , uniques élémens du Chant. Selon ce principe , toute la force de la Mélodie se borne à flatter l'oreille par des Sons agréables, comme on peut flatter la vue par d'agréables accords de couleurs : mais prise pour un art d'imitation par le- quel on peut affecter l'esprit de diverses images, émouvoir le cœur de divers sen- timens, exciter & calmer les parlions , opé- rer , en un mot , des effets moraux qui passent l'empire immédiat des sens , il lui faut chercher un autre principe : car on ne voit aucune prise par laquelle la seule Har- monie , & tout ce qui vient d'elle, puissè nous affe&er ainsi.

Quel est ce second principe ? Il est dans


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la Nature ainsî que le premier ; mais pour l'y découvrir il faut une observation plus fine, quoique plus simple , & plus de sensbilité dans l'observateur. Ce principe est le même qui fait varier le Ton de la Voix, quand on parle , [elon les choses qu'on dit & les. mouvemens qu'on éprouve en les disant. C'est l'Accent des Langues qui détermine la, Mé- lodie de chaque Nation ; c'est l'Accent qui fait qu'on parle en chantant, & qu'on parle avec plus ou moins d'énergie , sélon que la Langue a plus ou moins d'Accent. Celle dont l'Accent est plus marqué doit donner une Mélodie plus vive 8c plus passionnée , celle qui n'a que peu ou point d'Accent ne ipeut avoir qu'une Mélodie languissànte 8c froide, sans caraâere & sans expreŒon. Voilà les vrais principes : tant qu'on en sor- tira & qu'on voudra parler du pouvoir de - la Musique sur le cœur humain , on parlera sans s^entendre ; pn ne saura cç qu'on dira.

Si la Musique ne peint que par la Mé- lodie , & tire d'elle toute la force , il s'ensuit que toute Musique qui ne chante pas quelque harmonieuse qu'elle puissè etre 2 n'est point une Musique imitative , &, ne pouvant ni toucher ni peindre avec ses beaux Accords, laiTe bientôt les oreilles , & laisse toujours le cœur froid. Il suit encore que 2 malgré la diversité des Parties que l'Harmo- nie a introduites , 8c dont on abuse tant aujourd'hui , si-tôt que deux Mélodies se font entendre à la fois , elles s'effacent l'une l'autre 8c demeurent de nul effet $


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quelque belles qu'elles puissent être chacune sëparément : d'où l'on peut juger avec quel goût les Compositeurs François ont intro- duit à leur Opéra l'usage de faire servir un Air d'Accompagnement à un Choeur ou à un autre Air ; ce qui est comme si on s'avi- foit de réciter deux discours à la fois, pour donner plus de force à leur éloquence, ( Voyez UNITÉ DE MÉLODIE. )


Mélodieux

MÉLODIEUX, adj. Qui donne de la Mélodie. Mélodieux , dans l'usage, se dit des Sons agréables, des Voix sonores 9 des Chams doux & gracieux , &c.


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